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L’ultime procès de Théophraste Renaudot contre la Faculté de médecine de Paris, perdu le 1er mars 1644

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe. L’ultime procès de Théophraste Renaudot contre la Faculté de médecine de Paris, perdu le 1er mars 1644

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(Consulté le 19/03/2024)

 

Précédents

Les activités médicales successives du Bureau d’adresse [1] que Théophraste Renaudot [2] avait établi à Paris en 1628 indisposaient prodigieusement la Faculté de médecine : consultations charitables, [3] conférences savantes, [4] fabrication de médicaments chimiques. [1][5] La Faculté avait frappé son premier coup en imposant aux deux fils Renaudot, Isaac et Eusèbe, [6][7] postulants au baccalauréat de médecine, [8] de signer devant notaires, le 21 mars 1638, un engagement à ne pas travailler aux côtés de leur père. [2]

Théophraste Renaudot jouissant de la puissante protection de Richelieu [9] et de Louis xiii[10] s’était engagée, à partir de 1641, une longue suite d’arrêts et de décrets pour le soutenir contre ses adversaires académiques, dont voici un rappel des principaux épisodes :

  • l’arrêt royal du 14 juin 1641 avait ordonné à la Faculté de cesser toutes ses poursuites contre Renaudot, et confirmé l’établissement de ses fourneaux et de ses consultations charitables ;

  • la Faculté avait fait appel de cette sentence en février 1642, mais un autre arrêt royal du 14 juin suivant lui avait à nouveau interdit d’entreprendre toute poursuite contre Renaudot et l’ensemble de ses entreprises ;

  • le 14 août 1642, devant les Requêtes de l’Hôtel, [11] Renaudot avait perdu son procès en diffamation contre Guy Patin pour l’épître dédicatoire de son Sennertus ; [3][12][13]

  • le 16 juillet 1643 (après la mort de Richelieu, le 4 décembre 1642, puis celle de Louis xiii, le 14 mai suivant), la Faculté avait déposé une nouvelle requête contre Renaudot devant le Conseil du roi (ou plus exactement de régence) ; [14]

  • le Conseil avait renvoyé l’affaire au prévôt de Paris, [4][15][16] qui avait donné raison à la Faculté le 9 décembre en interdisant toutes les activités médicales du Bureau d’adresse.

Renaudot ayant fait appel de cette dernière sentence devant le Conseil, l’affaire était de nouveau jugée devant la Grand’Chambre qui allait prononcer son jugement le 1er mars 1644. Un factum imprimé de Renaudot et un mémoire manuscrit de Patin énoncent les arguments que chacune des deux parties fit alors valoir.

Factum de Théophraste Renaudot  [a][17]

« Il ne serait pas croyable, si l’on n’en voyait les preuves au procès dont il s’agit, qu’il ne fût pas permis de donner l’aumône sans procès, et qu’il fallût plus de cinq arrêts du Conseil pour exercer la plus grande des charités, qui est celle du traitement gratuit des pauvres malades. C’est néanmoins le sujet du différend d’entre les parties ; après quoi, il ne restera plus < rien > aux défendeurs, sinon à conclure désormais à ne point prier Dieu, l’un n’étant pas plus nécessaire que l’autre.

Me Théophraste Renaudot, ancien docteur en médecine de la célèbre Université de Montpellier, [18] l’un des médecins de sa Majesté, ayant été envoyé quérir de cent lieues d’ici, dès l’an 1612, par le roi défunt pour travailler au règlement des pauvres, s’y employa de telle sorte durant six ans qu’il fut fait leur commissaire général par l’arrêt du Conseil du 3e février 1618 ; [5] lequel Conseil, entre plusieurs ouvertures, agréa l’établissement du Bureau d’adresse de toutes les nécessités et commodités réciproques, dont l’intendance générale lui fut aussi accordée. Chacun sait combien de milliers de pauvres personnes se sont retirées de la mendicité, [19] ou l’ont évitée, par les emplois qu’ils ont rencontrés et qui leur sont tous les jours donnés au dit Bureau d’adresse. Mais pource qu’il n’y a point de pauvreté plus à plaindre que celle des malades, ce Bureau s’est particulièrement adonné à leur traitement ; auquel les médecins de l’École de Paris ayant été invités, et quelques-uns d’eux y étant venus au commencement, le blâme qu’ils en ont reçu de leur corps, par une pure envie, [6] les en a fait retirer. [20] Les docteurs en médecine de Montpellier et des autres universités fameuses, qui se trouvent en cette ville au nombre de plus de quatre-vingts ou cent, et qui ne cèdent point aux autres en doctrine et expérience, les ont surpassés en charité. Ils viennent alternativement tous les jours donner leurs conseils gratuits à tous les pauvres malades qui s’y trouvent en foule pour y recevoir du soulagement en leurs maladies. Et Dieu ayant béni les mains et les conseils de ceux qui se sont ainsi charitablement voués à traiter ses membres, le succès a redoublé l’envie des défendeurs, jusques au point d’avoir, en haine de cette charité, fait défendre par le prévôt de Paris à tous lesdits médecins de Montpellier et d’autres universités, et même au dit Renaudot, de < ne > plus pratiquer leur art de médecine dans cette ville et faubourgs. De quoi ils ne s’étaient point avisés auparavant, tous les jugements rendus par ledit prévôt de Paris ou son lieutenant civil [21] étant d’une date postérieure auxdites consultations charitables ; cependant qu’ils ne souffraient pas seulement, mais autorisaient les charlatans, [22] donnant leurs approbations au bas de leurs affiches.

