L. 448.  >
À André Falconet,
le 24 octobre 1656

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 24 octobre 1656

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0448

(Consulté le 19/03/2024)

 

Monsieur, [a][1]

Je vous écris ce mot bien affligé : la mort, cette cruelle déesse du monde, nous a ravi cette semaine deux de nos docteurs qui ont été d’excellents hommes, dont l’un est le bon M. Moreau, [2] le père, homme d’honneur et de grand mérite qui est mort de vieillesse et de trop de travail, âgé de 72 ans, le 17e de ce mois. Son immodération à l’étude l’a fait paraître vieux avant le temps. Immodicis brevis est ætas, et rara senectus[1][3] L’autre est M. Guillemeau [4] qui est mort âgé de 68 ans le 21e d’octobre, marcore pene confectus[2] Il y a deux mois qu’il se mit au lit, il y a 50 jours qu’il ne dormait presque point et 20 jours qu’il ne buvait point, par une étrange aversion qu’il a eue contre toute matière potulente ; [3] et même il avait de l’horreur pour toute sorte d’aliment, n’ayant pris que des bouillons, et encore rarement, ce qui était trop peu pour le faire subsister ; si bien que je pourrais vous dire, du côté des aliments qu’il n’a pas pris, que parabolavit animam suam[4][5] Il avait, depuis l’an 1632 que j’avais l’honneur de le connaître et que nous avions été compagnons de licence, [6] jeté souvent du pus du mésentère [7] et je ne doute pas qu’il n’y eût là quelque chose contre nature ; de plus, il avait de grandes douleurs hémorroïdales et des douleurs à la vessie, ce qui nous avait fait souvent soupçonner qu’il n’eût la pierre ; avec tout cela, il a fait lui-même, de sa tête et sans notre participation, un qui pro quo, [8] il y a environ 18 jours, qui l’a fait mourir. Ces deux hommes sont morts à quatre jours près l’un de l’autre et ils sont enterrés tous deux dans Saint-Jean [9] assez près l’un de l’autre, auprès du grand Simon Piètre [10] qui mourut ici l’an 1618. Voilà mon affliction, vous voyez bien qu’elle n’est pas sans cause : j’y perds deux bons amis, notre Faculté y perd deux bons et excellents suppôts. Me voilà donc attristé pour deux différentes raisons ; je sais bien qu’il faudra se consoler et que le temps guérit tout, mais je ne désire point de meilleure consolation que vos bonnes grâces et de savoir que vous me faites l’honneur de m’aimer. Soyez aussi assuré que je suis de tout mon cœur vôtre, etc.

De Paris, ce 24e d’octobre 1656.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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