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Borboniana 10 manuscrit

Note [57]

V. supra note [35] pour le Catholicon d’Espagne (Satire Ménippée, 1593). Cette épigramme se lit à la page 307 de la réédition de Paris 1882. Elle est intitulée À Monsieur de Lyon, c’est-à-dire Pierre de Saint-Priest d’Épinac (1540-1599), ligueur qui avait été nommé archevêque de Lyon en 1574. Sans changer de sens, le 3e vers est différent : « Mais que cela plus ne vous grève [afflige]. » Le dernier vers signifie que jamais l’archevêque ne recevra le bonnet rouge autrement qu’en ayant la tête tranchée en Grève par le bourreau.

Ce bourreau nommé Jean Rozeau avait commencé à œuvrer à Paris en 1558 et finit pendu à une corde, sur la place de Grève, en 1594. Étienne Pasquier {a} en a parlé dans une de ses lettres (non datée) à Scévole i de Sainte-Marthe {b} (tome second, livre xvii, pages 320‑322) : {c}

« Car ayant été la ville de Paris réduite sous l’obéissance du roi au mois de mars ensuivant, {d} le procès extraordinaire < fut > fait à Hugues Danel, sergent, Jean Rozeau, exécuteur de la haute justice, Messire Aubin Blondel, prêtre, et Adrian Fromentin, à la requête de Dame Denise de Vigny, veuve du président, {e} à laquelle, comme j’entends, on doit le principal honneur des diligences et poursuites. Avec elle se joignirent Damoiselle Anne Le Circer, aïeule maternelle et tutrice des enfants de Larcher, et Damoiselle Jeanne Du Pont, veuve de Tardif. {f} Et par arrêt du 27e d’août 1594, la Cour de Parlement déclara Danel, Blondel et Rozeau dûment atteints et convaincus des captures, assassinats et massacres (ce sont les mots de l’arrêt) proditoirement et inhumainement commis aux personnes du président Brisson, de Larcher et de Tardif ; et ledit Fromentin, d’avoir assisté et favorisé lesdits assassinats ; pour réparation desquels cas, lesdits Danel, Blondel et Rozeau sont condamnés de faire amende honorable, en la même forme que celui de Melun, {g} et d’être pendus et étranglés à une potence croisée {h} en place de Grève ; et qu’à leur mort assisterait Fromentin, la corde au cou, et delà {i} conduit aux galères perpétuelles. Je vous laisse toutes les autres particulières condamnations de l’arrêt, concernant tant le public que les parties civiles. Fut-il jamais une plus signalée justice que celle-là ? Et comme mon esprit ne peut demeurer oiseux, {j} quand les occasions s’y présentent, aussi fis-je, le jour même de leur exécution, leur épitaphe de cette façon :

Le sergent fut créé pour le malfaiteur prendre ;
Si condamné à mort, le bourreau pour le pendre ;
Avant sa mort, il est par prêtre confessé.
Ici passant, tu vois par nouvelle justice,
Sergent, prêtre, bourreau exposés au supplice
Pour un crime non vu jamais au temps passé
.

Les trois veuves dont je vous ai ci-dessus parlé ne se contentèrent pas de cet arrêt, mais firent prendre au corps neuf hommes, lesquels, par arrêt du 3e jour de septembre suivant, furent condamnés : les uns aux galères, les autres à faire amende honorable, et les autres bannis. Et quant à ceux qui s’étaient garantis par la fuite depuis la réduction de Paris, comme Bussi, Crucé, Le Normant, Cromer, jusques au nombre de seize, ils furent condamnés par défaut et contumace à être roués, et dix autres, à être pendus et étranglés, avec grosses amendes envers les parties civiles, et confiscation de biens envers le roi, par arrêt du 11e jour de mars 1595 ; eux tous exécutés en figures {k} devant l’Hôtel de Ville. Et remarquerez qu’en toutes ces condamnations portées, tant par sentence de Melun que < par ces > trois arrêts, dans lesquels fut prise une animadversion {l} exemplaire contre quarante malfaiteurs, ce ne furent que ceux qui s’étaient trouvés avoir eu part ou consenti, le vendredi 15e de novembre, {m} aux assassinats. »


  1. V. note [16], lettre 151.

  2. V. note [9], lettre 48.

  3. Les Lettres d’Étienne Pasquier, conseiller et avocat général du roi à Paris. Contenant plusieurs belles matières et discours sur les affaires d’État de France, et touchant les guerres civiles, Paris, Laurent Sonius, 1619, in‑8o de 810 pages.

