À Claude II Belin, le 18 octobre 1630, note 1.
Note [1]

Pour Furetière, la Peste est une :

« maladie contagieuse et ordinairement mortelle ; < elle > est appelée par Galien bête sauvage, ennemie mortelle de la vie des hommes, des animaux, et même des plantes et des arbres. {a} On l’appelle épidémie, quand la corruption vient de l’air, qui fait mourir en peu de temps et en peu de lieu une grande quantité de peuple. La peste est accompagnée de fièvre, bubons, charbons, pourpre, {b} flux de ventre, délire, frénésie, douleur mordicante d’estomac, palpitation de cœur, {c} pesanteur de membres, et de tant d’autres accidents qu’à peine peut-on voir deux malades qui aient les mêmes symptômes ; ce qui lui a fait donner divers noms, comme fièvre pestilente, caguesangue, {d} coqueluche, sueur anglaise, trousse-galant, bosse, charbon, pourpre, etc. La peste, suivant l’opinion de Willis, est un venin qui se répand en l’air, qui s’attaquant aux esprits, au sang, au suc nerveux et aux parties solides, les remplit de pourriture, de taches, de pustules, de bubons et de charbons. {e} M. Le Duc, médecin français, pour se garantir de la peste, appliquait quatre crapauds séchés sur les aines et sous les aisselles, qui lui servaient de vésicatoires. {f} Le vrai remède contre la peste, c’est de fuir de bonne heure et de revenir tard. La peste, la guerre et la famine sont les trois fléaux de Dieu. David choisit pour son châtiment trois jours de peste. La peste fait de grandes désolations dans les pays chauds ; cependant, la peste est une maladie inconnue aux Indiens, mais ils ont d’autres maladies dangereuses et pires. »


  1. Je n’ai pas trouvé ce surnom de la peste dans Galien, mais Furetière empruntait au xxiie livre des œuvres d’Ambroise Paré, « traitant de la peste », chapitre i, Description de la peste, page 816 (édition de Paris, 1628, v. note [15], lettre 7) :

    « Peste est une maladie venant de l’ire de Dieu, furieuse, tempestative, hâtive, monstrueuse, et épouvantable, contagieuse, terribe, appelée de Galien bête sauvage, farouche et fort cruelle, ennemie mortelle de la vie des hommes, et de plusieurs bêtes, plantes et arbres. »

  2. Purpura.

  3. V. note [5] de l’observation viii.

  4. Mauvais sang.

  5. V. infra note [6].

  6. V. note [39], lettre 246.

Ce que Furetière et Guy Patin appelaient peste ajoutait la plupart des fièvres hautement contagieuses (comme le typhus, v. note [28], lettre 172), et souvent mortelles, à la peste moderne. Le microbe responsable de celle-là est une bactérie, Yersinia pestis, découverte par Alexandre Yersin en 1894. Ses hôtes naturels sont les petits rongeurs qui se la transmettent essentiellement par leurs puces. La contamination humaine est liée à la morsure d’une puce infectée ou à celle d’un pou de corps qui a parasité un pestiféré. On classe la peste humaine en trois formes principales :

  • la peste bubonique est caractérisée par la formation d’un bubon, gonflement inflammatoire et douloureux d’un ganglion lymphatique (lymphonœud) de l’aine, de l’aisselle ou du cou ;

  • la peste septicémique est une généralisation de l’infection à l’ensemble du corps, rapidement mortelle, qui succède à la bubonique ou qui peut se développer d’emblée (fièvre dite synoque putride, v. note [3], lettre latine 104) ;

  • la peste pneumonique est la seule contagieuse d’homme à homme, c’est une infection pulmonaire grave et destructrice.

Tout en décroissant peu à peu, la peste a profondément affecté le peuplement et l’histoire de la chrétienté du xive au xviiie s. (Hildesheimer a, pages 239‑240) :

« Depuis la Grande Peste de 1348, catastrophe démographique qui priva l’Europe du tiers à la moitié de sa population, elle n’a cessé de sévir par poussées successives de plus en plus espacées dans le temps. Pour l’Europe, où elle ne se maintient pas de façon durable et spontanée, mais est importée des pays méditerranéens sud-orientaux, on dénombre, entre 1347 et 1772, 31 poussées séparées par 38 rémissions réparties en trois grandes périodes :

  • 1347-1534 (soit 188 ans), des cycles réguliers avec une poussée tous les 9 à 11 ans ;

  • 1536-1683 (soit 148 ans), 11 grandes poussées (et 5 annexes) à intervalles plus irréguliers de 7 à 31 ans ;

  • 1684-1772 (soit 88 ans), trois épisodes restreints et localisés.

La peste n’était pas la seule affection pesant sur l’humanité souffrante. Dysenteries, fièvres, paludisme sévissaient en permanence. {a} La variole ou “ petite vérole ” {b} constituait en quelque sorte l’“ anti-peste ” par son mode d’action moins spectaculaire et plus diffus, par son effet démographique silencieux mais d’une efficacité redoutable (elle élimine les générations à la base sans sabrer dans la masse de la population) et par son intégration à la vie quotidienne ; succédant à la peste, elle deviendra la grande tueuse du xviiie siècle. »


  1. On peut y ajouter la tuberculose, dont les ravages permanents n’ont acquis un nom qu’au xixe s.

  2. V. note [4], lettre 81.

J’ai attribué à la peste la mort d’au moins deux correspondants de Patin :

Devenue rare de nos jours (quelque 40 000 cas mondiaux de 1987 à 2001, dont près de la moitié à Madagascar), la peste peut être prévenue par un vaccin et guérie par un traitement antibiotique.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 18 octobre 1630, note 1.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0005&cln=1

(Consulté le 20/04/2024)

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