Partisan, traitant
À partir de 1635 (entrée de la France dans la ruineuse guerre de Trente Ans), les partisans, ou traitants, plus connus aujourd’hui sous le nom de fermiers généraux, prirent une part grandissante aux ressources de l’État. Il s’agissait de financiers (on dirait aujourd’hui banquiers ou courtiers) privés qui faisaient des traités ou partis (d’où leur nom) avec l’autorité royale, par extension du principe de la ferme : après adjudication (plus ou moins régulière), les partisans avançaient, avec un intérêt conséquent (couramment 15 à 30 pour cent), le recouvrement de sommes dues à l’État (impôts directs ou aides, ventes d’offices, augmentations de gages, etc.) ; en échange, ils faisaient leur affaire de procéder aux levées fiscales correspondantes. Les énormes quantités d’argent nécessaires à l’accomplissement de leurs engagements provenaient d’hommes de paille, derrière lesquels se cachaient des prêteurs appâtés par le gain potentiel (mais jamais garanti). Ceux-là appartenaient à la noblesse d’épée, de robe ou de soutane, ou à l’opulente bourgeoisie ; on y comptait en particulier bon nombre de magistrats des cours souveraines (à Paris, le Parlement, la Cour des aides, la Chambre des comptes, le Grand Conseil et la Cour des monnaies), les mêmes qui s’en prirent souvent avec véhémence aux « voleries des partisans » qui pourtant leur assuraient en sous-main de confortables revenus. Les financiers prêtaient aussi directement de l’argent à la Couronne.

Une autre de leurs activités, moins avouable, était de revendre à l’État les emprunts publics (rentes) qu’il était forcé d’émettre en période de grand besoin : quand, la crise financière s’aggravant, le cours de ces rentes avait bien plongé, les partisans les rachetaient à vil prix aux particuliers, puis, le bon moment venu, les revendaient à l’État à leur valeur nominale, c’est-à-dire avec de très substantiels profits. Ce système pervers d’avance privée sur recette publique, mêlant juges et parties, ne contribua pas peu à l’équilibre fisco-financier fuyant (on dirait aujourd’hui la cavalerie) qui a caractérisé l’époque de Guy Patin. L’illustration la plus marquante en a sans doute été la banqueroute de l’État en 1648, c’est-à-dire la suspension de ses remboursements et paiements d’intérêts, qui préluda à l’éclosion de la première Fronde (celle, précisément, qu’on a qualifiée de parlementaire), mais aussi, et plus heureusement, à la paix de Westphalie (face à l’obligation de réduire la dépense des guerres). Qualifiés de « serpents » vidant les caisses de l’État pour l’obliger à accroître sans limite ses ponctions fiscales, les partisans ont été, comme Patin s’en est souvent fait le témoin exaspéré, les boucs émissaires de la haine publique.