Le demandeur, en haine duquel et de la charité qu’exerçaient chez lui tant de personnes d’honneur ce traitement injurieux leur était fait, s’en plaint à Nosseigneurs du Conseil, auxquels seule appartient la connaissance de leurs arrêts, en vertu desquels ledit demandeur a toujours agi et agit encore à présent : [7] non seulement par cette maxime tant rebattue, Cuius est condere eius est interpretari[8] mais encore pource que le Conseil, par tous ses arrêts, s’en est réservé la connaissance, et icelle interdite à tous autres juges, notamment au dit prévôt de Paris, ou son lieutenant ; arrêts qui leur ont été signifiés et pour la révérence desquels aucune des affaires concernant le Bureau d’adresse, ni de celles qui s’y exercent, circonstances ni dépendances d’icelles, [9] n’ont jamais été traitées au Châtelet, [23] étant même défendu à tous les commissaires, huissiers et autres officiers du dit Châtelet d’en prendre aucune connaissance, à peine de mille livres d’amende et de nullité des procédures ; et ledit demandeur ayant toujours été déchargé des assignations qui lui ont été données en cette juridiction-là, et en toutes les autres, comme il appert par trois lettres patentes [24] et dix-sept arrêts, tant du dit Conseil que des Requêtes de l’Hôtel. Dont la raison est que ledit prévôt de Paris, n’ayant pas fait enregistrer les pouvoirs et provisions du dit demandeur, comme aussi l’adresse ne lui en ayant pas été faite, il ne les pourrait autoriser ; et en la cause d’appel qui en ressortirait au Parlement, où les déclarations, lettres patentes du roi défunt et arrêts du dit Conseil, n’ont pareillement été enregistrés, ladite Cour n’y aurait point d’égard. De sorte qu’il serait bien à craindre que ledit Parlement, même malgré soi, ne condamnât des innocents. C’est pourquoi les défendeurs, ne voulant rien hasarder, trouvèrent plus sûr, dès l’entrée de la cause, d’esquiver, comme ils veulent encore faire à présent, le jugement de Nosseigneurs du Conseil, et choisir pour juge ledit prévôt de Paris qui n’avait pas le pouvoir de maintenir le demandeur en l’exercice de la charité pour laquelle on le persécutait, comme on fait aujourd’hui, mais seulement de le condamner, comme il fit par son jugement donné sans ouïr les demandeur ; lequel aussi n’avait garde de l’approuver à juge. [10]

Mais l’équité du Conseil y donna ordre, liant les mains au dit prévôt de Paris, par son arrêt du 30e d’octobre 1640, en suite duquel, par autre arrêt du 14e de juin 1641, le roi en son Conseil a sursis toutes poursuites par-devant ledit prévôt de Paris et tous autres juges contre les docteurs en médecine consultant avec le demandeur pour les pauvres malades.

Outre ces deux arrêts, il y en a encore un troisième, donné le 9e de juillet au dit an 1641 contradictoirement, [11] et sur les écritures et productions des parties, par lequel le roi en son dit Conseil retient la connaissance du procès et différend desdites parties, et ordonne qu’elles ajouteront au principal [12] dans quinzaine ce que bon leur semblera, pour leur être fait droit.

Et non seulement le Conseil a ordonné que nul autre juge ne pourrait connaître du différend dont est question, mais, les défendeurs s’étant opposés à la vérification de certaines lettres de don, [13] la connaissance desquelles était attribuée au Parlement, le Conseil, en considération de l’instance sur le sujet desdites consultations charitables, dont il était saisi, y a évoqué ladite opposition faite au Parlement, et icelle jointe à l’instance pendante au dit Conseil, par son arrêt du 5e de mai de la présente année 1643.

Néanmoins, au préjudice de tant d’arrêts, les défendeurs, usant d’une surprise entièrement à blâmer, prenant l’occasion que le demandeur ne pensait plus à cette instance, y ayant plus de deux ans qu’il ne s’y faisait aucune procédure, et taisant deux des arrêts susdits, obtiennent subrepticement un arrêt du Conseil du 7e de ce mois d’août 1643 portant le renvoi du procès et différend des parties, circonstances et dépendances par-devant ledit prévôt de Paris, pour y être réglés et fait droit ; qui est autant comme si on eût fait juger sur requête, [14][25] et sans ouïr le demandeur, le différend sur lequel les parties ont été réglées contradictoirement à produire au Conseil par leur dit arrêt du 9e de juillet 1641, pource qu’on renvoie par cet arrêt le demandeur, non pour être jugé, vu qu’il l’est déjà, mais pour se voir prononcer et exécuter sa condamnation, sur un faux préjugé qu’après la mort du roi défunt, [26] qui avait toujours maintenu cette charité, elle ne trouverait plus de protecteur, faute de savoir que la piété de la reine [27] ne se voudra jamais montrer inférieure à celle de son cher époux, mais qu’elle s’est déjà déclarée protectrice de cette institution.

