À Vopiscus Fortunatus Plempius, le 3 novembre 1656

Note [9]

Guy Patin (ou Jean ii Riolan) se trompait d’une année sur cette édition du livre anatomique d’Oribase de Sardes (médecin grec du ive s. de notre ère) : {a}

Τα των Οριβασιου ιατρικων συναγωγων εκ τες Γαληνου, ανατομικα. Oribasii Collectaneorum Artis Medicæ liber, quo totius corporis humani sectio explicatur, ex Galeni Commentariis.

[Livre des Mélanges de l’Art médical d’Oribase, où est expliquée la dissection du corps humain tout entier, d’après les Commentaires de Galien]. {b}


  1. Charles Daremberg et Ulco Cats Bussemaker ont donné une précieuse édition grecque et française des Œuvres d’Oribase (Paris, Imprimerie nationale, 1851 et 1854, 2 tomes in‑8o), avec cette intéressante notice historique (page xxxiii du Plan de la collection des médecins grecs et latins) :

    « oribase (vers 360 ap. J. C.)

    L’auteur le plus important après Galien est sans contredit Oribase, médecin et ami de l’empereur Julien. {i} Il avait, par ordre de son illustre patron, publié en lxx livres, et sous le titre de Ιατρικαι Συναγωγαι (Collectanea medicinalia), une espèce d’encyclopédie, comprenant, dans un ordre systématique, toutes les connaissances médicales d’alors. Le grand mérite de cette encyclopédie, c’est d’être exclusivement formée d’extraits textuels de Galien {ii} et des autres médecins ou chirurgiens les plus renommés. Malheureusement, plus de la moitié de cet ouvrage, qui devait jeter une si vive lumière sur l’histoire de la médecine antique, est perdue. Cette perte est à jamais déplorable, car les livres qui nous manquent contiennent précisément la partie la plus étendue et la plus intéressante de la chirurgie et surtout la médecine. »

    1. Julien dit l’Apostat a régné sur l’Empire romain de 361 à 363 (v. note [15], lettre 300).

    2. Oribase serait donc, me semble-t-il, le premier commentateur connu de textes de Galien, mais l’historien Vivian Nutton (v. note [6], lettre 6) ne le cite pas et attribue la première mention écrite (débattue) de Galien à Cassius Felix au ve s.

      Le tome 2 (1854, livres viixvi d’Oribase) contient une imposante Indication des livres et des chapitres de Galien auxquels correspondent les extraits d’Oribase (pages viixii).

  2. Paris, Guil. Morelius, 1556, in‑8o, en grec.

Alessia Guardasole, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique, directrice adjointe de l’unité mixte de recherche Orient et Méditerranée (CNRS, UMR 8167), directrice de l’équipe Médecine grecque et littérature technique, à la Sorbonne, a publié sur le site de la BIU Santé une courte mais fort instructive introduction à la lecture d’Oribase, qui commente les liens entre ses écrits et ceux de Galien. Mme Guardasole a très aimablement répondu au courrier que je lui ai adressé en mai 2021 pour savoir où en étaient les choses depuis la rédaction de sa synthèse (au tout début des années 2000). Les historiens continuent à étudier avec ardeur les sources des textes médicaux antiques, grecs et latins, qui ont résisté au temps, comme en atteste notamment le thème du colloque international réuni à Lausanne les 23‑25 septembre 2019 : « Écriture, réécriture ou citation : les procédés de composition des textes médicaux antiques ». Les premiers paragraphes de l’introduction au riche programme résument ce fascinant sujet : {a}

« Le savoir médical des Anciens, depuis l’âge grec classique jusqu’à l’Antiquité tardive et au delà, nous a principalement été transmis sous la forme d’importants corpus de textes (Collection hippocratique, traités galéniques) {b} ou de sommes écrites en latin ou en grec, comme la Médecine de Celse, {c} les Collections médicales d’Oribase, ou les traités d’Aétius d’Amide, {d} d’Alexandre de Tralles {e} ou encore de Paul d’Égine. {f}

Or nombreux sont les textes qui, au sein de ces vastes ensembles, se répondent, dans un même traité (“ rédactions parallèles ”) ou à différentes époques, qu’ils soient parfaitement identiques, qu’ils divergent seulement de quelques mots, ou que l’un apparaisse l’abrégé, l’amplification ou la traduction de l’autre.

La première question qui se pose alors généralement est de savoir si le texte le plus récent est issu du plus ancien, ou si les deux dérivent d’un ou de plusieurs textes antérieurs. Cependant, nombre de recherches récentes ont montré que la composition des textes médicaux fait appel à une grande diversité de sources : si l’importance des textes des prédécesseurs ne peut être négligée, comme l’illustre l’activité philologique d’un Galien par exemple, l’expérience personnelle, la transmission orale des savoirs théoriques et pratiques ainsi que la médecine dite “ populaire ” sont tout aussi essentielles. D’autre part, l’intérêt des chercheurs pour les sources les plus anciennes laisse peu à peu également une place à l’étude de l’originalité propre de chaque somme médicale : chacune d’entre elles est en effet irréductible à une simple collection de témoignages de textes plus anciens par ailleurs perdus, et n’est pas dissociable du contexte historique et épistémologique dans lequel elle a été conçue. » {g}


  1. Questions auxquelles est confronté tout lecteur moderne de la littérature médicale antique, et qu’a effleurées Guy Patin quand il a contesté l’authenticité des traités de Galien sur la thériaque (v. note [6], lettre latine 129).

  2. Respectivement datés du ve s. av. J.‑C. et du iie s. après, v. note [6], lettre 6.

  3. Au ier s. de l’ère chrétienne, v. note [13], lettre 99.

  4. Au ve s. de l’ère chrétienne, v. note [4], lettre de Charles Spon datée du 21 novembre 1656.

  5. Au vie s. de l’ère chrétienne, v. première notule {a}, note [10], lettre 488.

  6. Au viie s. de l’ère chrétienne, v. note [13], lettre 153.

  7. La question de la chronologie et de l’authenticité des sources devient encore plus ardue quand on y ajoute les auteurs arabes qui ont grandement contribué à préserver l’Antiquité médicale gréco-latine, en l’enrichissant de leurs propres commentaires et additions (v. note [4], lettre 5).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Vopiscus Fortunatus Plempius, le 3 novembre 1656, note 9.

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(Consulté le 24/04/2024)

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