À Vopiscus Fortunatus Plempius, le 27 juillet 1656

Note [11]

Ces deux livres que Guy Patin tenait pour véritablement d’Avicenne sont sa Metaphysica (Venise, Bernardino Vitali, 1495, in‑fo) et son traité De Animalibus [Des Animaux] (Venise, Giovanni et Gregorio de Gregori, 1508, in‑fo).

Dans les préambules de son Avicenne (v. supra note [8]), Vopiscus Fortunatus Plempius consacre deux pages à la Patria et vita Abensinæ [Patrie et vie d’Avicenne]. Sans citer Guy Patin, il y reprend ses propos quasiment mot pour mot :

Alij duos Avisenas constituunt : unum Hispanum, alterum Arabem. In qua sententia fuit Ioan. Mariana e Soc. Ies. rerum Hispanicarum scriptor. Idem cum illo sentiunt duo Viri eruditissimi Io. Riolanus et Ren. Moreau, Doctores Parisienses, Hispanicis quibusdam libris edocti. Sunt qui putent operis Medici verum ac primum authorem fuisse Isidorum Hispalensem ab Avicenna olim versi ex latino Isidori libro in linguam Arabicam : qui liber Isidori perijsset iniuria temporum, remanente exemplari Arabico, Avicennæ tanquam authori, licet interpreti dumtaxat, tributo. Opus vero Metaphysicum et de animalibus esse alterius Avicennæ. Quæ meræ sunt et nudæ coniecturæ. {a} Arabes certe omnes et totus Oriens Avicennam fuisse Arabem et operum istorum authorem clamant, uti ex Ben Casem, qui illustrium Arabum vitas diligenter et vere descripsit, referunt Gabriel Sionita et Ioannes Hesronita. Ad Isidorem quot attinet ; nusquam legitur sanctum Præsulem illum rei Medicæ peritum fuisse.

[D’autres déclarent qu’il y a eu deux Avicenne, l’un espagnol et l’autre arabe. Juan Mariana de la Compagnie de Jésus, auteur de l’Histoire de l’Espagne, a été de cet avis. Instruits par certains livres espagnols, Jean Riolan et René Moreau, très savants docteurs de Paris, partagent la même opinion. Certains pensent qu’Isidore de Séville a été le véritable et premier auteur de l’Opus medicum {b} qu’Avicenne a autrefois traduit du latin d’Isidore en langue arabe ; ce livre a subi outrage du temps et l’exemplaire arabe ayant seul subsisté, avec Avicenne pour auteur, on s’est permis de ne l’attribuer qu’au traducteur ; mais l’Opus metaphysicum et de Animalibus sont de l’autre Avicenne. Ce ne sont pourtant là que pures et simples conjectures. {a} Le certain est que tous les Arabes et l’Orient tout entier proclament qu’Avicenne était arabe et l’auteur de ces ouvrages, comme le rapportent Gabriel Sionita et Jean Hesronita en citant Ben Casem, qui a écrit avec soin et vérité les vies des Arabes illustres. {c} Quant à Isidore, on ne lit nulle part que ce saint prélat s’y connût en médecine].


  1. La transcription du latin de Patin met clairement au jour le sidérant plagiat de Plempius :

    Alij duos Avicennas constituunt quorum unus fuit Hispanus : in qua sententia video fuisse virum eruditissimum, et de re literaria meritissimum, Io. Marianam, rerum hispanicarum scriptorem, et alios : idem cum illo sentiunt Collegæ nostri duo eruditissimi, Io. Riolanus, et Ren. Moreau, Hispanicis quibusdam libris edocti. Sunt qui putent Operis Medici verum ac primum Auctorem fuisse Isidorum Hispalensem, ab Avicenna olim versi ex Latino Isidori in linguam Arabicam : quod postea perijt injuria temporum, remanente Exemplari Arabico, Avicennæ tanquam auctori, licet dumtaxat Interpreti tributo : opus v. Metaphysicum et de Animalibus esse alterius Avicennæ. Sed singula hæc sunt meræ nudæque conjecturæ.

  2. « l’Œuvre médicale ».

  3. V. supra note [9].


Toute cette fable des deux Avicenne, liée aux rêveries de Luc de Tuy sur Teodisclo et saint Isidore (v. notule {b}, note [10] supra), n’a plus aucune réalité historique. Dans une note de son Histoire de la médecine (tome 2, page 308), Sprengel remarque :

« Quelques littérateurs espagnols ont soutenu qu’Avicenne n’était pas l’auteur du Canon, et que ce livre avait été composé par trente philosophes et médecins […]. J’ignore sur quelle autorité est fondée cette opinion ; je ne connais au moins aucun argument contre l’authenticité du Canon. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Vopiscus Fortunatus Plempius, le 27 juillet 1656, note 11.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1089&cln=11

(Consulté le 28/03/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.