À André Falconet, le 28 janvier 1661, note 10.
Note [10]

« il y a beaucoup de démons dans l’air. »

  • Le S. Georgius Cappadox de Théophile Raynaud (v. note [16], lettre 605) tardait à obtenir ses autorisations car les jansénistes cherchaient à en empêcher la parution. Dans l’ouvrage imprimé, elles s’achèvent par la Conclusion des Gens du roi :

    « Vu les approbations ci-dessus, {a} je n’empêche < pas >, pour le roi, qu’il soit permis à Guillaume Barbier, imprimeur ordinaire du roi de cette ville, d’imprimer et mettre au jour le livre intitulé Sanctus Georgius Cappadox, personalis et symbolicus, composé par le Révérend Père Théophile, de la Compagnie de Jésus, avec les défenses à tous autres en tel cas requises. Fait à Lyon ce 15 juin 1661. Vidaud. »


    1. Celles des autorités religieuses.

    Suit l’Approbatio de Deville, « maître en droit et théologie sacrée », datée de Lyon, le 9 août 1660. Le 13 décembre 1660, au Louvre, en présence de Mazarin alité, le roi avait convoqué les prélats réunis en Assemblée du Clergé pour leur donner lecture d’une déclaration leur intimant de chercher les moyens les plus propres et les plus prompts pour extirper la secte du jansénisme, avec résolution d’employer son autorité pour les faire appliquer.

  • La raison de ces frictions tient aux quelques lignes du livre où le P. Théophile Raynaud éclaire avec une extrême virulence les motifs et les armes de la guerre que Rome a déclarée contre les jansénistes : {a}

    Quanto eminentior est orbis universi Episcopatus, quocumque singularis Diœcesi<s > Episcopatu, tanto congruentius Romanus Pontifex […] Hæreses oborientes inspicata Apostolicæ autoritatis lancea feriens, Equestri sancti Georgii imagine exhibitus censeri potest. Nam et Virginem Dei sanctam Ecclesiam, trucidatione imminentis ei Draconis, incolumem servare propositum habet, quod spectasse fertur ea imagine sanctus Georgius : Quid itaque vetat, Innocentium x. magni animi Pontificem, Iansenii Yprensis Hæresim, Catholicæ fidei imminentem, impacta Apolisticæ definitionis hasta spiculata transigentem, sancti Georgii Equestri specie expressum dicere ? Emerserat e Batavicis paludibus, hostis veritatis agens Draconem, quippe inducta sibi, ut incautos falleret, D. Augustini persona : cum revera sub ea dolosa specie, lateret Calvinus < . Sed pro more omnium qui Augustinum subsecuti sunt Hæreticorum, ementiens Augustinum. Hoc sane tegmine, opertus prodiit Gotescalcus, hoc reliqui Prædestinatiani, hoc Claudius Taurinensis, hoc Berengarius, hoc Wicleffus, hoc Calvinus >, et ut verbo dicam, omnes prope novarum circa fidem mercium propolæ, aut errorum vetustorum mangones. Omnes hi lucifugæ, adversus Solem Catholicæ veritatis, siparium sibi < ab anxie emendicatis D. Augustini laciniis> captaverunt. Fecit idipsum Iansenius Yprensis, et præ summa eius (ut videri volebat) in Augustinum observantia, suis altissime infixa, eo processum est, ut Augustiniani audire voluerint ipse ac gregales ; et præ tenacissima ad tanti Patris dicta, adhæsione, fuere ex eo numero, qui propositis contra se Pontificum aut Concilli Tridentini definitionibus, reponerent ; Ita quidem Pontifices, ita Tridentinum Concilium, sed quid fiet divo Augustino, si ea Pontificia vel Conciliaris definitio stet ? Ubique Augustinus Vicenaria pervolutatione excussus, aut etiam exenteratus, insonabat. Imposuit ea larva improvidis quibusdam : etiam eorum, qui per gradum, Tauri erant in vaccis populorum

