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Un manuscrit inédit de Guy Patin contre les consultations charitables de Théophraste Renaudot

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Un manuscrit inédit de Guy Patin contre les consultations charitables de Théophraste Renaudot

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8062

(Consulté le 20/04/2024)

 

Le Collège de France [a] conserve un commentaire manuscrit de Guy Patin sur la Réponse de Théophraste Renaudot au libelle fait contre les consultations charitables pour les pauvres malades (Paris, 1641). Il l’a écrit à l’intention de René Moreau, auteur caché de la Défense de la Faculté de médecine de Paris, contre son calomniateur (Paris, 1641). [1][1][2][3]

« Quand Renaudot parle, il dit des faussetés ou des mensonges, ou bien des sottises : et ideo [2] peut-on dire de lui ce qu’on disait de Nostradamus :

Nostradamus cum verba damus, nam fallere nostrum est,
Et cum verba damus nil nisi nostra damus
[3][4]

Quand il < vous > appelle fils d’un paysan de cent lieues d’ici, [4] outre qu’il est faux, ce n’est pas un déshonneur : Cato in proæmio libri de Re rustica ad filium : Virum bonum cum laudabant, ita laudabant, bonum agricolam, bonumque colonum : amplissime laudari existimabatur, qui ita laudabatur[5][5]

Quand il vous reproche votre pays et votre naissance, combien qu’à tous deux il n’y ait qu’honneur, on peut lui dire ce que Baudius in Epistolis, a dit d’Érasme, Non est nostræ spontis, neque optionis, ut legere possimus ad fastum parentes, aut patriam : æquo animo non solum habendi, sed et colendi sunt, quos Dei benignitas nobis assignavit. Quamquam non video, cur Erasmum ortus sui pudere aut pænitere debeat, etc[6][6][7] Horace même a dit lib. i sermonum epistola 6 :

Atque alios legere ad fastum quoscumque parentes[7][8]

Page 60, il a refait la feuille car il vous y appelait par ci-devant fils d’un paysan de cent lieues d’ici ; et maintenant il dit que vous êtes du pays dont les clercs boivent mieux qu’ils n’écrivent ; [8] qui est une allusion tirée de certains vers que Bautru [9] fit et envoya à M. Thomas Le Clerc, [10] commis de M. de Puisieux, secrétaire d’État. [11][12] Une autre fois, prenez plus de délai, votre impromptu n’a pas le mot pour rire : [9] vous êtes de Montreuil-Bellay, [13] vous buvez mieux que ne savez écrire.

Page 35, il parle de ce grand homme d’État, que vous n’avez pas nommé, et en un autre, de ce jurisconsulte : je pense qu’il faut, en lui montrant son ânerie, les lui nommer tous les deux dorénavant. [10][14][15]

Page 63, il dit que Galien fut bienvenu à Rome : Galien dit tout le contraire en plusieurs endroits. [11]

Page 45, il mérite d’être bien berné quand il se compare à Celse, Fracastor, Scaliger, Cardan, qui ont été des plus grands hommes qui furent jamais : c’est faire comparaison d’un escargot à quatre éléphants. [12][16][17][18][19]

Page 27, il se compare insolemment à saint Paul, saint Augustin, et au cardinal Duperron, en ce qu’il a quitté le calvinisme : combien que ces grands hommes n’aient jamais quitté l’hérésie pour des causes vilaines et criminelles comme lui. [20][21][22][23]

Là-même, il dit que vous n’avez pas de religion. [13] Un homme patient peut tout endurer par charité ; hormis le reproche qu’on lui fait quand on le touche en sa religion ; celui-là ne se doit pas endurer. C’est ce que j’ai autrefois ouï dire à un grand personnage.

