L. 75.  >
À Charles Spon,
le 12 décembre 1642

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 12 décembre 1642

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0075

(Consulté le 19/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

J’ai reçu votre belle et bonne lettre datée du 25e de novembre, par laquelle vous m’avez extrêmement obligé, [1] sur le fait principalement de M. Daléchamps, [2] duquel j’honore fort la mémoire. Je confesse lui avoir grande obligation : il m’a aidé autrefois en la lecture de Pline, [3] et ai appris aussi quelque chose en son herbier. [2] Vous me mandez qu’il est mort en l’an 1588, et ainsi l’ai-je trouvé marqué en mes mémoires. [3] Je ne sais de qui je l’avais, car M. Cahaignes, [4] médecin de Caen, [4][5] qui a fait Elogia illustrium Cadomensium[5] n’a pas remarqué ladite année, combien qu’il lui ait donné un éloge, mais assez stérile. J’espère de lui en donner quelque jour un plus ample, et de bon cœur, où je ferai mention de l’obligation que je vous ai pour la peine que vous avez prise de m’envoyer son épitaphe, afin que la postérité vous en sache gré. [6] Pour la relation de M. de Thou, [7] on m’a dit qu’il y en a deux différentes, toutes deux imprimées à Lyon. [6][8] Si cela est, je recommande le tout à votre diligence. J’aurai soin, en récompense, de ce qui se fera de deçà, j’amasse toutes les thèses [9] et rien ne m’échappera. Pour le sieur Meyssonnier, [10] vous m’obligerez fort de ses Opuscules, et encore plus de me mander, en ami et en secret, ce que vous pensez du personnage, quem puto non admodum sapere[7] J’ai vu ici un placard de lui contenant quelques règles prétendues de santé, quo nihil vidi miserabilius, cuius auctorem hic serio egisse non puto, si sapio[8] Je ne le tiens pas plus sage que ce fanfaron dans Plaute, [11] qui crus fractum obligaverat Æsculapio, etc[9] Depuis ma dernière par laquelle je vous avais mandé que j’ai vu le sieur Columbanus, [12] rien n’est ici arrivé que la mort de M. le cardinal de Richelieu, [13] le jeudi à midi, 4e de décembre. In dissecto cadavere deprehensus est abscessus insignis in parte infima thoracis, a quo mirum in modum permebatur diaphragma[10][14] Il n’a été que six jours malade, durant lesquels il a eu beaucoup de faiblesse, argumentum puris intus latentis certissimum, præsertim in corpore extenuatissimo et emaciatissimo[11] Tout le sang qu’on lui a tiré était très pourri, sans aucune fibre, avec une sérosité laiteuse. Eiusmodi serum γαλακτωδες sanguini supernatans, indicium est in febribus certissimæ malignitatis[12] Le quatrième jour de sa maladie, desperantibus medicis[13] on lui amena une femme qui lui fit avaler de la fiente de cheval [15] dans du vin blanc ; et trois heures après, un charlatan, [16][17] qui lui donna une pilule de laudanum ; [14][18][19] et hæc omnia frustra : Contra vim mortis non est medicamen in hortis[15][20] Il était revenu de Rueil [21] à Paris en intention de n’en sortir de tout l’hiver ; car il avait cela de commun avec les grands princes, il ne faisait qu’aller et venir, stare loco nescebat ; [16][22] mais la mort qu’il portait en son sein l’a enfin empêché d’aller plus loin ; et a vérifié ce distique de Martial [23][24] en mourant ici,

Nullo fata loco possis excludere, cum mors
Venerit, in medio Tibure Sardinia est
[17]

Le roi [25] a laissé les affaires en l’état qu’elles étaient, et les mêmes officiers ; mais je crois que cela ne durera pas. [18] Ubi nova adfuerint, plura tibi scribam[19] comme aussi de ce qui sera sur sa mort. Il sera enterré en Sorbonne. [26][27] On m’a dit aujourd’hui que M. Citois, [28] son médecin, se meurt aussi d’une fièvre continue. [29] Vous avez à Lyon un certain P. Labbé [30] qui a fait plusieurs épitaphes et inscriptions, et même quelquefois avec beaucoup de flatteries ; nec mirum, hæc enim est vera indoles gentis Loyoloticæ : colaces, mendaces, rapaces[20] Si tout ce qu’il a fait se pouvait trouver, je le désirerais volontiers, mais principalement celle qu’il a faite à feu M. le cardinal, où il l’appelle un grand mystère : Mysterium es, etc[21] Je vous prie de vous en souvenir, et de vous charger encore de cette commission, pour laquelle je vous aurai très grande obligation. Je voudrais bien pouvoir recouvrer un livre que je n’ai jamais pu voir, que cite M. Duchesne [31] en sa Bibliothèque des auteurs de l’histoire de France[22] page 112, sous ce titre : Tabulæ historicæ, triumphales et funerales Henrici iv, cognomento Magni, Galliarum et Navaræ regis, auctore Petro Cornu in suprema Curia Delphinatus regio senatore, Lugduni sumptibus Horatii Cardon, 1615, in‑fo[23][32] Vous m’obligerez fort si j’en puis avoir quelque nouvelle. L’an 1567, il a été imprimé à Genève in‑4o le Cordelier ou Franciscanus de Buchanan, [33][34] en vers français, dont l’auteur est Florent Chrestien. [24][35] Si jamais vous en découvrez une copie, je vous prie de ne la laisser pas aller ; je voudrais l’avoir et qu’il m’eût coûté grand’chose. Quand vous vous souviendrez de la mort du cardinal de Richelieu, lisez attentivement le chapitre 14 d’Isaïe [36] et repassez en votre mémoire les belles choses qu’il a faites en sa vie. [25] Je vous prie de me mander le nom de votre rue et l’adresse que vous voudrez que je mette sur mes lettres pour vous ; pour les miennes, adressez-les à votre serviteur, rue des Lavandières près de la chapelle aux Orfèvres, tout devant l’Étoile. [26][37] À Dieu, Monsieur.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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