Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2
Note [10]
Séraphin Olivier-Razali (Lyon 1538-Rome 1609) avait joint à son patronyme celui de son beau-père, Francesco Razali, natif de Bologne et second mari de sa mère. Docteur de Bologne en droits civil et canonique, il fut l’un des douze auditeurs (juges) de la Sainte Rote romaine (v. note [33], lettre 342) de 1564 à 1604. Patriarche d’Alexandrie en 1602, il fut élu cardinal en 1604, et fut dès lors appelé « le cardinal Séraphin ».
Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou (livre cxxxi, règne de Henri iv, année 1604, Thou fr, volume 14, pages 286‑287), Le bâtard du Chancelier Olivier est fait cardinal :
« Il y eut cette année à Rome une promotion de cardinaux plus nombreuse qu’on ne l’avait vu jusqu’alors. Le pape {a} donna le chapeau à dix-huit personnes d’un mérite distingué ; entre autres à Séraphin Olivier, homme très recommandable par la candeur de ses mœurs et par son savoir. Il était fils naturel de François Olivier, qui avait exercé avec tant de gloire la charge de chancelier de France ; {b} c’est ce qu’on a ignoré jusqu’ici. On a su seulement qu’il était né à Lyon, et qu’il avait été élevé à Bologne, sa mère étant bolonaise ; en sorte qu’il passait en Italie pour être moitié français et moitié italien : la France et l’Italie concoururent également à le faire élever au cardinalat. Au moins, le pape voulut qu’on crût qu’il ne lui accordait le chapeau qu’à la recommandation du roi très-chrétien, honneur qu’il méritait d’ailleurs par sa vertu et la réputation qu’il s’était acquise à la cour de Rome, où il était depuis si longtemps. »
- Clément viii.
- Le Borboniana 10 manuscrit a repris ce passage : v. la première notule {a} de sa note [28] pour François Olivier, chancelier de France de 1545 à sa mort.
Jean du Bois-Olivier, moine célestin, portait en italien le nom d’abbate del Bosco. Né vers le milieu du xvie s., il s’était fait soldat au service du roi Henri iii, puis était revenu dans son ordre. Prédicateur du roi, il se fit surtout connaître pour ses sermons contre les jésuites et pour avoir été l’auteur présumé de l’Anticotton (1610) qui les accusait d’avoir fomenté l’assassinat de Henri iv (v. note [9], lettre 128). Il paya très cher sa vindicte contre la Compagnie de Jésus : en 1611, il eut l’imprudence de retourner à Rome et fut emprisonné au château Saint-Ange (v. notule {d}, note [46] du Naudæana 3), où il mourut en 1626. V. note [46] du Naudæana 3 pour d’autres informations sur ce surprenant personnage et pour ce qu’était l’Ordre des célestins auquel il appartenait. Il était éloquent et sincère, comme en témoigne son :
Ioannis a Bosco Olivarii Parisiensis, Abbatis Belliloci et Regiis Concionatoris. Oratio habita Romæ anno 1609. die 10. Martii, dum exsequiæ Seraphini Olivarii Galli, Amplissimi S.R.E. cardinalis, in Templo Sanctissimæ Trinitatis ad Montem Pincium, frequentia maxima Prælatorum, et interventu hominum summorum, curantibus Ilustriss. et Revenrendiss. Card. Delphino Veneto, et Excellentissimo Francisco Savaro, Brevis Domino, Christianissimi Henrici quarti, Galliæ Navarræque Regis, Oratore, celebrarentur. Ad Paulum v. Pon. Opt. Max.[Oraison que Jean Du Bois Olivier, natif de Paris, abbé de Beaulieu {a} et prédicateur du roi, a prononcée à Rome le 10 mars 1609, pour les funérailles de Séraphin Olivier, amplissime cardinal français de la Sainte Église romaine, qui ont été célébrées en l’église de la très sainte Trinité-des-Monts au Pincio {b} par l’illustrissime et révérendissime cardinal vénitien Delfino, {c} et son Excellence François Savary, seigneur de Brèves, {d} ambassadeur de Henri iv, roi de France et de Navarre, en présence d’une très grande foule de prélats et d’hommes éminents. Dédiée au souverain pontife, le pape Paul v]. {e}
Le début de ce discours montre que son auteur était un fin lettré, et explique pourquoi il a attaché le nom d’Olivier au sien :
Si vitæ cursus a Seraphino Olivario S.R.E. Illustrissimo, et Reverendissimo cardinale, Gallo, summa cum laude confectus, pari splendore, copiaque orationis hodierno die repræsentari deberet : non video cur mihi uni potissimum ex tanto eloquentissimo virorum Gallorum, qui modo in Urbe versantur numero, id oneris fuerit subeundum, qui iam pridem sepositis eloquentiæ studiis, intermissoque eleganter dicendi usu, longe aliam studiorum rationem, meo magis ordini consentaneam sim sequutus.At si ab eo imprimis homine suscipienda et tractanda fuerat huiusmodi narratio, qui ob beneficia a Seraphino cardinale accepta, eius virtutes in medium proferret. Equidem fateor hac in re neminem mihi fuisse præponendum : qui ob meam in Ecclesiam atque Chrisianissimum Regem ipsi exploratissimam et probatissimam fidem : summa benevolentia publicis tabulis Olivariæ genti et cognationi ab eo sum insertus, clarisque Olivariorum insignibus, et optivo cognomine donatus : itaut non immerito Tyberii antiquissimi Imperatoris imitatione Patri optimo et charissimo ipse unus præ cæteris debeam parentare.
