À Charles Spon, le 20 février 1654, note 1.
Note [1]

Le lundi gras est le dernier lundi du carnaval, veille du mardi gras et avant-veille du mercredi des cendres qui marque le commencement du carême (v. note [3], lettre 47).

Guy Patin liait la fête des fous, festum fatuorum, aux « anciens Pères de l’Église » (appellation qui renvoie ordinairement aux premiers siècles de la chrétienté), mais voulait parler des Pères des conciles, selon l’article de Ch. Schmidt dans l’Encyclopédie des sciences religieuses (Paris, 1878, tome v, pages 39‑40) :

« Par ce nom, on désignait des réjouissance qu’au Moyen Âge on accordait aux élèves des écoles ecclésiastiques. Le jour du 6 décembre, ils se choisissaient un évêque, que le 28 du même mois, jour des Innocents, {a} ils conduisaient, revêtu d’habits pontificaux, dans les différentes églises de la ville où se passait la scène ; pendant la procession, ils étaient déguisés, ils chantaient des strophes ; dans la cathédrale, ils célébraient l’office. En beaucoup de localités, cette coutume avait dégénéré en mascarade burlesque. Le premier qui en parle est Jean Beleth, qui a vécu dans la seconde moitié du xiie s. {b} […]. Là on trouve déjà le terme de festum stultorum ou follorum. Les autorités ecclésiastiques s’épuisèrent en vains efforts pour supprimer la coutume ; dès la fin du xiie s., des évêques et des conciles provinciaux la condamnèrent ; en 1210, Innocent iii lui-même voulut qu’elle disparût. Malgré ces interdictions et d’autres plusieurs fois réitérées, elle se maintint partout ; l’Église dut se borner à défendre aux prêtres d’y prendre part. Un curieux rituel de la cérémonie telle qu’elle se faisait dans le diocèse de Viviers, < en > 1369, est publié dans le Glossaire de Du Cange, éd. Henschel, t. iii, p. 959. {c} Le concile de Bâle, dans sa session du 9 juin 1435, fit un canon que nous transcrivons parce qu’il donne l’idée la plus exacte de ce qu’était devenue la fête :

Turpem etiam illum abusum in quibusdam frequentatum ecclesiis, quo certis anni celebritatibus nonnulli cum mitra, baculo ac vestibus pontificalibus more episcoporum benedicunt, alii ut reges ac duces induti, quod festum fatuorum vel innocentum seu puerorum in quibusdam regionibus nuncupatur, alii larvales ac theatrales iocos, alii choreas et tripudia marium ac mulierum facientes, homines ad spectacula et cachinationes movent, alii comessationes et convivia ibidem præparant : hæc sancta synodus detestans statuit et jubet… {d}

Suit l’ordre sévère de faire cesser les désordres. Cependant, comme fête scolaire pour les enfants, l’usage exista çà et là jusqu’au xviiie s. ; à cette époque, on élisait encore à Mayence un évêque des écoliers. Dans les villes protestantes, la coutume fut abolie dès l’introduction de la Réforme. – Du Tilliet, Mémoires pour servir à l’histoire de la fête des fous, Lausanne, 1741, in‑4o. » {e}


  1. V. notes [52][54] du Borboniana I3 manuscrit pour les saints Innocents. Selon Patin, la fête des fous serait devenue une célébration du carnaval (lundi gras).

  2. Du Tilliot (1741, v. infra notule {e}), pages 6‑7 :

    « Beleth docteur de théologie de la Faculté de Paris, qui vivait en 1182, écrit que la fête des sous-diacres et des fous se célébrait par quelques-uns le jour de la Circoncision, {i} par d’autres le jour de l’Épiphanie ou pendant l’Octave. {ii} Il ajoute qu’après la fête de Noël, il se faisait quatre danses dans l’église, savoir des lévites ou diacres, des prêtres, des enfants ou clercs, et des sous-diacres. Il y avait même, selon lui, certaines églises où les évêques et les archevêques jouaient aux dés, à la paume, à la boule et aux autres jeux ; dansaient et sautaient avec leur clergé, dans les monastères, dans les maisons épiscopales, et que ce divertissement s’appelait la liberté de décembre, à l’imitation des anciennes saturnales. » {iii}

    1. Premier jour (calandes) de janvier.

    2. Octave des rois qui du 6 (Épiphanie) au 15 janvier.

    3. Plus loin ce savant livre explique qu’après l’interdiction de la fête des fous, sa célébration s’est déplacée aux jours gras.
  3. Paris, Firmin Didot frères, 1844, au mot Kalendæ (texte latin).

  4. « Il y a aussi cet abus honteux qui est pratiqué dans certaines églises où, lors de célébrations fixes de l’année, des gens portant mitre, crosse et vêtements pontificaux, donnent la bénédiction, et où d’autres se déguisent en rois et en princes ; dans certains pays on les appelle fête des fous, des Innocents ou des enfants, ailleurs, jeux masqués et comiques ; d’autres font danser et baller garçons et filles ; la foule assiste au spectacle en se tordant de rire, et d’aucuns apprêtent festins et débauches. Détestant ces pratiques, le saint synode a décidé et ordonne… »

  5. Sic pour « M. Du Tilliot, gentilhomme ordinaire de Son Altesse Royale Monseigneur le duc de Berry » (Lausanne et Genève, Marc-Michel Bousquet, 1741, in‑4o illustré de 68 pages).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 20 février 1654, note 1.

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(Consulté le 19/04/2024)

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