Le demandeur n’estime pas aussi que ce soit l’intention de Nosseigneurs du Conseil de favoriser cette surprise : non seulement pource que ce serait détruire les trois lettres patentes et les dix-sept arrêts ci-dessus, la plupart donné contradictoirement et avec grande connaissance de cause, outre et par-dessus les quatre derniers précédents ; [15] et pource que celui qui ne peut que condamner, voire qui l’a déjà fait au sujet dont il s’agit, ne saurait prendre la qualité de juge, qui doit être indifférent à l’absolution et à la condamnation ; mais aussi pource que toutes les universités de France, et notamment celle de Montpellier, qui n’est pas du ressort du prévôt de Paris, a [16] intérêt en la cause dont est question, en laquelle il s’agit < de savoir > si le pouvoir du pape, confirmé par plusieurs de nos rois, de faire la médecine hic et ubique terrarum[17] n’a pas aussi bien lieu à Paris comme ailleurs, même en faveur des pauvres malades ; question qui ne se juge pas par défaut, [18] comme a voulu faire le prévôt de Paris, et en la décision de laquelle non seulement tout ce grand nombre de médecins de Montpellier, et des autres universités fameuses de ce royaume et des autres États, mais aussi tout le monde a notable intérêt.

Car à ce compte, si l’on en croit les défendeurs, c’est-à-dire si le renvoi de la cause se fait devant le prévôt de cette ville, il faudra, suivant son jugement, bannir de ce petit monde de Paris tous les docteurs en médecine qui n’auront pas voulu ou pu payer quatre ou cinq mille francs à leur École pour en être docteurs. [19][28] Quand Nosseigneurs du Conseil, qui nous doivent juger, seront malades, dont Dieu les préserve, et que les défendeurs ne connaîtront rien en leurs maladies, comme il peut arriver souvent, il faudra qu’ils prennent patience : il ne se trouvera plus d’autres médecins pour les guérir, non pas même pour traiter les pauvres charitablement et leur fournir gratuitement les remèdes et médicaments nécessaires ; mais il n’est pas croyable que l’intérêt particulier des défendeurs soit plus considérable à nos dits Seigneurs que celui du public, celui des pauvres et le leur propre.

Ceux qui auront pris le loisir de lire les livres que les parties ont écrits de part et d’autre sur cette matière, comme pourront faire tous ceux qui seront curieux de savoir lequel des deux partis a le plus de justice de son côté, ceux-là verront qu’il n’y a guère de sujet plus digne que celui-ci de l’attention du Conseil, dont la grande connaissance aux affaires et les yeux clair voyant au travers de l’envie et des autres passions qui déguisent les actions des hommes, ne sont pas inférieurs aux sentiments d’un présidial, auquel renvoyer les parties : [20] c’est condamner le demandeur, et avec lui la charité qui s’exerce tous les jours chez lui envers tant de pauvres malades, dont les vœux attirent les bénédictions du Ciel sur cet État.

Charité qui n’est pas seulement marquée au coin de l’innocence, puisque les défendeurs n’y perdent rien, les pauvres n’étant pas capables de rien payer ; voire qu’ils y épargnent encore le temps qu’ils emploieraient à leur traitement et l’argent que leur coûteraient les remèdes et médicaments qu’ils leur fourniraient ; et s’ils veulent aussi exercer charité de leur part, ils auront toujours moins de pauvres à traiter qu’ils n’en auraient si le secours que le demandeur et les autres docteurs consultant charitablement avec lui fournissent aux pauvres était cessé : ce qui fait voir que les défendeurs ne sont agités que d’une pure envie et d’un esprit de contradiction.

Comme au contraire, pour voir de quel esprit le demandeur est poussé, Nosseigneurs du Conseil considéreront, s’il leur plaît, qu’en persévérant constamment, comme il fait, à ces exercices de charité auxquels sa charge l’oblige, et à faute desquels il s’estimerait coupable envers Dieu d’une ingratitude signalée, bien loin d’accroître par là sa réputation, et de faire ce bon œuvre par vanité comme on lui reproche. C’est chose notoire à un chacun que les défendeurs, au nombre de plus de six-vingts, continuent depuis plusieurs années la tâche qu’ils ont prise de déchirer sa réputation par toutes les espèces de médisances dont ils se peuvent aviser ; desquels artifices il est malaisé de se défendre autrement que par des bienfaits, à une personne qui doit rendre compte au public, comme fait le demandeur, de ses occupations, qui lui ôtent le temps que les défendeurs emploient à médire de lui dans toutes les maisons ; et les défendeurs lui veulent empêcher ces bienfaits-là. Mais il se console en ce que c’est une chose royale d’être injurié en bien faisant, et qu’il offre très volontiers à Dieu cette persécution qu’ils lui font sentir pour satisfaction de ses fautes envers la Majesté divine, qui peut seule juger de son intention.

