Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 2 manuscrit

Note [40]

« Voyez le Systema de Keckermannus, qui est tout empli de logique, page 4, ii, {a} et Fr. Sanchez, Quod nihil scitur, page 103. » {b}


  1. V. note [18], lettre 181, pour les sept livres du Systema physicum [Système physique (d’histoire naturelle)] (Dantzig, 1610) de Batholomäus Keckermann. La référence indiquée renvoie au chapitre ii, De materia corporis naturalis [La matière du corps naturel], du livre i, continens partem Physicæ generalem de corpore naturali universaliter sumpto [contenant cette partie générale de la physique qui traite du corps naturel saisi en son entier]. Le passage le plus pertinent me paraît néanmoins se lire dans le chapitre i, In quo Præcognita de definitione et divisione huius scientiæ [Où sont exposées les connaissances préliminaires sur la définition et la division de cette science] (note b, pages 2‑3) :

    Physica scientia omnibus reliquis partibus philosophiæ copiosor est et prolixior, quia hæc tam late patet, quam late patet tota rerum universitas sive mundus : deinde quia in nulla scientia aut Philosophiæ parte plures occurrunt controversiæ et agitata, quam in hac ipsa, adeo etiam ut Aristoteles potissimam noctis studiique nocturni et lucubrationis partem, teste Laërtio, Physicæ tribuerit ; et merito quidem. Quid enim aliud Physica est, quam naturalium rerum à Deo et eius ministra Natura productarum pia, devota et modesta cogitatio, meditatio et contemplatio, cuius adminiculo Dei potentiam agnoscere et vereri, sapientiam mirari, bonitatemque prædicare mens humana tenetur, ut præter Poëtas Ethnicos, homines pii grato animo agnoscunt. Et Paulus Apost. quoque diserte monet Rom. i. vers. 20. ubi ait ex creaturis visibilibus mentem humanam deduci ad cognitionem quandam invisibilium Dei attributorum, æternæ videlicet eius tum potentiæ tum divinitatis.

    [La physique est la plus copieuse et la plus longue de toutes les parties de la philosophie, parce que son étendue est aussi vaste que tout l’univers des choses, soit le monde entier ; mais aussi parce que dans aucune science ou partie de philosophie ne se présentent plus de controverses et de discussions que dans celle-ci ; à tel point qu’Aristote, au dire de Diogène Laërce, {i} a consacré la plus grande partie de ses nuits et de ses études nocturnes ou élucubrations {ii} à la physique, et ce à fort juste titre. De fait, hormis les poètes païens, les pieuses gens admettent avec reconnaissance que la physique n’est rien d’autre que les bienheureuses, dévotes et humbles réflexion, méditation et contemplation des choses naturelles que Dieu et la Nature qu’il gouverne ont produites : par son moyen l’esprit humain est incité à éprouver et à vénérer la puissance de Dieu, à admirer sa sagesse et à affirmer sa bonté. Et l’Apôtre Paul y incite expressément dans l’Épître aux Romains, verset 1:20, quand il dit qu’à partir des créatures visibles de Dieu, l’esprit humain acquiert quelque notion des créatures invisibles qui lui sont attribuées, c’est-à-dire de sa puissance et de sa divinité éternelles]. {iii}

    1. Légende rabâchée, brodée à partir du passage de la Vie d’Aristote (livre v, chapitre 15) où Diogène Laërce (v. note [3], lettre 147) dit simplement :

      « lorsqu’il s’endormait, on lui mettait une boule de bronze dans la main, au-dessus d’un bassin, afin que, quand la boule tombait de sa main dans le bassin, il fût éveillé par le bruit. »

    2. V. note [2], lettre de François Citois datée du 17 juin 1639.

    3. Le texte latin exact de ce verset (Vulgate) est :

      Invisibilia enim ipsius, a creatura mundi, per ea quæ facta sunt, intellecta, conspiciuntur : sempiterna quoque ejus virtus, et divinitas : ita ut sint inexcusabiles.

      [En effet, ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l’intelligence par le moyen de ses œuvres. Ils (les païens) sont donc inexcusables].

  2. V. note [29] du Patiniana I‑3, pour le traité de François Sanchez intitulé « Ce qu’on connaît n’est rien ». La page 103 de l’édition de Rotterdam (Arnold Leers, 1649, in‑12), à laquelle se référait ici curieusement le Borboniana (car elle a paru cinq ans après la mort de Nicolas Bourbon), correspond aux pages 53‑54 de l’édition de Lyon, 1581, in‑4o. Le sujet traité est la connaissance propre des choses :

    Cum nil dignius sit anima, nil excellentius hac unica cognitione. Quam si perfecta enim haberet, Deo similis esset : imo Deus ipse. Nec enim perfecte cognoscere potest quis, quæ non creavit. Nec Deus creare potuisset : nec creata regere, quæ non perfecte præcognovisset. Ipse ergo solus sapientia, cognitio, intellectus perfectus, omnia penetrat, omnia sapit, omnia cognoscit, omnia intelligit : quæ ipse omnia est, et in omnibus : omniaque ipse sunt, et in ipso. Imperfectus autem, et miser homnunculus quomodo cognoscet alia, qui seipsum non nossi potest, qui in se est, et secum ? Quomodo abstrusissima naturæ, inter quæ spiritualia sunt, et inter hæc anima nostra, quæ clarissima, apertissima, quæ comedit, quæ bibit, quæ tangit, quæ videt, quæ audit, penitus non intelligit ? Profecto quæ nunc cogito, quæ hic scribo, nec ego intelligo, nec tu lecta intellecta habebis. Iudicabis tamen forsan pulchre et vere dicta. Et ego talia existimo. Nil tamen uterque scimus.

    [Bien que rien ne soit plus noble, rien ne soit plus éminent que ce savoir, une âme qui le posséderait parfaitement serait semblable à Dieu, ou plutôt Dieu lui-même ; car nul ne peut connaître parfaitement ce qu’il n’a pas créé ; et Dieu n’aurait pu créer un tel être, ni diriger des créatures qu’il n’aurait pas conçues d’avance. Seules sa sagesse, sa science, sa parfaite intelligence pénètrent tout, sentent tout, savent tout, comprennent tout : lui-même est tout, et en tout ; tout est lui et en lui. Comment donc un misérable petit homme imparfait connaîtrait-il ce qui l’entoure, lui qui ne peut se connaître lui-même, lui qui est en lui-même et avec lui-même ? Comment notre âme comprendrait-elle les choses spirituelles, qui sont parmi les plus profonds secrets de la nature, et dont elle fait partie, quand elle ne comprend pas entièrement les choses les plus claires, les plus patentes : ce qu’elle mange, ce qu’elle boit, ce qu’elle touche, ce qu’elle voit, ce qu’elle entend ? Je ne comprends certainement pas ce que je pense maintenant, ce que j’écris ici ; et ayant lu ces mots, vous ne les tiendrez pas pour compris. Vous jugerez pourtant peut-être qu’ils sont sincèrement et élégamment dits ; et je les estime tels, mais ni vous ni moi ne savons rien].



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 2 manuscrit, note 40.

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(Consulté le 19/04/2024)

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