< L. 350.
> À André Falconet, le 19 mai 1654 |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À André Falconet, le 19 mai 1654
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Je dois réponse à deux des vôtres, pour lesquelles je vous rends très humbles grâces. Le livre de M. Merlet [2] est sous la presse, aussi bien que celui de M. Perreau, [1][3] mais cela ne va guère vite, faute d’ouvriers et même de papier qui manque ici. Dès qu’il y aura quelque chose de fait, je vous en enverrai. J’ai plusieurs fois ici vu sortir des vers [4] des veines par la saignée [5] du bras, mais quand ils ont été grands et morts, je n’ai vu personne qui en soit échappé. Votre malade est bien heureux de l’être. M. le cardinal de Retz [6] est à Nantes [7] où ses amis le vont voir et l’entretiennent. On ne sait pas encore qui sera son successeur en l’archevêché de Paris. Le Mazarin [8] n’a point la pierre, [9] mais il a martel en tête du prince de Condé [10] et de plusieurs autres choses qui regardent sa fortune. On parle du voyage de Reims [11] pour le sacre [12] avec beaucoup d’incertitude. Les Anglais nous menacent toujours. C’est une chose certaine que la reine de Suède [13] quitte la royauté, mais elle y est un peu poussée par les États du pays qui n’approuvent pas ses profusions ; mais elle ne parle pas de se faire catholique ni de venir en France, les princes ne changent jamais de religion que lorsqu’il y a du gain. J’ai vu sa lettre à M. Chanut, [14] lequel je connais fort bien et qui est de présent en Hollande. Le mois prochain nous apprendra davantage. Je suis ici médecin de M. Bidal, [15] riche marchand de soie, qui est caissier de la reine de Suède et qui en reçoit toutes les semaines des nouvelles. M. Choulier [16] est, Dieu merci, guéri. Il n’a plus qu’à se conserver, il est délicat et fluet. Dans le premier paquet que j’enverrai à Lyon, j’y mettrai pour vous le Martinus [17] in Hippocratis de Aere, de aquis et locis. [2][18] J’ai fait vos recommandations à M. Choulier qui vous en remercie, mais je ne saurais trouver l’adresse de la lettre à monsieur votre frère que j’ai aujourd’hui fort cherchée, je ne sais comment je ferai pour la trouver. Depuis peu a ici paru un livre fort impertinent et très satirique intitulé Seconde Apologie pour la Faculté de médecine de Montpellier, etc. [3][19] Il est tout plein d’injures contre M. Riolan, [20] contre moi, contre M. Guillemeau, [21] MM. Moreau [22] et de La Vigne [23] défunt. Le livre a été imprimé in‑4o, et même peut-être fait à Paris. Un de nos charlatans [24] antimoniaux en est fort soupçonné. [25] On parlait de faire saisir le livre et d’en empêcher la vente par autorité de justice. Je me suis opposé à cet avis : il le faut laisser débiter en toute liberté, c’est procurer l’infamie de ces écrivains que de faire que tout le monde voie leurs sottises et leurs ignorances. Un homme de bien, integer vitæ scelerisque purus, [4][26] ne doit point s’émouvoir pour des injures : convicia si irascare agnita videntur, spreta exolescunt. [5][27] Joint que tout ce qu’ils nous reprochent est faux et inepte : il reproche l’ânerie à M. Riolan, qui est un des savants hommes du monde ; il appelle M. Guillemeau scélérat rousseau, [28] qui ne le fut jamais ; etc. [6] Il me veut faire passer là-dedans pour l’auteur de la Légende, [7][29][30] à laquelle j’ai contribué comme vous ; il y a là-dedans sept ou huit marauds de charlatans que j’eusse bien autrement traités qu’ils n’y sont, je les connais trop bien et suis trop bien informé de leurs friponneries. Bref, tout ce livre n’est composé que de faussetés, injures et sottises. L’ignorance de l’auteur y est toute visible et il n’y a aucun fruit pour le lecteur qui s’y amusera. Mais on n’en connaît pas le véritable auteur, auctor ignoratur : [8][31] ce n’est point M. Courtaud [32] de Montpellier qui l’a faite ; au moins ne l’a-t-il point faite tout seul, alii nebulones mutuas operas contulerunt ad confectionem tam horridi libelli. [9] Le seigneur Pietro, [33] père du Mazarin, est mort à Rome. [10] Le comte d’Harcourt [34] est enfin rentré en son devoir et a fait sa paix avec le roi, nonobstant les offres des Espagnols ; et tant mieux pour vous, d’autant que la Bourgone était menacée de cette guerre. Le roi s’en va à Reims pour le sacre dans huit jours. Je me recommande à vos bonnes grâces et suis de toute mon affection, Monsieur, votre, etc. De Paris, ce 19e de mai 1654. | |||||||||||||
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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr | |||||||||||||
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