Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 1.
Note [1]

Un tel avant-propos convient clairement que Guy Patin n’est pas auteur des 98 articles qui suivent, numérotés en chiffres romains minuscules. Leur nombre n’est que de 95 dans la version imprimée, où un défaut de composition a omis d’en distinguer trois. Pour en faciliter la lecture, j’ai mis en petites majuscules l’intitulé du Moréri, en respectant les altérations éventuellement apportées par L’Esprit de Guy Patin.

Sans surprise, « notre ami M. D… », qui les a confiés aux rédacteurs de notre Faux Patiniana, est un faux-nez : fidèles à leur méthode de plagiat sans vergogne, ils avouent ici néanmoins leur larcin, sans le dévoiler tout à fait ; néanmoins, on découvre sans peine qu’ils sont tous issus du Grand Dictionnaire historique, ou le Mélange curieux de l’histoire sacrée et profane… Ouvrage progressivement accru au fil de ses 20 éditions parues entre 1674 et 1759, il a fait la célébrité de Louis Moréri (Bargemon, Provence 1643-Paris 1680), prêtre et docteur en théologie. J’ai inséré, après le numéro de chaque article, le lien de sa référence dans l’une de trois éditions disponibles en ligne (au mois de septembre 2020) :

  1. Moréri 1674, première édition (Lyon, Jean Girin et Barthélemy Rivière, un volume, in‑fo) ;

  2. Moréri 1698, 8e édition (Amsterdam, Georges Gallet, 4 volumes in‑fo) ;

  3. et surtout Moréri 1707, 12e édition (Paris, Denys Mariette, 4 volumes in‑fo) avec des additions tirées du Dictionnaire de Pierre Bayle, qui est la dernière où L’Esprit de Guy Patin a pu puiser.

Il est difficile d’imaginer que ce florilège ait été composé à l’insu des libraires (Coignard et Mariette) qui ont imprimé les premières éditions françaises posthumes du Grand Dictionnaire (à partir de 1699, référence 3 supra), et surtout de leur compilateur, l’obscur M. Vaultier (prénom inconnu), dont la préface de la 18e édition (Bâle, 1731) a ainsi loué les mérites :

« Le débit du Dictionnaire de Moréri fut très considérable en Hollande. M. Le Clerc {a} nous apprend que depuis l’an 1690 jusqu’à l’an 1698, il s’en était vendu sept mille exemplaires. Un débit si rapide, qui sûrement était lucratif, fit ouvrir les yeux aux libraires de Paris, qui savent, de même que ceux des autres nations, quo valeat nummus. {b} Ils engagèrent donc M. Vaultier à se charger de revoir le Moréri, et à procurer une nouvelle édition qui effaçât le mérite de celles de Hollande. M. Bayle loue l’esprit, le savoir et l’application de ce nouveau réviseur : “ M. Vaultier, dit-il, est très habile, la grande vivacité de son esprit ne l’empêche pas d’être fort laborieux, et capable d’une très longue et très profonde application. ” {c} Ce fut en 1699 que M. Vaultier fit paraître sa première édition. » {d}


  1. Jean Le Clerc, compilateur des trois éditions hollandaises posthumes (1691-1698, 2 supra).

  2. « ce que vaut l’argent. »

  3. Trois pages plus loin, le même Avertissement de M. Bayle sur la seconde édition des Remarques critiques sur la nouvelle édition du Dictionnaire historique de Moréri, donnée en 1704. Ces remarques ont été premièrement imprimées à Paris, et M. Bayle les fit réimprimer à Rotterdam en 1706 in‑8o {i} a été nettement plus réservé :

    « Plus on descendrait dans les détails, plus convaincrait-on tous les lecteurs qu’une correction parfaite du Moréri ne saurait être l’ouvrage d’une seule personne. M. Vaultier seul pourrait fort bien être le directeur général, et le dernier réviseur de tout ; mais il lui faudrait des coadjuteurs, je veux dire des gens qui travaillassent sous lui selon les rôles qu’il leur partagerait. Il lui faudrait nommément un de ces critiques chagrins, bourrus, si l’on veut, et fantasques, à qui la moindre ombre d’urrégularité fait naître de grands soupçons qu’un auteur le trompe. »

    1. Œuvres diverses de M. Pierre Bayle… (La Haye, 1731, tome quatrième, page 196).
  4. À défaut de se faire mieux connaître, Vaultier avait ainsi conclu sa Préface de 1707 :

    « Telles ont été les lois que je me suis prescrites, et que j’ai tâché d’observer avec toute l’exactitude dont peut être capable un homme seul, chargé du poids d’un ouvrage presque infini par l’étendue, le nombre et la diversité de ses matières. Je m’étais flatté d’être secouru par les savants dans l’exécution d’un dessein si utile, et je les avais invités dans mon projet à me faire part de leurs lumières et de leurs réflexions ; mais ces espérances ont été vaines et, hors bon nombre de remarques qui m’ont été fournies par le R.P. Ange, provincial des augustins déchaussés, surtout pour les articles généalogiques, je n’ai rien reçu dont je me sente obligé de témoigner ici ma reconnaissance. Cependant, loin que cette disette de mémoires ait rien ralenti de l’ardeur avec laquelle j’étais entré dans une carrière si longue et si pénible, elle m’a fait rassembler tout ce que j’avais de forces pour m’empêcher d’y succomber. Trop heureux si le public me sait quelque gré de quatre années de soins et de recherches que je lui ai dévouées ! C’est l’unique fruit que je me suis proposé d’en recueillir, et l’unique ambition où se bornent tous mes vœux. »

Avec ce bouquet final de leur extravagante rhapsodie, les auteurs de L’Esprit de Guy Patin font allègrement passer le lecteur d’un faux Patiniana à un pseudo-Moreriana qui ne dit pas son nom. Tout cela peut laisser imaginer que ce supplément numéroté soit une commande que, à court d’idées et de matière, nos besogneux faussaires auraient faite à Vaultier, moyennant quelque honoraire, pour augmenter de 80 pages le volume, la bizarrerie et le profit commercial de leur livre. Quoi qu’il en soit de mon hypothèse, mes notes ont complété leurs commentaires moralisateurs avec les citations des ouvrages consultés par Moréri, Le Clerc ou Vaultier chaque fois qu’il m’a paru enrichissant ou curieux de les retrouver.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 1.

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(Consulté le 28/03/2024)

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