Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 1 manuscrit

Note [9]

« tant est vrai ce distique d’Hildebert, archevêque de Tours :

Rome serait heureuse si cette cité n’avait pas de maîtres,
et si, de plus, il était honteux pour ses maîtres de ne pas avoir la foi. »

Le Mystère d’iniquité, c’est-à-dire l’Histoire de la papauté. Par quels progrès elle est montée à ce comble, et quelles oppositions les gens de bien lui ont fait de temps en temps. Où sont aussi défendus les droits des empereurs, rois et princes chrétiens contre les assertions des cardinaux Bellarmin et Baronius. {a} Par Philippe de Mornay, {b} chevalier, seigneur du Plessy Marly, etc., conseiller du roi très-chrétien {c} en ses Conseils d’État et privé, capitaine de cinquante hommes d’armes de ses ordonnances, gouverneur de la ville et sénéchaussée de Saumur, et surintendant de ses Maison et Couronne de Navarre. Deuxième édition accrue d’indice et d’apostilles, {d} contient ce paragraphe intitulé Hildebert {e} dépeint Rome (pages 303 vo‑304 ro) :

« Mais sur les entreprises de ces papes, il n’y avait pas aussi faute de gens qui criassent au larron ; Hildebert, évêque du Mans, célèbre en ce temps, en une sienne épître, parlant de la Cour romaine, < écrivait > : Leur propre fonction c’est inferre calumnias, deferre personas, affere minas, auffere substantias, “ c’est d’imposer des calomnies, déférer les personnes, avoir leurs biens par menaces ” ; {f} leur louange est de chercher occupation en leur repos, butin en pleine paix, victoire dans les festins. Employez-les en vos causes, ils les retardent ; non employés, ils les empêchent ; sollicitez-les, ils vous dédaignent ; enrichissez-les, ils vous oublient ; ils achètent les procès, ils vendent leurs intercessions, vous députent des arbitres, leur dictent les jugements prononcés, qu’ils les ont, {g} les renversent, etc. Ils dénient aux clercs la révérence ; aux nobles, l’extraction ; aux supérieurs, la séance ; aux égaux, l’accointance ; à tous, justice. Ils n’aiment aucun genre d’homme, aucun ordre, aucun temps. Au Palais, Scythes ; {h} en la Chambre, vipères ; en festin, bouffons ; en exaction, harpies ; en devis, statues ; {i} en questions, bêtes ; en traités, limaces ; en contrats, banquiers. Pour entendre, ils sont de pierre, pour juger, de bois ; s’il faut brûler, tout feu ; s’il faut pardonner, tout fer ; en amitié, onces, {j} en facéties, ours, en tromperies, renards, en orgueil, taureaux ; s’il faut dévorer, minotaures. Leurs plus fermes espérances sont aux remuements, et cependant, c’est alors qu’ils tremblent, et de poltronnerie et de conscience. Lions aux conseils, lièvres aux armées, ils craignent la paix de peur qu’on fasse discussion d’eux, la guerre, de peur d’en venir aux mains. Sentent-ils le vent d’une escarcelle rouillée, aussitôt vous apercevez et les yeux d’Argus et les mains de Briarée, et l’esprit d’un Sphinx. {k}

En un<e> autre, < lors>qu’il fut fait archevêque de Tours, il se plaint à Honorius : {l} Qu’on tire tout par appellations {m} à Rome. Nous n’avons point, dit-il, encore ouï deçà les monts, {n} et aussi peu appris des saintes ordonnances, que toutes appellations doivent être reçues à Rome ; que si la nouveauté, peut-être, a mis cela en avant, la censure des évêques va à vau-l’eau, c’<en > est fait de la discipline ecclésiastique. Car y a-t-il ravisseur qui, à la seule menace d’une excommunication, ne soit appelé ? {o} y a-t-il clerc ou prêtre qui n’obéisse à ce refuge, ou croupisse en sa fange ? Et quel moyen restera-t-il plus à l’évêque de punir une désobéissance ? La moindre appellation cassera sa verge, {p} relâchera sa constance, amollira sa sévérité, lui imposant, d’une part, silence, et de l’autre promettant aux coupables impunité. De là regorgeront les sacrilèges, les rapines, les paillardises, les adultères, etc. Le délai de la censure fomentera les maux et les délinquants, par impunité, viendront aux plus profondes iniquités, etc. Et là-dessus, s’étend à lui représenter les anciens canons et règlements de l’Église, concluant, si cela dure, qu’il n’y a évêque qui se puisse acquitter de la charge qui lui est commise en l’Évangile. Bref, il conclut la description qu’il fait de Rome en vers, par ces mots :

Urbs fœlix si vel Dominis urbs illa careret
Vel Dominis esset turpe carere fide.

“ Heureuse ville si elle n’avait point de maîtres, ou si ces maîtres (les papes) avaient honte de n’avoir point de foi. ” » {q}


  1. V. notes [16], lettre 195, pour Roberto Bellarmino, et [6], lettre 119, pour Cesare Baronio, tous deux ardents hérauts de la contre-réforme.

  2. Dit « le pape des huguenots » (v. note [19], lettre 81).

  3. Henri iv, dédicataire du livre, mais assassiné un an avant la parution de sa première édition.

  4. Sans lieu ni nom, 1612, in‑8o de 1 320 pages ; première édition à Saumur, 1611, in‑fo.

  5. Hildebert de Lavardin (1056-1133), évêque du Mans (1097), puis archevêque de Tours (1125), auteur de plusieurs ouvrages de théologie et de piété, et de lettres.

  6. Dans une traduction plus moderne et littérale : « lancer des calomnies, dénoncer des personnes, proférer des menaces, ravir des biens ».

  7. Quand ils les ont.

  8. Des sauvages, v. note [19], lettre 197.

  9. En conversation, muets. V. notule {b‑ii}, triade 82 du Borboniana manuscrit (note [41]), pour les harpies.

  10. Panthères.

  11. V. notes [9], lettre 73, pour Argus et ses cent yeux, [28], lettre 226, et [33] des triades du Borboniana manuscrit, pour le Sphinx.

    Autre monstre fabuleux, Briarée, fils de Titan et de la Terre, avait « 100 mains, qui opposaient à Jupiter autant d’épées et de boucliers, 50 têtes et autant de bouches enflammées » (Fr. Noël).

  12. Honorius ii, pape de 1124 à 1130.

  13. Appels des jugements.

  14. De ce côté-ci des Alpes, en France.

  15. Sic pour (me semble-t-il) « ne fasse appel ».

  16. Le désarmera.

  17. Propos tenus par un archevêque quatre siècles avant Martin Luther : cela mérite d’être remarqué par qui s’intéresse aux origines de la Réforme et du gallicanisme.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 1 manuscrit, note 9.

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(Consulté le 29/03/2024)

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