Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 3

Note [42]

Ce paragraphe, dont la fin reprend en partie le début, est une preuve que l’éditeur du Naudæana s’est parfois autorisé quelques additions pour mettre à jour les informations qui dataient du début des années 1640.

Daniel Dumonstier (Dumoustier, Du Monstier ou Du Moustier, Paris 1574-ibid. 1646) est un portraitiste dont la spécialité était les dessins au crayon en trichromie. Il avait constitué un cabinet de curiosités et une riche bibliothèque, que Gabriel Naudé racheta à sa mort, pour le compte de Mazarin. Il était aussi connu pour son libertinage et l’ironie de ses bons mots. Tallemant des Réaux lui a consacré une historiette entière (tome i, pages 659‑662) :

« La plus belle aventure qui lui soit arrivée, c’est que le cardinal Barberin, étant venu légat en France, durant le pontificat de son oncle, {a} eut la curiosité de voir le cabinet de Dumonstier, et Dumonstier même. Innocent x, alors monsignor Pamphilio, était en ce temps-là dataire et le premier de la suite du légat ; {b} il l’accompagna chez Dumonstier, et voyant sur la table l’Histoire du concile de Trente, de la superbe impression de Londres, {c} dit en lui-même : “ Vraiment c’est bien à un homme comme cela d’avoir un livre si rare ! ” Il le prend et le met sous sa soutane, croyant qu’on ne l’avait point vu ; mais le petit homme, qui avait l’œil au guet, vit bien ce qu’avait fait le dataire, et, tout furieux, dit au légat “ qu’il lui était extrêmement obligé de l’honneur que Son Éminence lui faisait, mais que c’était une honte qu’elle eût des larrons dans sa compagnie ” ; et sur l’heure, prenant Pamphile par les épaules, il le jeta dehors en l’appelant bourgmestre de Sodome, et lui ôta son livre.

Depuis, quand Pamphile fut créé pape, on dit à Dumonstier que le pape l’excommunierait et qu’il deviendrait noir comme charbon : “ Il me fera grand plaisir, répondit-il, car je ne suis que trop blanc. ” » {d}


  1. Urbain viii, Maffeo Barberini.

  2. V. note [2], lettre 112, pour Giambattista Pamphili, né en 1574, nommé cardinal en 1630, élu pape en septembre 1644 sous le nom d’Innocent x.

    En 1625, quand il n’était que Monseigneur, il avait été dataire (v. note [7], lettre 112) appartenant à la suite du légat (de comitatu legati) pontifical en France, le cardinal Barberin (Francesco Barberini, v. la même note [7]).

  3. V. note [13], lettre 467, pour Pietro Sarpi (dit Fra Paolo) et son Histoire du concile de Trente, dont plusieurs des nombreuses éditions ont été imprimées à Londres (Augusta Tribonantum) : italienne en 1619 et latine en 1620.

  4. L’anecdote devait courir dans tout Paris, car Gabriel Naudé (qui y donnait une conclusion différente) n’avait guère pu l’emprunter à Tallemant.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 3, note 42.

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(Consulté le 24/04/2024)

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