L. 77.  >
À Charles Spon,
le 2 mars 1643

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 2 mars 1643

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0077

(Consulté le 19/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Je vous donne avis que j’ai reçu votre paquet tant attendu, et votre lettre aussi, responsive de celle que je vous avais écrite. [1] J’ai présenté vos deux livrets à M. Moreau, [2] qui vous en remerciera ; il m’a dit que vous lui aviez écrit depuis peu. La Présence des absents ne vaut pas le diable, et encore moins que son auteur même ; il ne vaut pas le papier bleu dont il est couvert. C’est un petit in‑8o que le Bureau d’adresse [3] vend 5 sols ; dès que vous l’aurez vu, vous en serez dégoûté. [2] Le Gazetier [4] est logé chez Guillot le songeur [3] depuis la mort de son protocole, [4] qui le portait contre nous ; mais Dieu merci, il a plié bagage : [5][6]

Il est en plomb l’excellent personnage,
Qui de nos maux a ri plus de vingt ans, etc.
 [5]

Pour le portrait de M. de Thou [7] dernier mort, je n’en ai pas ouï parler ; s’il se fait, dabo operam ne careas[6] Pour celui du père, [8] qui a fait cette belle Histoire et qui est mort ici l’an 1617, j’en ai un à votre service in‑fo, fort approchant du naturel. J’en recouvrerai bien aisément de son logis. Mais à propos du dernier mort, je vous veux indiquer une chose de lui, laquelle, si vous ne savez, vous sera sans doute agréable : inter Hugonis Grotii Poemata[7][9][10] il y en a un, sur la fin, intitulé: Silva ad Fr. Aug. Thuanum. C’est un poème très excellent, plein de très bons avis et de beaux mots fort bien choisis ; et entre autres y parlant de la religion et disant qu’autrefois on n’en faisait ni métier, ni marchandise, comme on fait aujourd’hui, il a dit ces mots qui valent de l’or :

Cum rudis et simplex, nondum se fecerat artem
Relligio…

Si vous prenez la peine de lire toute la pièce, j’espère qu’elle vous plaira, et que si ce pauvre malheureux eût cru M. Grotius,  qu’il serait encore en vie. [8] (On a fait ici en une petite taille-douce le portrait de M. de Cinq-Mars.) [11]

M. de Bourdelot [12] se gardera bien d’écrire de la digestion. Il fait comme font les évêques de France, à ce que dit Du Moulin : [13] il quitte et quittera toujours hardiment la lettre dominicale pour s’arrêter au nombre d’or ; [9][14][15] il a un maître à servir, duquel il apprendra mieux que d’aucun autre l’économie de sa fortune. [10]

Entre autres choses qu’on a faites sur M. le cardinal[16] on a fait une bonne rencontre sur M. de Thou : [17] on dit que quand Mme de Pontac, [18][19] sœur du défunt, alla en la chapelle de Sorbonne [20][21] jeter de l’eau bénite à Son Éminence, qu’elle lui dit ce que dit la sœur du Lazare à Jésus-Christ, Domine, si fuisses hic, frater meus non fuisset mortuus[11][22] Et avant que de quitter le pauvre M. de Thou, quem lugeo nimium acerba morte extinctum[12] je vous dirai que la vraie cause de sa mort est dans l’Histoire de Monsieur son père, sub Francisco ii[13] tome i, p. 743, de l’édition de Genève : le cardinal, qui tunc regnabat[14] ayant résolu et dit en son esprit, Ton père a mis mon grand-oncle dans son histoire, tu seras dans la mienne[23] On a fait de beaux vers latins, dont je vous ferai part si vous ne les avez. Le dernier finit par là : Vera loqui si vis, discito sæva pati[15]

Le roi [24] a été mal il y a quelques jours, mais il est Dieu merci mieux, hormis que le bon prince amaigrit fort. Il est à souhaiter qu’il nous dure longtemps car nous n’eûmes jamais tant affaire de lui. [16] On dit ici que la révocation du sol pour livre [25] est arrêtée, [17][26] je ne sais pourtant pas quand elle s’effectuera. Mme de Saint-Georges, [27] gouvernante de Mademoiselle, [28][29] fille de Monsieur, [30] frère du roi, est ici morte il y a trois jours. [18] Le roi a fait mener aux Carmélites de Saint-Denis [31][32][33] sa nièce pour y demeurer jusqu’à ce qu’on l’ait pourvue d’une autre gouvernante. [19] Le roi est en colère contre le comte d’Harcourt [34] à cause qu’il ne veut pas aller commander une armée cet été en Italie, et aussi à cause de quelque brouillerie qu’il a eue avec le cardinal Mazarin. [35]

Si jamais vous écrivez à Augsbourg [36][37] ou en quelque autre lieu, faites-moi la faveur d’y chercher un petit in‑4o imprimé à Augsbourg l’an 1607, intitulé Vita Ioannis Vincentii Pinelli, etc.[20][38] qui a été un excellent homme, et duquel il est souvent parlé dans la Vie de M. Peiresc[39] conseiller de Provence, [40][41][42] qui a été faite par M. Gassendi [43] et qui fut ici imprimée chez M. Cramoisy [44] il y a trois ans. [21] Cette dernière est bien plus ample que celle de Ioan. Vinc. Pinellus et contient de belles particularités dignes de vous.

Je vous baise très humblement les mains et suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Patin.

De Paris, ce 2d de mars 1643.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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