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Éditions avortées des Lettres et destruction partielle de leurs manuscrits en 1895

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe. Éditions avortées des Lettres et destruction partielle de leurs manuscrits en 1895

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8033

(Consulté le 28/03/2024)

 

Projet avorté d’édition en 1769

Le manuscrit Bnf fr no 9357, fo 378, est une lettre de Johann Heinrich Samuel Formey, [1] secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Prusse, adressée « à l’auteur du Mercure de France », [1] datée de Berlin, le 28 octobre 1769 :

« Monsieur,

En relisant, il y a quelque temps, les lettres de Guy Patin, je trouvai qu’elles m’intéressaient encore plus qu’elles n’avaient fait il y a une trentaine d’années, sans doute parce qu’elles me fournissaient l’occasion de me rappeler un plus grand nombre d’anecdotes historiques et littéraires, dont j’ai acquis la connaissance depuis ce temps-là ; mais en même temps, je fus choqué de la multitude prodigieuse de fautes qui s’y trouvent, principalement dans les noms propres et dans les mots grecs. Cela m’a fait naître l’idée d’en procurer une nouvelle édition qui, si je ne me trompe, ne serait pas désagréable au public. Je la mettrais dans l’état le plus correct que je sois capable de lui procurer, et je l’enrichirais d’un bon nombre de notes de littérature et de critique. Je fondrais en même temps toutes les lettres, tant à M. Falconet et à M. Spon, qu’aux autres correspondants, en les rangeant suivant l’ordre. Les éditions que je possède sont :

  1. Lettres choisies etc., augmentées de plus de 300 lettres dans cette dernière édition, et divisées en 3 volumes, à Rotterdam, chez Reinier Leers, 1725, in‑12 ;

  2. Nouveau recueil de lettres choisies, qui font les tomes 4e et 5e de la collection précédente ; je crois cette édition faite en France ;

  3. Nouvelles lettres de feu Mr Guy Patin, tirées du cabinet de Mr Charles Spon, etc. à Amsterdam chez Steenhouwer et Uytwerf, 1718, 2 vol. in‑12.

Je vous prie, Monsieur, d’annoncer mon dessein, afin que Mrs les libraires en aient connaissance et se chargent de l’entreprise si elle leur convient. Je voudrais que l’exécution typographique fût aussi élégante qu’il se pourra. J’invite aussi ceux d’autres gens de lettres qui voudront bien me donner leurs conseils, ou me fournir leurs observations, à le faire : je profiterai de ces secours avec une reconnaissance dont je donnerai des témoignages publics ; et comme la correspondance directe serait trop coûteuse, les uns et les autres auront la bonté de s’adresser à mon ami et confrère Mr Demachy, de l’Académie royale de Prusse, maître apothicaire faubourg Saint-Germain, rue du Bac ; [2][2] il écoutera les propositions qui lui seront faites, et recevra les lettres qui lui seront remises à ce sujet. Je souhaite en particulier qu’on m’apprenne s’il y a des éditions de ces lettres meilleures que celles que j’ai indiquées.

Si vous ne refusez pas, Monsieur, de vous intéresser au succès de cette annonce, j’augurerai bien de sa réussite et je vous en serai fort obligé. J’ai l’honneur d’être avec toute la considération possible,
Monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur,

Formey, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Prusse.
À Berlin, le 28 octobre 1769.  »

Viennent ensuite (fos 379‑381) une note et une lettre de la même plume, non datées, en réponse à la lettre de Formey.

La note, intitulée Remarques adressées à Monsieur Formey, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Berlin, par Mr Gobet[3] concerne les sources imprimées qui pourraient l’aider dans son projet, [3] avec ce post-scriptum :

« Il me vient une idée, Monsieur, si vous faites imprimer Patin : c’est de me communiquer vos notes littéraires ; ou bien de me donner un état des choses que vous ne sauriez pas, parce qu’étant ici à Paris, et vous à Berlin, je puis savoir les faits peut-être plus commodément que vous, étant assez instruit des anecdotes littéraires ; je ne veux pour cela vous priver du plaisir de donner l’édition, mais vous dire ce qui m’est connu. Les livres sur la biographie, sur la géographie, l’histoire et la chronologie devraient être faits par tous ceux qui ont des connaissances relatives à ces sciences ; nous trouverions plus d’exactitude dans ces sortes d’ouvrages. »

La lettre est incomplète, mais enthousiaste :