André Du Laurens avait étudié 7 ans à Paris, écolier et pensionnaire de Louis Duret ; puis passa docteur à Avignon ; fecit Medicinam à Carcassonne, puis vint à Montpellier, où il disputa une chaire, laquelle il emporta par arrêt du Conseil et par la faveur de Henri iii ; nonobstant lequel il eut encore besoin d’un arrêt de Toulouse, prononcé par le premier président, M. Duranti, qui lui dit entre autres ces mots : quia fuisti bis Doctor, tu eris bis regens[14][24][25][26]

Page 33, sur ces mot, la modicité de ses biens : ô que ce maraud mérite d’être berné en la réfutation de ce mensonge ! lui qui a été misérable jusques après avoir été Gazetier[15]

Les médecins de Paris ne s’opposent pas à la charité de Renaudot, laquelle n’est d’aucun fruit, ni de conséquence ; mais au dessein qu’il a contre eux, non pas pour les ruiner comme il fait semblant de le désirer, car ni lui ni d’autres ne le peuvent faire (tant que Paris durera, la Faculté de Paris durera, tant par son propre mérite que pour le besoin qu’en a cette grande ville), mais pour dresser et ériger au milieu de Paris un bureau de médecins, ou soi-disant tels, ramassés de différents endroits, ne dicam ex fœda colluvione gentium ; [16][27] desquels tous ramassés en un même corps comme en une synagogue, Renaudot soit le Caïphe, ou le Pilate. [17][28][29][30]

Que sa charité ne soit pas à craindre, inde patet[18] qu’il proteste partout que ce n’est que pour donner soulagement aux pauvres : ce que nous désirons extrêmement et aussi bien que lui, et que nous faisons tous les jours mieux qu’il ne fera jamais, ni lui ni tous les bourreaux de son adresse. [19] Et plût à Dieu que Renaudot, par ses belles et jolies inventions, dont il se vante avoir si belle foison, et par tant d’autres petits métiers qu’il dit si bien savoir, pût guérir tous les malades et enrichir tous les pauvres gens que la longueur de la guerre a réduits à la mendicité. Mais nous ne voyons aucun effet de ses belles promesses : si R. avait tant de pouvoir comme il se vante, 1. il paierait ses dettes, d’offices et de mariages de ses enfants, pour lesquelles il est obligé ; < 2. > il deviendrait plus sage, plus modeste, moins médisant. Et s’il était aussi excellent médecin qu’il veut nous faire accroire, 1. il guérirait son furieux et misérable nez de gazette, et en chasserait les mites et les vers qui s’y promènent à douzaines ; [20][31] 2. il se délivrerait des écrouelles et de la vérole qui le ronge. [32][33]

Il y aura de quoi craindre au fait de R. pour les médecins de Paris et autres gens de bien, tels qu’ils sont, quand ce bourreau d’adresse guérira toutes sortes de maladies, et principalement les incurables, telles que sont l’apoplexie, etc. ; [34] et le tout à meilleur marché qu’ils ne font, mais il n’en prend pas le chemin car il ne parle que de secrets, de chimie, etc. [35] Non semel quædam sacra traduntur ; Eleusis servat quod ostendat revisentibus. Seneca lib. 7 nat. quæst. cap. 31. [21][36][37]

Pugillatu decertare omnibus nocivum est, supra turpitudinem enim etiam damnum significat. Nam et facies indecora inde fit, et sanguis effunditur, qui argentum esse judicatur. Bonum autem est somnium hoc solis his qui ex sanguine victum quærunt, nimirum medicis, laniis, cocis et victimariis. Artemidorus lib. i. Oneirocrit. cap. 63[22][38][39]

Le Gazetier est un caméléon, [40] jejunus semper et indefessus : oscitans vescitur, follicans ruminat, de vento cibus. Tamen et chamæleon mutare totus, nec aliud valet ; nam cum illi coloris proprietas una sit, ut quod/quid accessit inde suffunditur ; hoc soli chamæleonti datum, quod vulgo dictum est, de corio suo ludere. Tertullianus de pallio ante medium. » [23][41]


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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