Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre VIII

Note [10]

Les écrits d’Épicure (v. note [9], lettre 60) se limitent essentiellement aux quelques fragments transmis par Diogène Laërce dans le livre x de ses Vies des plus illustres philosophes de l’Antiquité (v. note [3], lettre 147). Il est question de la volupté dans les chapitres xxix‑xxx, mais en termes bien moins « libertins » que ce qu’on entend aujourd’hui communément sous le nom d’épicurisme :

« Il y a deux sortes de voluptés, celles que la nature inspire et celles qui sont superflues ; il y en a d’autres qui, pour être naturelles, ne sont néanmoins d’aucune utilité ; et il y en a qui ne sont point conformes au penchant naturel que nous avons, et que la nature n’exige en aucune manière ; elles satisfont seulement les chimères que l’opinion se forme.

Lorsque nous n’obtenons point les voluptés naturelles qui n’ôtent pas la douleur, on doit penser qu’elles ne sont pas nécessaires, et corriger l’envie qu’on en peut avoir en considérant la peine qu’elles coûtent à acquérir. Si là-dessus on se livre à des désirs violents, cela ne vient pas de la nature de ces plaisirs, mais de la vaine opinion qu’on s’en fait. »

Guy Patin se référait pourtant ici à l’Ars medica [Art médical] de Galien (fin du chapitre xxiv, Kühn, volume 1, pages 371‑372, traduit du grec) :

Veneris autem juxta Epicurum nullus usus salutaris est ; revera tamen confert intervallo repetita tam longo, ut exolutio non sentiatur, et ipse, qui utitur, se ipso levior esse faciliusque spirare videatur. Idoneum autem ejus utendæ tempus est, quum corpus in statu omnino medio est, omnium, quæ foris circumstant, constitutum, nempe immodicæ repletionis et inanitionis, caloris et frigoris, siccitatis et humiditatis. Quod si a mediocritate aliquando aberrarit, levis est error. Cæterum calfacto quam refigerato, pleno quam vacuo, humectato quam resiccato corpori veneris usus commodior est. Horum autem singulorum qualitas in optima constitutione eligenda est. Exercitationis quidem, in qua omnes corporis partes æqua proportione moveantur, sic ut aliæ ultra, aliæ citra modum non fatigentur. Temperatissimus vero cibus ac potus sit, scilicet temperatis naturis familiarior.

[Selon Épicure, l’acte vénérien n’est d’aucun profit pour la santé. À vrai dire, ajoute-t-il pourtant, chacun se sent plus léger, avec plus de facilité à respirer, s’il le pratique à la fréquence modérée qui lui permet de ne pas éprouver de manque. Le moment idoine pour recourir au coït vient quand le corps se trouve dans un état parfaitement tempéré, en équilibre avec tout ce qui l’environne, c’est-à-dire sans plénitude ni vacuité, sans échauffement ni refroidissement, sans humidité ni sécheresse ; mais il n’y a pas grand mal s’il arrive parfois que le corps s’écarte de ce juste milieu. L’accouplement convient mieux à un corps chaud que froid, plein que vide, et humide que sec. Il importe donc de choisir une période où chacune de ces qualités se trouve dans la meilleure disposition ; comme il en va de l’exercice physique, qui met en mouvement toutes les parties du corps, sans fatiguer les unes plus ou moins que les autres. Nourriture et boisson seront prises avec la plus grande modération, c’est-à-dire celle qui est la plus coutumière aux natures bien tempérées].

Quelques lignes plus loin, Patin a repris toutes les recommandations de Galien sur les dispositions les plus propices à la copulation.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre VIII, note 10.

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(Consulté le 19/04/2024)

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