De Samuel Sorbière, non datée (printemps 1651)

Note [5]

Claude i Saumaise a savamment débattu sur la solde des cavaliers et des fantassins de l’ancienne armée romaine dans le xxie et dernier chapitre (page 242) de son De Re militari Romanorum liber. Opus posthumum [Livre sur l’Art militaire des Romains. Ouvrage posthume] (Leyde Jean Elsevier, 1657, in‑4o). {a}

M. Le Beau (Mémoires de littérature, tirés des registres de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres… tome 41e, Paris, Imprimerie royale, 1780) en a donné la critique dans son 34e Mémoire sur la légion romaine, De la Paie du soldat légionnaire (pages 196‑197) :

« Dans le troisième mémoire où j’ai exposé l’état de la cavalerie romaine jusqu’au temps des Gracques, j’ai promis d’éclaircir un passage de Sosipater Charisius {b} où il semble qu’il soit parlé d’une paie des cavaliers. Ce grammairien cite un passage de Caton l’Ancien, {c} dans un discours où il proposait une augmentation de paie pour la cavalerie, ut plura æra equestria fiant. Voici les termes de Caton, de æribus equistribus, de duobus millibus actum. Priscien {d} qui allègue le même passage, le donne plus entier. Le voici : Nunc ego arbitror oportere institui, ne quo minus duobus millibus ducentis sit ærum equestrum. De æribus equestribus, de duobus millibus actum est. {e} C’était sans doute la conclusion de l’article dans lequel Caton avait montré que ce qu’on donnait aux cavaliers n’était pas suffisant et qu’il y fallait ajouter deux cents sesterces. {f} Ni Saumaise, ni Valtrinus {g} qui ont employé ce passage, ne me paraissent pas avoir rencontré juste. Le premier veut que Caton ait proposé d’ajouter deux cents as à leur paie ; mais jamais deux mille as ni deux mille deux cents as ne firent la paie du cavalier. Il est toujours le triple du fantassin qui reçut d’abord trois as par jour et qui en recevait cinq du temps de Caton. C’était d’abord pour le cavalier neuf as par jour, et ensuite quinze ; ce qui fait par année deux sommes fort au-dessus de deux mille as. Valtrinus entend ces deux mille as de la somme que fournissait la République pour la nourriture des chevaux, et il a raison en ce point. Mais Valtrinus ajoute que cette contribution cessa lorsqu’on établit pour le cavalier une paie triple de celle du fantassin : ce qui ne s’accorde pas avec ce que dit Caton. Voici à mon avis le sens de ce passage : la taxe imposée sur les veuves riches subsista depuis Servius {h} jusqu’à Caton l’Ancien, et servait à défrayer le cavalier de la nourriture de son cheval : c’est ce que Caton appelle ici æria equestria, et non pas la paie propre du service du cavalier qui était triple de celle du fantassin. Les fourrages ayant augmenté de prix à mesure que la République devenait plus riche, Caton proposa d’ajouter deux cents as. »


  1. Une référence de Sorbière à un ouvrage posthume de Saumaise (mort en 1653) mettrait en doute la date (printemps 1651) que je propose d’attribuer à la présente lettre (v. supra note [a]) ; toutefois, de 1642 à 1650, Sorbière avait beaucoup côtoyé Saumaise à Leyde et pouvait fort bien avoir eu oralement connaissance de son avis érudit sur la solde des militaires romains : « comme disait [et non écrivait] plaisamment M. de Saumaise… »

  2. Grammairien latin du ive s. de notre ère.

  3. V. note [5] de Guy Patin contre les consultations charitables de Théophraste Renaudot.

  4. Priscien ou Priscian de Césarée, v. deuxième notule {a}, note [4], lettre 137.

  5. « Je juge maintenant que l’ærum equestrum ne soit pas inférieur à deux mille deux cents [as]. C’en est fini des deux mille pour les æra equestra. »

  6. Sic pour as, la sesterce valait deux as et demi.

  7. Joannes Antonius Valtrinus, jésuite : De re militari veterum Romanorum libri septem [Sept livres sur l’organisation militaire des anciens Romains] (Cologne, Hermann Mylius, 1617, in‑8o, première éditon en 1597).

  8. Servius Tullius, sixième roi légendaire de Rome au vie s. av. J.‑C.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Samuel Sorbière, non datée (printemps 1651), note 5.

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(Consulté le 06/10/2024)

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