  4. Défaite et fin de la Ligue, avec soumission de Paris au roi Henri iv, qui y fit son entrée le 22 mars 1594.

  5. Le président Barnabé Brisson, mort dans la prison du Châtelet le 13 novembre 1591, pendu par les ligueurs (v. note [52] du Patiniana I‑4), avait épousé Denise de Vigny, morte en 1613 (Popoff, no 68).

  6. Claude Larcher, conseiller en la 3e Chambre des enquêtes du Parlement de Paris, et Jean Tardif, conseiller au Châtelet, avaient été exécutés par les ligueurs le même jour et de la même façon que le président Brisson (Popoff, no 1529).

  7. Plus haut dans sa lettre, Pasquier écrit (pages 318‑320) :

    « Quelques coureurs {i} de la ville de Melun donnèrent jusques aux portes de Paris, où ils trouvèrent, sur les fossés, Benjamin Dautan, geôlier des prisons du petit Châtelet. C’est celui que je vous ai dit avoir fourni des cordes pour pendre ces trois pauvres seigneurs. {ii} Il fut pris et enlevé à Melun, comme un prisonnier de guerre ; comme de fait, Dame Denise de Vigny, veuve de Monsieur le président Brisson, paya sous main cent écus pour sa rançon, ne voulant que cela vînt à la connaissance des Parisiens, {iii} et donna ordre qu’à la requête de Messire Esme-Jean de La Chambre, baron de Ruffey, son gendre, {iv} son procès lui fût fait et parfait par Hardy, prévôt des maréchaux de l’Île-de-France. Pour vous le faire court, par sentence du 16e février 1594, donnée présidialement en dernier ressort, {v} il fut dit que pour la réparation du meurtre et assassinat commis aux personnes des Messire Barnabé Brisson, Maître Claude Larcher et Jean Tardif, il était condamné à être conduit et mené, sur une claie, {vi} au devant de la grande porte et principale entrée de l’église Notre-Dame de la ville de Melun, où étant, ayant une torche ardente de deux livres pesant au poing, nus pieds, nue tête et en chemise, crierait “ Dieu merci, au roi et à justice ” ; de ce lieu être conduit au marché du blé de la ville pour être pendu et étranglé à une potence pour ce dressée, son corps mort être brûlé et réduit en cendres, et icelles jetées à la rivière ; ses biens acquis et confisqués au roi, sur lesquels seraient préalablement pris la somme de deux mil écus, adjugée au sieur baron de Ruffey, partie civile, et les dépens de la poursuite du procès ; auparavant laquelle exécution, icelui Dautan serait mis à la question ordinaire et extraordinaire : {vii} sentence qui lui fut signifiée, et exécutée selon la forme et teneur le 17e < ensuivant > ; laquelle vous ai voulu coucher tout au long pour vous montrer de quel pied et intégrité on marchait lors à la suite du roi ; car, combien que notoirement le président Brisson eût été chef de part pour la Ligue dedans Paris, toutefois nous ne voulûmes excuser dedans Melun le meurtre contre lui commis, rendant à sa mémoire le bien pour le mal. »

    1. Éclaireurs à cheval.

    2. Brisson, Larcher et Tardif.

    3. Au début de 1594, Paris était encore sous la domination de la Ligue et la veuve du président Brisson ne pouvait exécuter qu’à Melun le premier acte de sa vengeance.

    4. Premier mari de Marie Brisson, fille aînée du président et de Denise de Vigny, sa veuve.

    5. V. note [29], lettre 342.

    6. « grosse échelle de charpente attachée au cul d’une charrette » (Furetière).

    7. V. supra seconde notule {d}, note [2].
  8. Gibet formé d’un poteau surmonté de deux poutres horizontales en croix, permettant de pendre quatre personnes en même temps.

  9. Ensuite.

  10. Oisif.

  11. En effigie.

  12. Correction.

  13. 1591.

V. note [27], lettre 549, pour Jean Guillaume, dit Saint-Aubin, bourreau de Paris, qui était valet de Rouzeau en 1594 ; il prit sa succession après l’avoir pendu. Jean Cousin avait été bourreau de Paris au xve s. : il avait assisté son père Henri, pour l’exécution de Louis de Luxembourg, connétable de Saint-Pol, le 19 décembre 1475 ; ce fut, dit-on, la première des têtes qu’il trancha.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 10 manuscrit, note 57.

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(Consulté le 20/04/2024)

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