À Sebastian Scheffer, le 24 mars 1661

Note [6]

« Même mort, il commande encore » (v. note [7], lettre 78).

Eumène (vers 362-316 s. av. J.‑C.) de Cardia (Euménès, du grec signifiant « bien fidèle ») était chancelier d’Alexandre le Grand ; il aurait consigné les faits et gestes d’Alexandre dans les Éphémérides royales, aujourd’hui perdues, mais où certains historiens antiques ont puisé.

La mort d’Alexandre (323 s. av. J.‑C.) fut suivie de longues guerres entre ses généraux (Diadoques) pour savoir qui prendrait sa succession à la tête de l’immense empire qu’il avait conquis avec eux. Plutarque a narré ces péripéties dans sa Vie d’Eumène, mais ses traductions latines ne contiennent pas de propos ressemblant à la citation que Guy Patin donnait ici. Plutarque l’éclaire néanmoins dans son récit de ce que fit Eumène de deux officiers, Antigènes et Teutame, qui étaient censés s’allier à lui (chapitre xviii, traduction de Dominique Ricard, 1802) :

« Ces deux officiers ayant reçu ces lettres, se présentèrent à Eumène avec tous les dehors de l’amitié ; mais ils ne purent cacher la jalousie dont ils étaient remplis, ne se croyant pas faits pour servir sous Eumène. Celui-ci, afin d’apaiser leur envie, dit qu’il n’avait pas besoin de l’argent qu’on lui avait assigné sur ce trésor, et ne voulut en rien prendre ; il chercha dans la superstition un remède à leur ambition et à leur jalousie, qui leur faisaient refuser d’obéir, quoiqu’ils fussent incapables de commander. Il leur dit qu’Alexandre lui avait apparu pendant son sommeil, et lui avait montré une tente parée avec une magnificence royale, dans laquelle était placé un trône ; que ce prince lui avait assuré que s’ils voulaient ne délibérer sur leurs affaires que dans cette tente, il y serait toujours présent lui-même, pour les seconder dans tous leurs desseins et dans toutes leurs entreprises, pourvu qu’ils les commençassent sous ses auspices. Antigènes et Teutame, qui ne voulaient pas aller tenir le conseil chez Eumène, comme il eût cru lui-même contraire à sa dignité qu’on le vît à leur porte, se laissèrent facilement persuader par cette vision. Ils dressèrent donc une tente magnifique, où ils placèrent un trône, qu’ils appelèrent le trône d’Alexandre ; et c’était là qu’ils s’assemblaient pour délibérer sur leurs plus grands intérêts. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Sebastian Scheffer, le 24 mars 1661, note 6.

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(Consulté le 20/04/2024)

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