Et bien que le blâme soit la plus sensible chose du monde, si est-ce qu’il est encore plus insupportable [21] lorsque nous dépensons de notre art pour l’acquérir ; et c’est ce que fait le demandeur, car il prend à témoin tant de milliers de personnes qui ont reçu depuis plusieurs années le conseil et l’assistance qu’ils sont venus chercher en ces consultations charitables, s’il s’est trouvé aucun d’eux qui ait été refusé [22] des remèdes qui lui ont été ordonnés et jugés nécessaires ; voire, pource que la médisance susdite avait persuadé à quelques-uns qu’il recevait du profit de ces consultations, il appelle encore tout le monde à témoin si toute cette année, c’est-à-dire depuis qu’il a su que cette supposition se faisait croire à quelques-uns, il n’a pas ôté la boîte qui était destinée pour recevoir les charités que l’on voulait faire aux pauvres, sans que la dépense nécessaire à cet établissement et leur secours en aient été en rien diminués ; [23] de laquelle dépense pourront juger ceux qui considéreront ce que c’est que fournir gratuitement à Paris les remèdes à tous venants.

De sorte que faire perdre le procès aux pauvres malades serait le faire gagner au demandeur, puisqu’il épargnerait par ce moyen (ce qu’il peut dire en vérité) plus de deux mille livres de dépenses qu’il fait par chacun an à cette charité, et que les injures atroces et malédictions continuelles que ses ennemis vomissent contre sa personne et son honneur cesseraient vraisemblablement, n’étant inventées à autre fin que pour la faire cesser. Mais le demandeur ne le désire pas : il oppose le Ciel à la Terre et, comme il a toujours protesté, fait céder en cette cause son intérêt à celui du public et des pauvres qui lui ont été commis. Voire, il se décharge entièrement sur le fait de cette charité sa conscience devant Dieu, et son honneur devant les hommes entre les mains de ses juges, croyant fermement que, comme la royauté est l’image de Dieu en Terre, c’est obéir à Dieu que de se soumettre au Conseil des rois, lui laissant le compte, qu’il doit rendre à la Justice divine, de ses résolutions ; lesquelles, cessant même leur propre intérêt, vont donner la vie ou la mort à une infinité de pauvres malades.

Au grand nombre desquels le demandeur ne pouvant suffire, et les défendeurs ne voulant pas consulter avec lui pour les maladies des dits pauvres, ni souffrir que les autres médecins y consultent, il faut que ces pauvres malades demeurent privés du secours qu’ils viennent chercher en foule chez le demandeur ; lequel, s’il ne peut faire la médecine pour les pauvres, la pourra beaucoup moins faire pour les autres, pour lesquels il l’exerce il y a plus de trente-huit ans, étant docteur en médecine dès l’an 1606 ; et ainsi, la récompense qu’il aura eue pour sa charité sera qu’il demeurera interdit d’exercer sa profession, de laquelle un si long temps d’expérience l’a dû rendre plus capable.

Enfin, pour faire voir clairement que cette cause ne peut être renvoyée au prévôt de Paris, c’est qu’il s’agit d’un conflit de juridiction entre la Cour des monnaies [29] et ledit prévôt de Paris, lequel partant ne peut être juge en sa propre cause.

Monsieur Bidé rapporteur. » [24][30]

Mémoire manuscrit de Guy Patin [b][31]

« L’an 1636,  M. le procureur général, qui est aujourd’hui M. le premier président[32] avertit le doyen de notre Faculté [33] que le roi [34] lui avait envoyé une jussion pour lui faire vérifier au Parlement de Paris qu’il accordait aux Hollandais et au prince d’Orange [35] une chose qu’ils lui avaient très instamment et par plusieurs fois demandée : [25] savoir que les docteurs en médecine qui auraient pris leurs degrés en l’Université de Leyde [36] en Hollande, ville et université toutes huguenotes, [37] et même sans aucune liberté de conscience, pourraient faire la médecine à Paris avec autant de droits, prérogatives et privilèges que ceux de la Faculté de Paris même. [38] M. le procureur général rompit ce coup fort dextrement, et même fort heureusement pour cette grande cité qui est toute catholique ; car si ce dessein des Hollandais eût réussi à leur contentement (à quoi vraisemblablement ils n’étaient poussés que par les huguenots de France), sans doute en moins de cinq ou six ans il y eût < eu > dans Paris au moins deux cents médecins huguenots, < ce > qui eût été un très grand désordre. Ceux de la Religion prétendue souhaitaient cet avantage pour leur parti, en dépit de ce que la Faculté de médecine de Paris, depuis 18 ans en çà, n’en a voulu recevoir aucun qui ne fût orthodoxe et bon catholique, [26][39] et n’a rien voulu donner en ce point, à la recommandation des plus grands du royaume qui s’en sont mêlés ; jusque-là qu’ils furent menacés d’être maltraités du roi pour n’avoir pas voulu déférer à des lettres de cachet [27][40] que cinq huguenots présentèrent tout à la fois l’an 1632. Renaudot, qui a été huguenot et qui ne s’est fait catholique que par un rencontre assez odieux, me donne soupçon sur ce point ; et me fait penser, savoir si ce sien nouvel attentat ne viendrait pas de ce premier dessein des huguenots, qui auraient pu susciter cet homme, voyant que leur dessein du côté de Hollande ne leur avait pu réussir. Causa dubitationis est [28] que parmi cinq ou six de ces jeunes médecins dont il s’est voulu servir pour autoriser et pour faire ses consultations prétendues charitables, il y en a la moitié de huguenots, tels que sont Meyssonnier[41] Pinaud, [42] du Chesne, Nogent, qui n’ont pu être admis à aucun degré de la Faculté de Paris pour leur huguenotisme ; [29] les autres ont été refusés pour leur incapacité ou pour quelque crime, et entre autres un d’iceux pour un vol commis en une maison de cette ville en laquelle il hantait ; dont l’acte se voit au greffe du bailliage de Notre-Dame, [43] contre un nommé Madelain. [30][44]