    [Puisque l’épiscopat du monde entier est supérieur à ceux de chaque diocèse particulier, le pontife romain (…), qui porte la lance que l’autorité apostolique pointe contre les hérésies naissantes, peut être très convenablement représenté par l’image équestre de saint Georges. Comme le fait voir cette représentation de saint Georges, il a pour dessein de protéger l’intégrité et la virginité de la sainte Église de Dieu, en terrassant le dragon qui la menace : en quoi serait-il donc interdit de dire que l’image équestre de saint Georges représente Innocent x, pape de grand esprit, {b} quand il brandit l’épieu acéré de la détermination apostolique pour transpercer l’hérésie de Jansenius d’Ypres, qui met la foi catholique en péril ? Agissant tel un dragon, un ennemi de la vérité avait émergé des marais de Flandre, qui s’appropriait la personne de saint Augustin pour tromper les imprudents, puisque c’est Calvin qui se cache sous cette trompeuse apparence < . À la mode de tous les hérétiques qui ont suivi Augustin, ils font pourtant mentir Augustin : Gotescalcus s’est résolument montré couvert de ce vêtement, comme ont fait les autres prédestinatiens, {c} et Claudius Taurinensis, et Berengarius, et Wicleffius, et Calvin ; {d} > en un mot, presque tous les colporteurs de marchandises nouvelles, ou maquignons de vieilles erreurs autour de la foi. Tous ces gens qui fuient la lumière, opposée au Soleil de la vérité catholique, se sont emparés d’un rideau, < tissé des lambeaux qu’ils ont amèrement mendiés dans saint Augustin >. Jansenius d’Ypres en a fait exactement de même et, au nom de sa complète soumission à Augustin (selon ce qu’il voulait faire paraître), qu’il a imprimée dans ses livres, lui et son troupeau sont allés jusqu’à vouloir qu’on les appelât augustiniens. {e} Furent de ce nombre, en raison de leur très tenace adhésion aux paroles d’un si grand Père, ceux qui contestèrent les résolutions que les papes ou le concile de Trente ont prononcées contre eux : Il s’agit certes des papes et du concile de Trente, mais qu’adviendrait-il de saint Augustin si on s’en tenait à cette résolution pontificale ou conciliaire ? {f} Partout retentissait Augustin, imprimé, ou même éviscéré, par vingt fois. Ce fantôme en a imposé à certains imprévoyants, qui étaient aussi, pas après pas, des taureaux pour les veaux de peuples]. {g}


    1. Chapitre xxxv, page 358 du tome viii des Opera du P. Raynaud (Lyon, 1665). J’ai transcit entre chevrons (< >) les deux additions qui y ont encore alourdi la charge par comparaison avec l’édition originale publiée à Lyon en 1661 (v. note [16], lettre 605).

    2. Pape de 1644 à 1655 (v. note [2], lettre 112), Innocent x a fulminé la bulle Cum occasione (31 mai 1653) contre les Cinq Propositions sur la grâce divine extraites de Jansenius (v. note [16], lettre 321).

