À Christiaen Utenbogard, le 21 décembre 1663

Note [9]

« Il est un monde à lui tout seul », passage difficile et discuté, à la fin de la lettre xxvi, livre xv des Lettres à Atticus de Cicéron :

Varroni, quemadmodum tibi mandavi, memineris excusare tarditatem litterarum mearum. Mundus is. Tu M. Ennius quid egerit de testamento (curiosus enim) facias me velim certiorem..

[N’oublie pas de faire mes excuses à Varron {a} pour le retard que je mets à lui répondre. Il est un monde à lui tout seul. Renseigne-moi plus précisément (car j’en suis crurieux) sur ce que M. Ennius fait de son testament]. {b}


  1. V. note [1], lettre 14, pour Varron, Cicéron et Atticus.

  2. Mundus is est la formule lapidaire que Guy Patin a précédemment utilisée (v. note [2], lettre 14) en la développant : Is est mundus doctrinæ et thesaurus eruditionis locupletissimus [C’est un monde de science et le plus opulent trésor d’érudition].

    La citation se lit ainsi à la en bas de la page 568, première partie, des M. Tullii Ciceronis Epistolæ ad T. Pomponium Atticum ex fide vetistissimorum codicum emendatæ, studio et opera Simeonis Bosii Prætoris Lemovicensis… [Lettres de M. Tullius Cicéron à T. Pomponius Atticus, corrigées sur la foi des plus anciens manuscrits, par les soins et le travail de Simeo Bosius, magistrat de Limoges] {i} (Limoges, Hugo Barbous, 1560, in‑8o), avec ce commentaire (seconde partie, pages 350‑351) :

    Corrupte, ante editionem nostrum, hîc legebatur, Mundus istum. M. Ennius quid egerit etc. nos, auctore Crusellino, emendavimus, Mundus is. Tu, M. Ennius quid egerit etc. στικτεον enim post, Mundus is. Varronem scribit mundum esse, non quod purus et nitidus sit, sed quod suis libris res omnes divinas, et humanas, tanquam mundus, complexus sit. Scripserat enim Varro libros rerum divinarum, et rerum humanarum, ut ex Nonnio, et antiquis auctoribus, qui eos libros citant, intelligimus.

    [Par corruption, avant notre édition, se lisait ici Mundus istum. M. Ennius quid egerit, etc., {i} que nous avons corrigé, d’après Crusellinus, {ii} en Mundus is. Tu, M. Ennius quid egerit etc., car il y a un point après Mundus is. Il {iii} écrit que Varron est un monde à lui seul, non parce qu’il est lumineux et brillant, mais parce qu’en ses livres, il a réuni toutes les affaires divines et humaines, comme pour en faire un monde. Varron avait en effet écrit des livres des affaires divines et des affaires humaines, comme nous l’apprenons de Nonius {i} et des anciens auteurs qui citent ses ouvrages].

    1. Siméon Dubois ou Du ,Boys (1536-1581), lieutenant général du procureur du roi au siège présidial de Limoges, a correspondu avec Joseph Scaliger.

    2. Une édition de référence aujourd’hui (Nisard, 1841) donne Mundus iste cum M. Ennio quid egerit de testamento… et traduit par « Puisse Mundus avoir raison de celui dont vous me parlez ! Donnez-moi quelques détails… », où Mundus devient le nom propre d’un homme.

      V. infra pour la variante et la justification données par Mongault.

    3. Pierre Crouzeil, docteur en médecine de Poitiers compatriote et contemporain de Bosius, qui a rédigé des commentaires sur le texte de Cicéron.

    4. Cicéron.

    5. Nonnius ou Nonius Marcellus, grammairien latin du ive s.

    Dans les Lettres de Cicéron à Atticus. Avec des remarques, et le texte latin de l’édition de Grævius, {i} par M. l’abbé Mongault {ii} de l’Académie française, et ci-devant précepteur de Monseigneur le duc d’Orléans. Nouvelle édition, revue et corrigée (Paris, veuve Delaulne, 1738, in‑12, tome sixième, page 375), ce passage est transcrit en Mundus istum. M. Ennius quid egerit, etc., et traduit en : « Je souhaite que Mundus l’emporte sur celui dont vous parlez. Mandez-moi, je vous prie, le détail du testament de M. Ennius… », avec cette note 5 :

    « Cicéron ne parle souvent qu’à demi-mot, surtout lorsqu’il s’agit de quelque affaire dont Atticus lui avait écrit ; ainsi, on ne peut que deviner. Après Mundus istum, on peut sous-entendre vincat ou exerceat ; car il paraît par la vingt-neuvième lettre de ce livre que Cicéron s’intéressait à cette affaire de Mundus. Bosius lit ici, après un de ses manuscrits, mundus is. Tu etc., et il dit que Cicéron appelle ainsi Varron à cause de sa grande érudition, quod suis libris res omnes divinas et humanas tanquam mundus complexus sit ; {iii} cela est bien tiré. Ce que fit Cicéron dans la vingt-neuvième lettre, où il ne s’agit plus de Varron, de Mundo si quid scies, {iv} fait voir que Mundus est certainement ici un nom propre. Pline, dans son dix-septième livre, cite un Dorsenus Mundus, et ce nom se trouve aussi dans Horace. »

    1. Johann Georg Grævius (1632-1703).

    2. Nicolas-Hubert Mongault (1674-1746).

    3. V. supra pour le commentaire complet de Bosius.

    4. « si tu sais quelque chose de Mundus ».

    L’emprunt de Patin n’a de sens qu’avec l’interprétation de Bosius, où Mundus est un nom commun, signifiant « monde ».


V. note [3], lettre 723, pour le traité de Marten Schoock « sur la Fermentation » (Groningue, 1663).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 21 décembre 1663, note 9.

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(Consulté le 25/04/2024)

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