« Monsieur,

J’ai eu communication d’une de vos lettres adressées à l’auteur du Mercure de France, datée du 28 octobre dernier, par laquelle j’apprends avec plaisir que vous vous préparez à donner une nouvelle édition des lettres de Guy Patin, avec des notes littéraires. Je souhaite très fort, Monsieur, que votre projet s’exécute, quoique peut-être ce ne soit pas l’avis de beaucoup de gens de lettres qui ne paraissent pas partisans de Guy Patin. On le regarde ordinairement comme un gazetier littéraire qui annonce à ses amis tous les livres nouveaux et les bruits populaires, qui déclame sans cesse contre l’antimoine et ses adhérents ; il est vrai que cela est un peu fondé, mais en même temps, on peut dire à sa louange que ses lettres sont écrites d’un ton jovial et ouvert, qu’elles contiennent des anecdotes singulières, des idées plaisantes, et beaucoup de faits curieux aux yeux d’un philosophe et d’un historien. Ces nouvelles populaires dont son livre est rempli sont intéressantes : il est aussi curieux de connaître le peuple dans ses préjugés que la vérité d’un fait historique. Quand on fera l’histoire du Siècle de Louis xiv, on cherchera dans les dépôts publics les dates et la marche des grands événements de son règne, mais Guy Patin servira à donner le caractère d’un peuple ignorant les desseins du prince et de son ministère, et qui cependant veut les juger. On sait d’ailleurs par des exemples anciens et modernes que les sensations populaires souvent sont l’effet des intrigues sourdes d’un chef de parti. Les allures du cardinal de Retz, la conduite du duc de Beaufort dans Paris, démontrent assez ce que j’ai dessein de vous écrire : il est important de connaître à quel degré d’enthousiasme on peut entraîner une populace ; Guy Patin alors en sera historien ; que nous importe le caractère personnel de ce médecin ? s’il nous est utile à juger.

Je crois, Monsieur, que ces lettres seront très utiles au public, surtout si vous corrigez les noms propres, les titres des livres, les mots grecs, etc. En quoi je vous donnerai tous les secours qui dépendront de moi, avec le plus grand plaisir du monde. J’ai lu plusieurs fois ces lettres ; elles m’ont toujours amusé ; mon projet était même d’en faire une édition dans la suite, ce que personne ne pouvait guère exécuter que moi en France, étant possesseur du manuscrit original de Guy Patin que M. Mahudel a publié en 1718 en deux volumes. [4][4] J’ai les lettres originales signées de Patin telles que Charles Spon les a reçues. J’ai plusieurs autres ouvrages qui sont relatifs à ses lettres, dont je vous envoie aussi la notice. Il y a quelques lettres du même auteur répandues dans différents recueils qu’il serait facile de chercher pour joindre à cette collection. Je vous offre, Monsieur, tout ce que j’ai en communication, et même je consens avec plaisir que vous en fassiez faire des copies, très aise de pouvoir vous obliger et être utile aux gens de lettres. Il y a dans ces lettres de Guy Patin une faute de tous les éditeurs, que j’ai remarquée il y a longtemps, et que le manuscrit original m’a ensuite démontrée : ces lettres étaient écrites par l’auteur en plusieurs intervalles à ses amis ; une lettre était huit ou quinze jours sur son bureau, tous les jours il écrivait et datait sa nouvelle ; on a mal à propos ôté ces dates pour en laisser une seule, autre occasion d’attribuer à Patin des anachronismes qu’il n’avait pas faits.

Je ferais pour votre édition tout ce que j’ai fait pour la nouvelle édition de Leibnitz que Monsieur Dutens, [5] ami de Monsieur de La Grange, votre confrère et le mien, a donnée chez les frères Tournes, à Genève ; [5] et quoique mon nom ne soit pas encore connu dans la république des lettres, je n’en suis pas moins un curieux qui sera flatté d’avoir le plaisir de vous obliger dans toutes les collections littéraires que vous ou vos amis pourront donner, persuadé que vous voudriez bien me faire le même plaisir si l’occasion se présentait ; ce que vous et moi, Monsieur, ne pouvons prévoir, mais que le temps peut nous procurer à l’un ou à l’autre. Je suis très parfaitement » (la suite fait défaut).

Destruction de lettres manuscrites par un incendie en 1895

Le travail de Formey n’eut pas de suite immédiate, mais on en retrouve la trace dans une catastrophe survenue en 1895 (Vuilhorgne, page 87, appendice B) :

« En ce qui concerne la correspondance autographe de Guy Patin, nous dirons qu’il y a quarante ou cinquante ans environ, il y eut parmi nos savants de premier mérite, une ardente émulation à qui donnerait au public le meilleur texte des lettres de G. Patin ; mais une fatalité désastreuse a mis tout à coup à néant tous les matériaux recueillis en vue d’une édition définitive de la correspondance patinienne. Copies de lettres, notes amassées en vue de cette publication, si impatiemment attendue, ont été détruites le 9 juillet 1895 dans l’incendie de la belle bibliothèque de feu M. Tamizey de Larroque (mort fin mai 1898), [6] correspondant de l’Institut.