    3. Le dictionnaire (jésuite) de Trévoux a donné cette définition des prédestinatiens :

      « anciens sectaires qui n’ayant point entendu quelques expressions de saint Augustin étaient dans des erreurs grossières sur les matières de la grâce et de la prédestination. Praedestinatiani. Cette hérésie commença en Afrique dès le temps de saint Augustin dans le monastère d’Adrumet, et elle se répandit ensuite dans les Gaules, où un prêtre nommé Lucide, qui avait les mêmes sentiments sur la grâce et sur la prédestination, fut condamné par Fauste, évêque de Riez. {i} La sentence de Fauste fut approuvée par deux conciles. Gothescalc, moine bénédictin du ixe s., fut accusé d’avoir renouvelé cette hérésie. {ii} Hincmar dans une de ses lettres au pape Nicolas {iii} dit, que Gothescalc soutenait, avec les anciens prédestinatiens qui avaient été anathématisés, que, comme Dieu prédestinait quelques-uns à la vie éternelle, il en prédestinait aussi quelques-uns à la mort éternelle ; que Dieu ne voulait pas que tous les hommes fussent sauvés, mais ceux-là seulement qui étaient sauvés ; que Jésus-Christ n’était point mort pour tous, mais seulement pour ceux qui étaient sauvés. Ces erreurs et quelque autres du même moine Gothescalc furent condamnées dans un synode tenu à Mayence, auquel présidait Raban Maure. Le P. Sirmond a traité au long de cette hérésie des prédestinatiens. {iv} Les amis de Mess. de P.R. {v} et entre autres le président Mauguin, ont réfuté le livre du P. Sirmond, prétendant que l’hérésie des prédestinatiens est une hérésie imaginaire ; {vi} et en effet, le P. Sirmond n’appuie presque son sentiment que sur le témoignage des prêtres de Marseille, qui ont été suspects de semi-pélagianisme. {vii} Les Port-Royalistes prétendent que saint Fulgence, saint Prosper et les autres disciples de saint Augustin ont soutenu que cette hérésie était une hérésie imaginaire, {vi} qui avait été inventée par les ennemis de la doctrine de saint Augustin. »

      1. V. notule {a}, note [1], lettre 203.

      2. Gotescalcus ou Gottschalk, moine de l’abbaye d’Orbais en Champagne, est un théologien originaire de Mayence, grand adepte des écrits de saint Augustin ; l’un des grands défenseurs de la prédestination contre le libre arbitre s., il a été condamné pour hérésie en 849, excommunié et incarcéré jusqu’à sa mort.

      3. Nicolas ier, pape de 858 à 863.

      4. Entre 1643 et 1649, le R.P. jésuite Jacques Sirmond (v. note [7], lettre 37) a publié six ouvrages contre les prédestinatiens.

      5. Messieurs de Port-Royal, les jansénistes.

      6. V. note [2], lettre 773, pour les 18 Lettres sur l’Hérésie imaginaire écrites par les défenseurs du jansénisme (1664-1666).

      7. V. note [44] des Déboires de Carolus, pour Jean Cassien, fondateur du semi-pélagianisme et de l’abbaye Saint-Victor de Marseille au ve s.
    4. Claude de Turin, évêque de cette ville au ixe, est tenu pour un précurseur de la Réforme protestante s. Bérenger de Tours est un théologien hérétique du xe s. V. notes [84], notule {b} du Faux Patiniana II‑7, pour Jean Wiclef (xive s.), et [15], lettre 97, pour Jean Calvin (xvie s.).

    5. Trévoux : « quiconque se flatte d’avoir trouvé le véritable sens de saint Augustin, de suivre sa doctrine, se dit augustinien. […] Les jansénistes s’appellent aussi augustiniens, parce qu’ils prétendent être les disciples de saint Augustin et enseigner sa doctrine. » Rome, et tout particulièrement les jésuites, refusaient obstinément aux jansénistes cette dénomination qu’il revendiquaient.

    6. Un siècle avant la diffusion du jansénisme, le concile de Trente (1545-1563, v. note [4], lettre 430) avait formellement condamné la prédestination que professaient les luthériens.

      Le P. Raynaud se demandait s’il ne convenait pas d’anathématiser saint Augustin. Il a mis cette question en exergue pour souligner l’importance qu’il lui donnait, mais non pour signaler une citation qu’il a empruntée à un autre théologien.

    7. Psaumes (68:31) :

      Increpa feras harundinis congregatio taurorum in vaccis populorum, ut excludant eos qui probati sunt argento dissipa gentes quæ bella volunt !.

      Menace la bête des roseaux, {i} la troupe des taureaux avec les veaux de peuples ! Quelle s’humilie apportant or et argent ! Disperse les peuples qui aiment la guerre ! {ii}

      1. L’Égypte, ses chefs et son peuple.

      2. Traduction de l’École biblique de Jérusalem (1956).

Imprimer cette note
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 28 janvier 1661, note 10.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0667&cln=10

(Consulté le 25/04/2024)

Licence Creative Commons