À André Falconet, le 29 décembre 1660

Note [14]

Histoire du roi Henri le Grand. Composée par Messire Hardouin de de Péréfixe, {a} évêque de Rodez, ci-devant précepteur du roi. {b}


  1. V. note [38], lettre 106.

  2. Paris, Edme Martin, 1661, in‑4o de 481 pages, dédicacé à Mazarin, parmi plusieurs éditions de même date.

S’agissant d’un auteur tout dévoué à la Couronne, j’ai prêté attention à ce qu’il a écrit sur l’assassin de Henri iv (pages 452‑455) :

« Il y avait à Paris, depuis deux ans, un certain méchant coquin nommé François Ravaillac, {a} natif du pays d’Angoumois, de vile extraction, de poil rousseau, rêveur et mélancolique, qui avait été moine, puis ayant quitté le froc avant que d’être profès, {b} avait tenu école ; et après, s’était fait solliciteur d’affaires {c} et était venu à Paris. On ne sait s’il y avait été amené pour faire ce coup ou si, y étant venu à autre dessein, il avait été induit à cette exécrable entreprise par des gens qui, ayant connu qu’il avait encore dans l’âme quelque levain de la Ligue, et cette fausse persuasion que le roi allait renverser la religion catholique en Allemagne, {d} le jugèrent propre pour ce coup.

Si l’on demande qui furent les démons et les furies qui lui inspirèrent une si damnable pensée, et qui le poussèrent à effectuer sa méchante disposition, l’histoire répond qu’elle n’en sait rien, et qu’en une chose si importante, il n’est pas permis de faire passer des soupçons et des conjectures pour des vérités assurées. Les juges mêmes qui l’interrogèrent n’osèrent en ouvrir la bouche et n’en parlèrent jamais que des épaules. {e} […]

Il fut pris sur-le-champ, interrogé à diverses fois par les commissaires du Parlement, jugé les chambres assemblées et, par arrêt, tiré à quatre chevaux dans la Grève, après avoir été tenaillé aux mamelles, aux bras et aux cuisses, sans qu’il témoignât la moindre émotions de crainte ni de douleur dans de si étranges tourments : ce qui confirmait bien le soupçon qu’on avait que certains émissaires, sous le masque de piété, l’avaient instruit et l’avaient enchanté par de fausses assurances qu’il mourrait martyr s’il tuait celui qu’ils lui faisaient croire être l’ennemi juré de l’Église. »


  1. V. note [90], lettre 166.

  2. Avant d’avoir prononcé ses vœux.

  3. « On a des solliciteurs à gages pour aller chez les avocats et les procureurs, afin de presser l’instruction des affaires » (Furetière)

  4. En 1610, Henri iv se disposait à intervenir militairement contre l’emprereur germanique Rodolphe ii pour l’empêcher de s’emparer des principautés de Clèves et Juliers.

  5. Expression cocasse dont je n’ai pas trouvé l’explication certaine dans les dictionnaires du temps : parler « par-dessus l’épaule », c’est raconter « le contraire de tout ce que l’on dit ou croit » (Oudin) ou faire entendre « qu’il n’y a rien de vrai en ce qu’on allègue » (Fueretière) ; mais les juges pouvaient se contenter de ne rien répondre et de hausser les épaules.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 29 décembre 1660, note 14.

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(Consulté le 18/04/2024)

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