De Charles Spon, le 5 mars 1658
Note [3]
V. note [20], lettre de Charles Spon, le 28 août 1657, pour l’édition de Celse (De Re medica) par Johannes Antonides Vander Linden (Leyde, 1657).
L’épître (11 pages) est dédiée à Clarisimo viro, Domino Guido Patino, Bellovaco, Doctori Medico Parisiensi, et Professori regio, amico suo magno [Maître Guy Patin, natif de Beauvaisis, très brillant docteur en médecine de Paris et professeur royal, son grand ami] (v. note [15], lettre de Charles Spon, datée du 28 décembre 1657). Spon faisait ici probablement allusion à la fin de ce texte, où l’auteur s’adresse ingénument (c’est-à-dire avec franchise et sincérité) à Patin :
Hoc unum dicam, qualis qualis noster fuerit, dignissimus est, vel doctrinæ, cultu, vel elegantiæ nitore, non solum qui legatur, sed qui nunquam de manibus deponatur. Me, fateor, nullius post Hippocratem lectione vel affici magis, vel erudiri. Quo factum, ut et sæpius relegerim, et nunquam sine voto, existeret aliquis, qui aut daret eum nobis quam emendatissimum, aut emendandi materiam suppeditaret. Quam tuo tandem beneficio consecutus nobilem et locupletem, statim operi admovi manum ; quo et meæ satisfacerem cupiditati, et exspectationi eorum, apud quos nulla non occasion et laudare Cornelium nostrum, et serio commendare sum solitus. Quam autm feliciter mihi res sub manu succsserit, te velim vel in primis judicare. Nam hæc inter plurimas mihi causa est, quod Celsum istum, quem meum imagine quadam adoptionis feci, celeberrimo tuo nomini, et multis nominibus suspiciendo colendoque consecrarim. In seculi quippe hujus et tam antiquitatis fastidiosi, quam novitatis omnis cupidi, conspectum proditurientem, nec sine patrono ausum, cujus in clientelam potius, quam tuam debui dare ? Absque illis certe subsidiis, quæ mihi numquam sine summa laude loquendum studium tuum juvandi publicum tulit, si fuisset, vel animum non applicuissem ad recognitionem Authoris ut eruditissimi, ita et corruptissimi. Quis credat, post Egnatii, Cæsarii, Constantini, Stephani, Plantini, Ronssi, Rubei, tot illustrium virorum diligentissimas curas, fuisse mihi plusquam bis mille locis, corrigendum ? Quo ipso quia fecisse me opus putabam non pœnitendum, aut tuo nomine et seculo indignum, etiam hoc ausus sum illi inscribere. quamvis non ignorem multo plura majoraque me debere amori et beneficiis in me tuis. Itaque te rogo, Vir Clarissime, hanc cautionem accipere crediti, et animi ad omnem se gratitudinis memoriam obligantis ? Certe hunc, quem eo vultu, quo omnes litteratos soles amplecti, suspiciendum tibi offero, si non industriæ, saltem laboris mei fœtum, testem esse volo, quanti et sim et in perpetuum tibi sim futurus debitor. Deus autem immortalis diu te sospitem atque incolumem Rei medicæ, literariæ, publicæ, imo mihi et omnibus bonis conservet. Dabam Lugduni-Batav. Mense Augusto, anni m dc lvii.Tibi nominis atque dignitatis
cultor propensissimusJoh. Antonides
Vander Linden.[Je ne dirai que ceci : quoi qu’il advienne de notre livre, que ce soit pour cultiver la doctrine ou pour embellir le style, il est parfaitement digne non seulement de qui le lira, mais aussi de qui le prendra jamais en mains. Pour moi, j’avoue qu’hormis Hippocrate, la lecture de nul autre ne m’a autant appris et instruit. Ce faisant, tandis que le relisais encore et encore, j’avais toujours en tête le vœu qu’il existât quelqu’un pour nous le rendre absolument parfait, ou donner de quoi en améliorer la matière. J’ai finalement poursuivi ce noble et enrichissant dessein grâce à vous. Par là, je satisfaisais mon propre désir et l’attente de ceux à qui je n’ai manqué aucune occasion de louer et de recommander notre cher Cornelius Celsus. Je voudrais que vous fussiez le tout premier à juger si j’y ai heureusement réussi. Voilà, parmi d’autres raisons, pourquoi c’est à vous que j’ai dédié ce Celse, que j’ai en quelque sorte adopté, et qu’il faut admirer et vénérer à de multiples égards. Sous quel meilleur patronage que le vôtre aurais-je dû placer l’audace de m’exposer au regard de ce siècle, qui est aussi méprisant de l’Antiquité qu’il est avide de toute forme de nouveauté ? Il est certain que sans les secours que m’a fournis votre bibliothèque, dont on ne chantera jamais trop les louanges et que vous mettez si généreusement au service du public, je ne me serais pas attaqué à l’édition critique d’un auteur si savant que son œuvre est a été profondément corrompue. Qui croira qu’après les soins si diligents d’Egnatius, de Cæsarius, de Constantinus, de Stephanus, de Plantinus, de Ronsseus, de Rubeus {a} et de tant d’hommes illustres, j’aei eu à la corriger en plus de deux mille endroits ? Ce qu’ayant accompli, je pensais n’avoir pas été indigne de votre nom et ne pas avoir de regret à oser y mettre le mien, non sans ignorer tout ce que j’y devais à votre amitié pour moi et à votre générosité. C’est pourquoi je vous prie, très illustre Monsieur, d’accepter cette reconnaissance de dette et le souvenir d’un esprit qui vous en saura à tout jamais gré. Ce livre, qu’il faut certainement examiner de ce regard que vous avez coutume de porter sur tous les écrivains, est le fruit, sinon de mon application, du moins de mon labeur. Je vous l’offre en reconnaissance éternelle de tout ce qu’il vous doit. Puisse notre Dieu immortel vous conserver longtemps en bonne et favorable santé, pour servir la médecine, les belles-lettres, le public, et surtout moi-même et tous les honnêtes gens. À Leyde, au mois d’août 1657,
Johannes Antonides Vander Linden,
le plus grand admirateur de votre renom et de votre mérite]. {b}
- Ces précédents éditeurs de Celse étaient :
- l’érudit Giovanni Battista Egnazio (Venise, 1524) ;
- le médecin Jean Cæsarius (Haguenau, 1528) ;
- le médecin érudit Robert Constantin (Lyon, 1566, v. note [4], lettre latine 97) ;
- l’imprimeur érudit Henri i Estienne (Paris, 1512, v. note [8], lettre 91) ;
- l’imprimeur Guillaume Plantin (Bâle, 1552) ;
- le médecin Balduin Ronss (Leyde 1592, v. note [8], lettre 427) ;
- le médecin Girolamo Rossi, (Venise, 1616, v. note [9] de l’Observation vii sur les apothicaires).
Dans ses lettres à Vander Linden de 1655 à 1657 Patin a souvent parlé de l’aide précieuse qu’il lui procurait pour établir son édition.
- Il est amusant de comparer le ton de cette épître batave, sincère, mais stoïque et calviniste, à celui de nombreuses épîtres françaises citées dans notre édition, volontiers baroque, adulateur et lardé de superlatifs.