Iulius Cæsar Scaliger, Medicus ad miraculum doctus, non potuit a schola Burdegalensi, in ea urbe medicinam exercendi facultatem obtinere, sine examine, cuius aleam cum nollet subire, alio divertit[31][45][46][47]

Maître Jean Pidoux, [48] docteur en médecine et doyen de la Faculté à Poitiers, [49] ayant en main des lettres de médecin du roi, comme se vante d’en avoir le Gazetier, et peut-être de meilleures, ne laissa pas, afin de pouvoir pratiquer légitimement à Paris, de se présenter à la Faculté de médecine, et s’y faire approuver par un acte solennel, qu’il y fit l’an 1588, le jeudi 7e d’avril, dont voilà une copie, sous le doyenné de M. Jean Riolan. [32][50] Et est à remarquer que ce M. Pidoux était médecin de Poitiers il y avait vingt ans passés ; et néanmoins, il s’obligea et se reconnut, du jour qu’il fut reçu, le dernier de la Compagnie. [33]

Quand le Gazetier dit que les médecins de Montpellier ont toujours eu pouvoir de pratiquer à Paris et qu’on ne les en a pas empêchés, strenue mentitur[34] Il est vrai qu’on n’a pas toujours intenté procès à tous ceux qui se sont venus fourrer à Paris, si est bien à la plupart. [35] Le sieur de Mayerne Turquet, [51] après avoir fait tous ses efforts pour avoir ce droit à Paris sans l’avoir pu obtenir, quitta la France et s’en alla en Angleterre où il est encore.

Il trouvera quelque chose sur cette matière dans les deux livrets de MM. Moreau [52] et Riolan. [36][53]

Il promet de faire des consultations charitables pour les pauvres en son Bureau d’adresse. Ce serait élever autel contre autel, [37] et faire une nouvelle Faculté de médecine pour peu de choses, puisque Paris est plein de médecins de la Faculté qui voient les malades chacun en leur quartier, sans autre bruit. Chaque paroisse en a de députés pour cela, chaque hôpital, chaque couvent ou monastère d’hommes et de femmes, tant en la ville qu’aux faubourgs de Paris. Ceux qui sont en leur chambre gisant malades sont visités par ceux du quartier. Ceux qui veulent avoir divers avis peuvent venir tous les samedis au bureau de ladite Faculté où quatre députés les attendent pour les secourir, et tout cela gratis, sans avoir la boîte prête de recevoir comme fait Renaudot. [38][54]

De plus, quelle capacité peut avoir Renaudot de fournir des médecins à Paris, autres que ceux de la Faculté, lui qui ne sait pas la médecine et qui se mêle de tant d’autres métiers tout à fait indignes d’un médecin et fort éloignés de la médecine ?

Il fait en son Bureau, ou au moins fait-il faire, chaque lundi des conférences philosophiques. Le mardi, il prétend faire des consultations charitables avec ses associés. Le mercredi il fait le chimiste, il travaille à ses fourneaux, à ses creusets et au feu de réverbère. [39][55][56] Le jeudi il est fripier, il travaille à sa juiverie, [40][57] et fait vendre les habits et autres hardes qui lui ont été baillées pour gage, et sur lesquelles il a prêté argent, Dieu sait à quel degré et avec la permission de qui ! Le vendredi, il fait la Gazette [58] sur tels mémoires qu’il veut ou qu’il peut. Le samedi, il la débite, la fait vendre et la distribue partout où il peut ; même ce jour-là, il la portait autrefois à Rueil [59] et à Saint-Germain, [60] lorsque la cour y était. Le dimanche même il ne se repose pas car il médite ce jour-là tout le mal qu’il fera tout le reste de la semaine.

Avant qu’il fût Gazetier, il tenait des pensionnaires au Puits Certain. [41][61][62] Avant qu’il vînt à Paris, il était maître d’école à Loudun. [42][63] Quel droit a-t-il donc de vouloir ériger une nouvelle Faculté à Paris, vu qu’il ne fit jamais guère la médecine et qu’il ne la sait pas encore ?

