À Charles Spon, le 22 mars 1650, note 1.
Note [1]

Louis Phélypeaux, marquis puis duc de La Vrillière (1599-1681) avait épousé Marie Particelli, fille de Michel i Particelli d’Émery et sœur du président Thoré. Secrétaire d’État aux Affaires de la Religion prétendue réformée, il était fort lié à Claude de Saint-Simon, père de Louis, le mémorialiste (tome i, page 725), qui l’a décrit « extrêmement petit, assez bien pris dans sa petite taille ».

Selon Nicolas Goulas (Mémoires, tome iii, pages 201‑203), le transfert des sceaux du Chancelier Séguier au marquis de Châteauneuf (v. note [14], lettre 220) ne se fit pas sans grincements :

« La cour donc, qui était partie de Paris le premier ou second jour de février, y fut de retour avant la fin du mois, et il fallut aussitôt que M. le cardinal éloignât M. le Chancelier et fît donner les sceaux à M. de Châteauneuf. Je dis il fallut, à cause qu’il avait grand-peine de s’y résoudre et qu’on lui fit la dernière violence. Il vit ce dernier {a} auparavant, une certaine nuit, où ils prirent leurs mesures, et ce fut chez le cardinal, où l’autre ne feignit pas d’aller incognito à cause que sa visite le devait mettre en autorité. Je ne sais si ce qu’on dit était vrai, que M. le Chancelier fit des bassesses incompréhensibles pour ne point déloger, jusqu’à offrir sa charge de chancelier, que prétendait M. de Châteauneuf, moyennant qu’on lui laissât les sceaux et la cohue {b} du Conseil, de ne point entrer au Conseil d’en haut, d’assister le roi d’argent ; enfin demandant grâce et à genoux, ce que je louai beaucoup à un de mes amis qui donnait sur lui et ne cessait de le déchirer pour cette lâche conduite. En effet, il ne se peut mieux agir en courtisan, car laissant sa charge à son ennemi, il devenait ministre en titre, et le connaissant fier et audacieux, il n’était pas possible que le cardinal le souffrît longtemps en ce poste ; ainsi, Son Éminence l’éloignant, il se trouvait habile à succéder, {c} et dans la Cour même, je veux dire toujours en état de travailler à ses affaires et n’avoir pas besoin de solliciteur.

La chose < se > passa comme je vais dire : M. de La Vrillière eut ordre de lui demander les sceaux de la part du roi, et il les rendit ; le lendemain, Sa Majesté fit venir M. de Châteauneuf et les lui donna avec l’approbation universelle, particulièrement de la Fronde, qui se pâmait d’aise d’avoir eu la force de désarçonner un ministre de vingt années, {d} choisi par le cardinal de Richelieu. Mais le jour même, M. Le Tellier le fut trouver de la part de la reine pour lui dire qu’elle n’était point mal satisfaite de lui et qu’ayant été obligée (quelques-uns assuraient forcée), par de grandes considérations, de lui ôter les sceaux, elle le laissait en liberté d’aller où il lui plairait hors de Paris dès que son mal le lui pourrait permettre, et que cependant il ne souffrît point qu’on le vît. Quant à Mme la chancelière, elle avait toute liberté de le suivre ou de demeurer. Le chancelier répondit fort respectueusement et fort fermement, et alla deux jours après à Rosny, chez M. de Sully, son gendre, {e} peu regretté et encore moins estimé des généreux qui condamnent toujours les bassesses, quoiqu’ils sachent qu’elles sont heureuses et maintiennent toujours les gens dans les cours où les favoris gouvernent.

M. le cardinal, ne le pouvant sauver, voulut qu’il tombât doucement, dans la pensée de le faire bien revenir dès qu’il aurait affaibli la Fronde ; car il n’est point croyable combien il se ménageait avec elle, et les amitiés qu’il en fit, en arrivant, à tous les chefs. »


  1. Mazarin vit Châteauneuf.

  2. L’assemblée.

  3. Réussir.

  4. Le chancleier Pierre iv Séguier.

  5. V. note [17], lettre 222.

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 22 mars 1650, note 1.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0222&cln=1

(Consulté le 19/04/2024)

Licence Creative Commons