À Charles Spon, le 8 novembre 1658, note 10.
Note [10]

Alep, au nord-ouest de l’actuelle Syrie, faisait partie de l’Empire ottoman depuis 1516.

Alphonse de Lamartine a narré ce sanglant épisode au livre xxvii (chapitre viii) de son Histoire de la Turquie (1855). Une fois nommé, le grand vizir Köprülü avait rétabli l’ordre intérieur de la Turquie en supprimant les séditieux, dont les plus virulents étaient les spahis et leurs chefs. En réplique, Abaza-Hassan, pacha d’Alep, avait levé une armée turcomane de 100 000 cavaliers pour marcher sur Brousse (Bursa en Anatolie). Fort de cette menace, il demanda à Mehmet iv de destituer Köprülü. Le sultan refusa et suivit son grand vizir pour aller combattre Abaza à Scutari. Mourteza-Pacha, lieutenant du grand vizir, à la tête de 50 000 janissaires, perdit 8 000 hommes dans une première bataille contre Abaza.

« Le grand vizir, sans lui faire un reproche de son revers, le renforça d’une seconde armée. Il refoula Abaza jusqu’à l’Euphrate. Des négociations perfides s’ouvrirent entre les deux généraux sous les murs d’Alep. Mourteza persuada au simple et crédule Turcoman que s’il se retirait de la ville et de la citadelle d’Alep, son pardon serait facile à obtenir de Köprülü. Abaza se retira hors de la ville ; Mourteza y entra. Une trêve régna entre les deux camps. Sous prétexte d’une fête de réconciliation, Mourteza invita Abaza-Hassan à rentrer dans Alep avec une suite de cavaliers. Les habitants d’Alep, chez lesquels on logea, homme par homme, cette escorte, avaient ordre de massacrer chacun leur hôte au signal d’un coup de canon tiré du château. À la fin du souper offert par Mourteza-Pacha à Abaza : “ Donnez, ” dit-il à ses pages, “ donnez aux pachas, nos frères, l’eau pour les ablutions de la prière du soir. ” Au lieu de l’eau des ablutions, les satellites apostés de Mourteza répandirent le sang des convives. Abaza-Hassan et trente de ses généraux tombèrent sous le poignard des assassins. Le coup de canon annonça leur dernier soupir aux hôtes des cavaliers turcomans de sa garde ; chacun d’eux apporta une tête à Mourteza. ainsi périt la révolte par la trahison, triste vicissitude des gouvernements despotiques. »

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 8 novembre 1658, note 10.

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(Consulté le 16/04/2024)

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