À Thomas Bartholin, le 22 juillet 1656, note 1.
Note [1]

Les médecins de l’époque considéraient généralement le traitement de l’asthme comme difficile. Ils n’y conseillaient la saignée qu’avec réserve et prudence. Je n’ai pas trouvé le passage où Louis Duret (v. note [10], lettre 11) recommandait moins de parcimonie.

À son propos, Étienne Pasquier {a} a néanmoins témoigné du contraire dans sa lettre (non datée) « À MonsieurTournebus, Conseiller en la Cour de Parlement de Paris », {a} sous titrée Discours sur le sujet de la Médecine, et par même occasion de la composition du corps humain » : {c}

« Il n’y a homme plus idolâtre des médecins que moi, quand je suis malade, ni qui estime leur art plus douteux, lorsque je suis sain. […]

Et afin que je ne sorte des termes de la saignée, il me souvient qu’en ma jeunesse, les médecins y étaient fort sobres et y apportaient de grandes circonspections avant que de l’ordonner, et plus encore avant que de la réitérer. Monsieur Duret, mien ami, médecin de singulière recommandation, me voyant en mes maladies et se jouant sur l’équivoque du mot saigneur, avait accoutumé de me dire qu’il était fort petit seigneur. Depuis arriva en France un Botal Piémontois, {d} qui fut médecin de Henri iii, lequel employa en toutes sortes de maladies la saignée, jusques au mal des gouttes, et ne doutait de la réitérer quatre et cinq fois sur un patient. Et comme je lui remontrasse {e} un jour (car je fus son avocat) qu’au lieu de guérir ses malades, c’était les allengourdir, {f} il me répondit que plus on tirait de l’eau croupie d’un puits, plus il en revenait de bonne, et plus la nourrice était tétée par son enfant, plus avait-elle de lait ; que semblable était-il du sang et de la saignée. Ce nonobstant, cette proposition fut lors condamnée par notre Faculté de médecine. Même fut composé un livre exprès contre lui par Granger, qui fut reçu d’un grand applaudissement de tous. {g} Toutefois, depuis le décès de Botal, sa pratique a repris vie en l’opinion de nos médecins, qui ne mettent en épargne {h} la multiplicité de saignées, non seulement envers leurs malades étrangers, {i} mais envers leurs propres femmes, enfants et frères, dont ils ont rapporté de très heureux succès. »


  1. Mort en 1615, v. note [16], lettre 151.

  2. Probablement Étienne Tournebus ou Tournebu, reçu en 1583, Popoff, no 2367.

  3. Les lettres d’Étienne Pasquier Conseiller et Avocat général su Roi à Paris. Contenant plusieurs belles matières et discours sur les affaires d’État de France, et touchant les guerres civiles. Tome second (Paris, Laurent Sonius, 1619, in‑8o), livre xix, pages 537‑549.

  4. V. note [47], lettre 104, pourLéonard Botal, mort en 1587 ou 1588, et son livre De Curatione per sanguinis missionem… [Le traitement par la soustraction de sang (la saignée)…] (Lyon, 1577).

  5. Remontrais (faisais remarquer) : comme commandait alors le subjonctif (à la manière de la conjonction cum en latin).

  6. Engourdir.

  7. De Cautionibus in sanguinis missione adhibendis Bonaventuræ Grangerii Parisiensis, Doctoris Medici, Admonitio. Ad Leonardum Botallum Astensem.

    [Avertissement de Bonaventure Granger, {i} docteur en médecine natif de Paris, sur les précautions à prendre dans la saignée, à l’adresse de Leonardo Botallo, natif d’Asti]. {ii}

    1. Mort en 1590, Bonaventure Granger ou Grangier avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1572, et élu doyen de 1582 à 1584.

    2. Paris, P. l’Huillier, 1578, in‑4o.

  8. Qui ne sont pas avares de.

  9. N’appartenant pas à leur famille.

V. note [43], lettre 150, pour le mot asthme qui couvrait alors l’ensemble des gênes respiratoires (dyspnées). L’œdème pulmonaire (orthopnée, v. note [35], lettre 216) est la seule catégorie de dyspnée où l’indication de la saignée a durablement résisté au temps (jusqu’à l’invention des diurétiques puissants au milieu du xxe s.). Dans tous les autres « asthmes », la phlébotomie s’est depuis longtemps montrée inefficace ou même dangereuse. On pourrait donc supposer que les asthmes de Jean ii Riolan étaient des poussées d’œdème pulmonaire, mais une survie de 25 ans rend cette hypothèse invraisemblable.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Thomas Bartholin, le 22 juillet 1656, note 1.

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(Consulté le 16/04/2024)

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