À André Falconet, le 16 juillet 1669

Note [4]

« du premier seigneur [le roi]. »

Bien que les dates et les circonstances ne correspondent pas exactement, cette allusion évoque la sinistre histoire narrée par Olivier Le Fèvre d’Ormesson (Journal, tome ii, pages 566‑567, année 1669) :

« Le samedi 22 juin, un homme fut roué, dont l’histoire mérite d’être écrite. Il s’appelait Le Roux, sieur de Marsilly, natif de Nîmes ; il était huguenot. Prétendant qu’on lui avait fait une injustice dans une affaire de finances et que ceux de sa religion étaient maltraités, il résolut de se venger du roi, alla en Angleterre, où il fut découvert à M. de Ruvigny {a} par M. le duc d’York, qui lui fit entendre derrière une tapisserie toutes les propositions abominables qu’il lui faisait contre le roi. M. de Ruvigny en ayant donné avis, on résolut de le prendre, et M. de Turenne choisit un nommé Mazel, capitaine de cavalerie, avec quatre autres, pour le suivre partout et le prendre. En effet, ayant passé en Hollande et delà en Suisse, Mazel, accompagné de quatre cavaliers, le suivit, l’attaqua dans un village, le prit et l’emmena en France. Il fut mis dans la Bastille et dit que, si l’on voulait le ménager, il découvrirait des choses très importantes ; et enfin, voyant que l’on lui faisait son procès, il prit la résolution de se faire mourir lui-même, trouva moyen d’avoir un petit couteau et se coupa toutes les parties naturelles entièrement, afin de mourir doucement en perdant son sang ; et afin de n’être pas découvert ni secouru, il avait ramassé tout son sang pour le cacher. Il avait cessé de manger depuis le samedi 15 juin et enfin, pour avancer encore sa mort, il avait découpé toutes les chairs de son petit doigt et rompu l’os. Le jeudi 20 juin, croyant être hors d’état de pouvoir mourir par la main du bourreau, il découvrit tout ce qu’il avait fait, montra le couteau, les parties coupées, les préparatifs qu’il avait faits pour se pendre s’il n’eût point cru l’autre voie plus sûre. L’avis aussitôt donné, l’on acheva son procès vendredi, et samedi il fut jugé par le lieutenant criminel avec le Châtelet par commission souveraine, et condamné à être rompu ; ce qui fut exécuté à midi, et son corps traîné par les rues. Lorsqu’il fut mené devant les juges, il avait fait le mourant, n’ayant pas ouvert les yeux ni donné marque de connaissance ; mais sur l’échafaud il dit tout ce qu’il put de plus horrible contre le roi, avec la force d’un homme qui en avait beaucoup. Il renvoya le ministre Daillé, {b} qu’il avait appelé comme s’il lui eût voulu dire quelque chose importante, parce qu’il voulait l’empêcher de blasphémer contre le roi, et il fallut lui couvrir la bouche d’un linge pour l’empêcher de parler. Le roi ayant vu tout ce que ce misérable a dit, ne dit autre chose, sinon : “ Monsieur le lieutenant criminel, nous voilà défaits d’un méchant homme. ” M. de Ruvigny lui fut confronté. Le dessein de ce misérable, sa conduite et sa fermeté à se couper lui-même font horreur, et il n’y a guère d’exemples d’une action plus extraordinaire. »


  1. V. note [6], lettre 871.

  2. Jean Daillé, pqteur de Charenton (v. note [15], lettre 209).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 16 juillet 1669, note 4.

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(Consulté le 29/03/2024)

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