Dès qu’un écolier a étudié six mois ou un an en médecine, qu’il s’en aille à Montpellier : savant ou non, on lui donnera ses degrés, avec des bulles de docteur, en prenant son argent. [64][65] Et c’est de ces jeunes docteurs qu’on dit à Montpellier : Tu es assez bon pour la campagne, vade et occide Caim ; [43] comme disent les professeurs à Padoue [66] des Allemands qui viennent s’y faire passer docteurs, et qui in patriam suam remittuntur atque revertuntur bullati, Accipimus pecuniam, et mittimus asinos in Germaniam[44]

Qu’un docteur de Montpellier s’en aille à Toulouse, [67][68] à Reims, [69] à Bordeaux, [70][71] à Aix, [72][73] à Valence, [74] à Cahors, [75] à Caen, [76] il ne lui sera pas permis d’y pratiquer si auparavant il ne s’y fait agréger, à cause que ces villes ont droit d’Université. [45] Et qui est encore bien pis, Lyon, [77] Rouen, [78] Amiens [79] et plusieurs autres villes de France qui ont obtenu droit de Collège, n’admettent pas un médecin de Montpellier s’il n’a de nouveau subi un examen par devant ceux de la ville et Messieurs les magistrats, afin qu’on ne soit pas surpris, comme il est quelquefois arrivé, par ces jeunes gens qui pour toute science n’avaient que des lettres de docteur en leur pochette, et fort peu de doctrine dans leur tête.

Quel droit aura donc le Gazetier d’installer ces jeunes gens à Paris, sans suffisance et sans expérience, vu que lui-même n’a pas en soi les conditions requises pour y être admis ? C’est infailliblement exposer Paris à une ruine manifeste et évidente. C’est à vous, Messieurs, à y prendre garde, qui estis custodes et vindices publicæ salutis[80][81]

Ætheriam servate deam, servabitis urbem[46]

j’entends la Faculté de médecine de Paris avec ses droits, ses privilèges et ses prééminences anciennes et légitimes, laquelle n’admet personne à ses degrés qui n’ait passé maître ès arts en l’Université, qui n’ait étudié quatre ans entiers après, pour être reçu bachelier, qui ensuite n’ait disputé deux ans durant sur les bancs ; qui, après un rude examen, est fait licencié [82] et enfin, ne passe docteur [83] et ne jouisse des droits de l’École qu’après huit années d’études et de poursuites. [47] Si ceux de Montpellier, qui confèrent tous leurs degrés en 15 jours, étaient aussi rigoureux, ou au moins plus soigneux de la santé publique, on ne verrait point en la campagne tant de désordres par l’ignorance de ces jeunes médecins qui cum artem quam profitentur, ignorent, summo humani generis incommodo artem suam discunt, et experimenta per mortes agunt[48][84] Sommes-nous, Messieurs, maximas olim res publicas ab adolescentibus labefactatas, a senibus sustentatas fuisse ? À celui qui demandait Cedo, qui vestram Remp. tantam amisistis tam cito ? un autre lui répondit Proveniebant oratores novi, stulti adolescentuli ; [49][85] ce qui se peut fort bien appliquer à tant de jeunes médecins qui passent sous la cheminée et à la petite mode, [50] et à Montpellier et ailleurs. 

Maître André Du Laurens [86] avait étudié à Paris cinq ans sous Louis Duret, [87] s’en alla passer docteur en Avignon, [88][89] se mit à faire la médecine à Carcassonne ; [51][90] et comme il y était, un professeur de Montpellier étant mort, M. Du Laurens eut don de cette chaire vacante par brevet du roi Henri iii[91] avec lequel brevet s’étant transporté à Montpellier pour prendre possession de la chaire vacante, il en fut empêché ; et ne put en venir à bout qu’après avoir pris de nouveau ses degrés à Montpellier et s’y être fait agréger. Si M. Du Laurens, qui était un habile homme, s’est soumis à toutes ces formalités dans Montpellier, que ne devrait pas faire le Gazetier pour avoir le droit de faire la médecine à Paris ?

On passe des docteurs à Montpellier de deux façons, savoir à la grande et à la petite mode. Ceux de la grande sont les professeurs qui y enseignent et qui pratiquent dans la ville. Ceux de la petite mode sont ceux qu’on appelle docteurs bottés, passés sous la cheminée, doctores bullati[52][92] qui, après avoir séjourné fort peu de temps dans Montpellier, s’en retournent en leur pays avec leurs lettres scellées du sceau de l’Université, sans en être d’un seul point ni plus sages ni plus savants. À ces derniers il est défendu de demeurer dans Montpellier, ils n’ont nul droit d’y faire la médecine. On ne les y fait docteurs, on ne leur y confère ce titre qu’à la charge qu’ils retourneront en leurs provinces, avec ces mots qu’on leur dit : Vade et occide Caim, c’est-à-dire cordeliers[93] augustins[94] jacobins et frères mineurs. [53][95][96][97] Le Gazetier, s’il est vraiment docteur, ne l’est qu’à la petite mode, il n’a pas droit lui-même de pratiquer dans Montpellier d’où il se dit docteur. Quel droit pourra-t-il donc avoir à Paris, la plus ancienne et la plus fameuse Université de l’Europe ? Quo iure faciantur Parisiis levioris eiusmodi armaturæ milites, qui in proprio loco unde originem et dignitatem suam repetunt, nihil quisquam habent auctoritatis ? [54]