M. L. Delisle, [7] membre de l’Académie des Inscriptions, toujours si empressé à seconder le zèle des laborieux chercheurs, a bien voulu nous adresser à ce sujet la très intéressante lettre que nous donnons ici en partie. Cette lettre, datée du 13 juillet 1895, quatre jours, par conséquent, après le déplorable événement dont nous parlions tout à l’heure, est de M. Tamizey de Larroque lui-même.

“ Je comptais donner à la Bibliothèque nationale un recueil manuscrit qui lui revenait de droit car il avait été préparé par trois savants de la Maison : MM. Benjamin Guérard, Ravenel et Taschereau. Je veux parler des Lettres de Gui Patin, transcrites d’après les autographes du département des manuscrits, de la main de M. Guérard, [8] annotées par M. Taschereau [9] et surtout par M. Ravenet. [10] C’est ce dernier, avec lequel j’ai été très lié, qui m’avait remis ces précieuses liasses en vue de l’édition que je préparais avec mon ami M. de Montaiglon, [11] et pour laquelle j’avais déjà réuni tant de notes qui complétaient celles de mes devanciers… ” [6]

Maintenant, on est en droit de se demander quand et comment surgira cette édition complète, véritablement princeps, préparée autrefois par Formey, terminée, quant à la copie sur les autographes, par M. Guérard, et qui est encore, on sait malheureusement trop pourquoi, à refaire ? Vienne ce patient éditeur : nous l’appelons, quant à nous, de tous nos vœux ! »

L’essentiel n’est pas entièrement parti en fumée

Fort heureusement, les trois recueils de la BnF (fr nos 9357 et 9358, et Baluze no 148) n’étaient pas entre les mains de Tamizey de Larroque et ont échappé aux flammes : ils contiennent 483 lettres françaises écrites par Patin, dont une seule, datée du 23 septembre 1661 était adressée à André Falconet.

La destruction partielle des manuscrits en 1895 n’a pas été une catastrophe irréparable car les précédents éditeurs des Lettres avaient déjà fait imprimer l’essentiel de ce qui a alors été perdu : le plus éminent mérite de Joseph-Henri Reveillé-Parise [12] est d’avoir publié en 1846 les 836 lettres françaises de Patin dont il avait connaissance, incluant toutes celles qui sont adressées à André Falconet, dont les manuscrits ont été les principales victimes de l’incendie. Par comparaison, notre édition compte 1 034 lettres françaises actives de Patin, dont 428 à Falconet.

Un article intitulé Lettres de Guy Patin figure dans le rapport annuel de la Société de l’histoire de France que son secrétaire, M. J. Desnoyers, a présenté lors de l’assemblée générale du 4 mai 1846, et qui a été publié dans son Bulletin (années 1845-1846, Paris, Jules Renouard et Cie, no 7, mai-juin 1846, page 289) : [7]

« Une publication, correspondant encore [8] au règne de Louis xiii, au ministère de Mazarin et aux premiers temps de xiv, devait comprendre les lettres de Guy Patin. Tout le monde connaît ce doyen de la Faculté de médecine de Paris, ce professeur du Collège de France qui confondait presque, dans son aversion et dans ses épigrammes [9] sanglantes, les jésuites, les apothicaires, Mazarin et l’antimoine. Sa correspondance avec plusieurs médecins célèbres de son temps, surtout avec Belin, Spon et Falconet, renferme une assez grande variété d’anecdotes politiques, de renseignements bibliographiques et littéraires, et presque toujours elles sont écrites d’un style piquant, original, incisif, qui rappelle Rabelais. Cette collection forme déjà, dans les éditions anciennes, sept volumes in‑12, et il est resté un très grand nombre de lettres inédites, surtout des lettres latines. M. J. Taschereau [6] ayant fait savoir au Conseil qu’à l’aide des manuscrits autographes de ces lettres conservés à la Bibliothque royale, il avait préparé tous les travaux d’une édition nouvelle de la Correspondance de Guy Patin, cette publication fut favorablement accueillie. Mais en même temps, un autre éditeur, M. Reveillé-Parise, a fait paraître, à la librairie de M. Baillière, le 1er volume d’une édition du même ouvrage qui doit en comprendre trois et se terminer avant la fin de cette année. Il serait prématuré de décider, avant la terminaison de l’ouvrage, si cette édition doit faire renoncer entièrement la Société à la publication projetée ; mais il ne serait pas moins imprudent, pour ses intérêts financiers, de la continuer en concurrence avec celle qui a pris les devants. Aussi, sans rien préjuger du mérite de la nouvelle édition entreprise par un médecin connu par son esprit distingué, le Conseil a eu le regret d’ajourner provisoirement celle qu’il avait d’abord décidée. »


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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