[Une riche oraison doit aujourd’hui présenter et égaler en splendeur le déroulement de l’existence parcourue par Séraphin Olivier, illustrissime et révérendissime cardinal français de la Sainte Église romaine, avec un éclat égal au sien. Je ne vois pourtant pas pourquoi cette tâche n’a pas été confiée à l’un des Français de très haute éloquence qui vivent en bon nombre à Rome, bien plutôt qu’à moi, car j’ai depuis longtemps abandonné la pratique de l’art oratoire et l’habitude de parler avec élégance, pour poursuivre une autre voie d’étude avec le plein consentement de mon Ordre.
Néanmoins, si ce récit devait être entrepris et traité par un homme que Séraphin a comblé de ses bienfaits, il exposerait principalement ses vertus. En cela, je reconnais n’être inférieur à nul autre, car c’est à lui que je dois ma fidélité la plus solide et la mieux éprouvée envers l’Église et envers le roi très-chrétien : c’est son extrême bienveillance qui m’a valu d’être reconnu et officiellement adopté par la famille Olivier, en me permettant de porter ses brillantes armoiries et d’accoler son nom au mien. Tant et si bien que, mieux que tout autre et en toute légitimité, à l’imitation de l’antique empereur Tibère, {f} j’ai le devoir de rendre ce dernier hommage à celui qui fut mon très cher et excellent Père].
- Beaulieu-en-Argonne (actuel département de la Meuse).
- L’un des monts de Rome.
- Giovanni Delfino, nommé cardinal en 1604.
- V. note [19] des triades du Borboniana manuscrit.
- Rome, Bartholomæus Zannettus, 1609, in‑fo de 12 pages.
- Tibère, deuxième des douze Césars (v. note [3], lettre 17), était le fils adoptif d’Auguste, premier empereur romain.
Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 171‑176 :
« Messieurs,Ces jours passé, la juste douleur du très cruel assassinat commis en la personne sacrée du grand Henri convia l’abbé du Bois-Olivier, Parisien, prédicateur, et très fidèle et loyal serviteur de cet incomparable monarque, de détester franchement les énormités d’un crime si exécrable, dans une des premières chaires de la capitale de ce royaume, où il prêchait les octaves du Saint-Sacrement, et où le peuple s’attend de l’ouïr encore pendant cet Avent prochain, s’il est en vie.
En la vive appréhension du danger du roi Louis xiii, donné de Dieu, et de la reine Marie de Médicis, sa mère, aujourd’hui l’unique soutien de cette Couronne, au service desquels cet abbé s’est du tout voué et dédié, le contraignit de réfuter hardiment les pernicieux auteurs qui, par les appâts de leur éloquence très mal employée, ont mis en la main du désespéré parricide {i} le couteau qui trancha la vie de notre roi et, avec lui, ébranla bien fort celle de toute la France. »
L’attaque et les menaces sont plus frontales encore pages 3‑4, sur ceux qui ont voulu fermer la bouche du prédicateur :
« Et pourtant, ils prirent résolution de la clore, à quelque prix que ce fût ; et entre autres moyens qu’ils en trouvèrent, car ils en ont tenté et tentent encore plusieurs, qui ne leur réussiront pas si Dieu plaît, le plus prompt et assuré leur semblera être de rendre cet abbé odieux à la reine.Et se servant de l’occasion, sur ce {ii} qu’il avait réfuté Mariana, Becanus, Bonarsius, Ribadenera, Emmanuel Sa, et autres auteurs jésuites qui ont écrit trop injurieusement contre l’honneur de feu nos deux rois derniers décédés, {iii} ou traité trop indiscrètement et témérairement la question s’il est loisible de tuer les tyrans, ou dit autres choses qui préjudicient à l’indépendance de cette monarchie, qui ne relève que de Dieu et de l’épée, et en les réfutant, exhorte incidemment de tout son cœur les pères jésuites que, par ci-après, ils eussent très grand soin que jamais aucun auteur qui pût offenser la France, ne sortît en lumière avec le nom de leur Compagnie et approbation de leurs supérieurs, s’ils ne voulaient de gaieté de cœur s’exposer à des dangers que toute leur prudence, fortifiée de l’autorité de leurs confidents, {iv} ne saurait éviter. »
- François Ravaillac.
- Sous prétexte.
- Assassinats de Henri iii (1589) et de Henri iv (1610).
- Affidés.
Une palinodie est une rétractation.
Vitry malmenait fort du Bois, sans même éprouver le besoin de mentionner l’Anticotton qu’on lui a attribué.