Sur la fin de son plaidoyer, ne fera-t-il pas une récapitulation de tous les souverains chefs de notre bon droit ? [55]

Il n’est pas besoin à Paris d’autres médecins que de ceux de la Faculté, laquelle étant composée de six-vingts très savants hommes suffit à cette grande cité, [56][98] et en son tout, et en ses parties jusqu’aux moindres. Ils font la charité toutes les semaines en leurs Écoles, tous les samedis ; chacun d’eux voit ceux de son quartier ; chaque paroisse en a un de retenu et député pour les pauvres de la paroisse ; chaque hôpital, tant d’hommes que de femmes, a ses médecins ; [57] chaque couvent ou monastère est aussi fourni. Et n’y a aucune plainte de personne contre eux. Et quand ainsi serait que cette Faculté eût besoin de quelque réforme, le Gazetier, qui s’est toujours mêlé d’autres métiers tout à fait indignes d’un médecin, qui doit être un honnête homme, pourrait-il s’acquitter de cette commission ?

Il dit qu’il est médecin du roi : il peut avoir des lettres de médecin qu’on appelle ad honores[58][99] comme il y en a quatre mille en France qui néanmoins ne prétendent rien sur la Faculté de Paris ; il n’a ni gages, ni appointements du roi, ni ne lui sert actuellement, < et > n’a jamais été appelé à la cour pour le roi, la reine, etc.

Si le Gazetier venait à bout de son dessein, Paris serait plein de médecins ignorants et huguenots avant qu’il fût deux ans, en haine de ce que la Faculté de Paris n’en admet aucun depuis 18 ans.

Le Gazetier se vante que s’il perd son procès, il épargnera deux mille livres de rente, qui est la somme qu’il emploie tous les ans à faire ses charités. Je ne sais si je le dois croire quand il vante si fort sa libéralité, vu la boîte qu’il fait tenir par un des commis de son bureau à l’entrée de sa salle. [59] Mais il ne devrait pas s’empêcher d’une si bonne action : les médecins de Paris n’ont pas dessein de l’empêcher de bien faire, ils veulent seulement l’empêcher de faire ici la médecine puisqu’il est docteur de Montpellier, vu qu’à Montpellier même il n’a pas ce pouvoir-là.

Il faut voir Anne Robert [100] à la fin de son plaidoyer contre Hureau, [101] qui était un charlatan, qui fut condamné à Paris. Liv. i. chap. v[60]

Les offres et les promesses que fait le Gazetier pour sa charité ressemblent aux cyprès : [102] elles sont belles et grandes, mais elles ne portent aucun fruit. [61]

Un prêtre reçoit un pouvoir indéfini de celui qui lui confère l’ordre, qui est déterminé et défini par la juridiction que lui donne l’évêque dans le diocèse duquel il s’habitue. Il en est de même des docteurs de chaque faculté.

Il dit qu’il y a 200 médecins à Paris outre ceux de l’École. Hormis ceux qui suivent la cour, il n’y en a pas dix. Cette proposition ressent le Gazetier, qui dit qu’il y a quatre mille Espagnols sur la place lorsqu’il n’y en a qu’une douzaine. [62]

Il dit qu’il n’y a que les jeunes docteurs qui s’opposent à sa charité et au pouvoir qu’il prétend : cela est faux, par le nombre même des anciens que voici en grand nombre.

Il dit que le nombre de six-vingts médecins ne suffit pas à Paris qui est si grande ville. C’est chose certaine que personne ne manque de médecins ; mais posé qu’il en fallût un plus grand nombre, quel droit a le Gazetier de les introduire et autoriser ? Tous les deux ans il s’en présente nombre notable, mais nous n’en choisissons que les meilleurs et renvoyons les autres pour s’amender[63]

Il dit qu’il faut à Paris des médecins de diverses provinces à cause du peuple qui y afflue de diverses provinces ; aussi la Faculté est-elle composée de divers provinciaux, de tous les endroits de la France. [64]

Dès qu’un docteur à la petite mode a passé à Montpellier, il s’en retourne en son pays où, néanmoins, il n’est pas < sic > admis à faire la médecine qu’après s’être fait approuver par le juge du lieu tout au moins ; et le plus souvent, y est derechef interrogé et puis agrégé, comme il se pratique à Rouen, à Amiens, à Dijon, [103] à Lyon, à Tours, [104][105] à Chartres, [106][107] et ailleurs ; [65] et ce très prudemment, de peur de surprise et que quelque charlatan ne se fasse autoriser par quelques fausses bulles. Pourquoi Paris, siège de nos rois et d’un grand et auguste Parlement, la demeure de tant de princes, seigneurs et grands officiers de la Couronne, sera-t-il de pire condition que les autres villes ? Pourquoi le Gazetier aura-t-il droit d’introduire des médecins à Paris où il y a une Faculté de médecins très savants, etc. qui peuvent en doctrine être opposés aux plus éminents de l’Europe ?

