À André Falconet, le 12 décembre 1659

Note [10]

Gabriel de Jaucourt, chevalier, seigneur de Bonnesson, était un gentilhomme huguenot de Sologne qui vivait à Baffou, entre Viglain et Sully-sur-Loire. Un de ses oncles paternels avait épousé la fille aînée de Philippe Duplessis-Mornay (v. note [19], lettre 81), prénommée Marthe. Des trois frères de Gabriel, deux étaient morts au service du régiment d’Enghien, ce qui lui créa sans doute des liens avec le prince de Condé.

Avec quelques autres gentilshommes beaucerons (Laubarderie, Lézanville, etc.), il s’était réuni à la révolte des sabotiers (v. note [1], lettre 528) pour en devenir l’un des chefs. Petit noble séditieux, émeutier populaire, huguenot et condéen, Bonnesson représentait la victime expiatoire idéale que le pouvoir cherchait pour mettre fin aux tout derniers soubresauts de la Fronde. Louis Jaret a fourni de précieux renseignements sur son fâcheux destin dans un article intitulé Les Suites de la Fronde, guerre des sabotiers de Sologne et assemblées de la noblesse (1653-1660) (Mémoires de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, volume 17, 1880).

En septembre 1659, pourchassé par les agents de Colbert, alors intendant de Mazarin, il avait été pris en flagrant délit de conspiration.

« Bonnesson était à Paris où il espérait rencontrer le comte d’Harcourt afin de lui rendre compte d’une mission confidentielle qu’il venait de remplir auprès de Condé à Bruxelles. D’Harcourt ne s’étant pas trouvé à Paris, Bonnesson résolut de lui envoyer son neveu, nommé Jaucourt comme lui, et page de la Grande Écurie, avec une lettre où il demandait un rendez-vous. C’est au moment où le jeune page se rendait chez Laubarderie, où se trouvaient déjà Bonnesson et Lézanville, afin d’y prendre un cheval de louage et d’y recevoir ses dernières instructions pour le comte d’Harcourt, qu’ils furent tous saisis et conduits au château de la Bastille. »

Le Grand Conseil du roi condamna Bonnesson à la peine capitale :

« Il sera dit que le Conseil a déclaré ledit de Jaucourt de Bonnesson ayant été convaincu d’avoir fomenté les soulèvements et séditions de Sologne, arrivées l’an 1658 ; assisté aux assemblées illicites de noblesse faites auparavant et depuis la déclaration du roi du mois de septembre audit an ; fait des unions et associations tendant à émotion, soulèvement et rébellion contre l’autorité du roi, bien et repos de l’État ; signé, avec autres qualifiés commissaires généraux, des procurations portant pouvoir à des députés, particulièrement de traiter avec les gentilshommes des autres provinces, les engageant à leur parti ; d’avoir négocié tant en dedans que dehors le royaume pour y donner entrée aux ennemis de l’État. Pour réparation de quoi le Conseil, sans avoir égard à la requête dudit Jaucourt de Bonnesson afin d’être reçu à s’inscrire en faux contre lesdites procurations signées de lui et produites au procès, a condamné et condamne ledit Bonnesson d’avoir la tête tranchée sur un échafaud qui, à cette fin, sera dressé en la place de la Tiroir {a} de cette ville de Paris. A ordonné et ordonne que ses maisons seront abattues, démolies et rasées, ses bois de haute futaie coupés et abattus à hauteur d’homme ; l’a condamné et condamne à deux mil livres d’amende envers le roi, mil livres envers l’Hôpital Général de cette dite ville, cinq cents livres en œuvres pies ainsi que par le Conseil sera ordonné, et en pareille somme de cinq cents livres applicable à la discrétion du Conseil, le surplus de biens acquis et confisqués au roi ou à qui il appartiendra ; a ordonné et ordonne que le procès sera fait et parfait à Gabriel de Chartres, sieur de Lezanville, et à Jean Aubert, sieur de Laubarderie, et autres complices des crimes commis depuis et au préjudice de ladite déclaration. »


  1. La Croix-du-Trahoir, v. note [5], lettre 39.

Bonnesson eut la tête tranchée le 13 décembre 1659. Il fut un des très rares à payer si cher une fureur mazarine.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 12 décembre 1659, note 10.

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(Consulté le 29/03/2024)

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