Un médecin de Montpellier, s’étant voulu habituer à Rouen, en fut débouté par arrêt de la Cour pour avoir manqué à quelque formalité, et cela en l’an 1643. Or, si le Gazetier avait ce qu’il prétend, il n’y a personne qu’il n’autorisât, pourvu qu’il pût faire dépit aux médecins de Paris qui en tout ceci n’ont pas tant d’intérêt que toute la ville même, à laquelle, Messieurs, vous ne devez donner que des médecins approuvés et sans aucun reproche.

M. Chenvot [66][108] est prié d’insister, pour la Faculté de médecine de Paris, que si le Gazetier avait droit en sa demande, toutes les conditions, tous les métiers, tous les artisans de Montpellier et des autres villes pourront venir demeurer à Paris sous ombre de charité, dorénavant, qui est un désordre horrible et pernicieux.

On dit qu’au Gazetier se sont joints quelques médecins qui sont ici, se disant de Montpellier. Ôté six ou sept qui sont des privilégiés, chez le roi ou M. le duc d’Orléans [109] et autres princes, je ne crois pas qu’il y en ait quatre en tout Paris qui, à tout prendre, n’ont de droit non plus que le Gazetier. [67] Tous les autres se donnent ce degré faussement, par les artifices du Gazetier, pour colorer leur peu de suffisance ou pour cacher les vices et les imperfections de leur personne.

L’an 1641, le Gazetier fit deux libelles diffamatoires contre des docteurs de notre Compagnie ; et puis, aidé de la faveur du temps, il fit faire commandement par M. le cardinal qu’on n’écrivît plus de part ni d’autre. [68] Et tout de nouveau, il a fait un autre livre tout pestilent, plein d’injures atroces, calomnies, faussetés contre notre École en général, et en particulier contre le doyen et le censeur de l’École, [69][110][111] et plusieurs autres docteurs, tous savants et gens de bien.

Quelle apparence que la Faculté reçoive les deux fils d’un homme, le plus pernicieux ennemi qu’elle eût jamais, tandis qu’il menace de la ruiner ? Lui qui, dans son second libelle, désavoue ses enfants d’en avoir voulu être, et qui ne veut plus qu’ils en soient. Eux aussi, qui ont consenti et prêté la main à toutes les violences de leur père, qui ont donné des mémoires contre nous, qui ont porté deçà et delà, et qui ont publié les libelles diffamatoires de leur père contre l’honneur de la Faculté. [70]

Il y a un arrêt de la Cour, du mois d’août, l’an 1642, en leur faveur, que ne s’y tiennent-ils ? Nous avions promis au cardinal de Richelieu de les recevoir à la charge que leur père nous ferait satisfaction ; et lui nous le promit, et qu’il serait notre garant. Ce garant est mort, le père n’a rien fait de ce qui nous était promis : il a continué d’entreprendre sur nos privilèges ; il a continué ses libelles diffamatoires qui ne méritent rien moins que le fouet. » [71][112]

Verdict et suites

L’arrêt irrévocable du Parlement prononcé le 1er mars 1644 rejeta l’appel de Théophraste Renaudot, ce qui lui interdisait définitivement de poursuivre ses activités médicales parisiennes, et ordonna à la très salubre Faculté de proposer un règlement officiel des consultations charitables qu’elle avait créées en 1639. [72][113]

Théophraste Renaudot se replia sur les activités commerciales du Bureau d’adresse ; principalement la Gazette, qu’il mit jusqu’à sa mort, en 1653, au service du nouveau pouvoir, [41] représenté par Mazarin [114] et la reine régente, devenue reine mère [115] à la majorité de Louis xiv en septembre 1651. [116]

La victoire de la Faculté fut brève. Aiguillonnés par la rage de venger l’affront, ses adversaires grossirent leurs troupes pour engager deux campagnes : l’assaut de l’Université de Montpellier contre la Faculté de Paris, lancé par Siméon Courtaud, [117] avec son Oratio du 21 octobre 1644 ; [73] et surtout la guerre stibiale, dont les braises avaient toujours rougeoyé depuis 1556, mais que le Sentiment des signeurs de l’antimoine relança le 26 mars 1652, [118] pendant le décanat calamiteux de Patin. [119] Elle s’acheva en 1666 par la déconfiture des anciens ennemis du Gazetier. Son fils, Eusèbe Renaudot, fut l’un des héros de cet affrontement sans pitié en publiant L’antimoine triomphant, l’antimoine justifié (1653). [74][120]

Par delà leurs aspects personnels, certes émouvants, mais anecdotiques, les luttes qui ont opposé Renaudot à la Faculté de Paris font partie du progrès scientifique car elles ont permis à la médecine de passer, douloureusement mais salutairement, de l’obstination dogmatique à l’expérimentation rationnelle.

Le Gazetier a fait plus qu’importer le journalisme et la bienfaisance laïque en France.


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