À André Falconet, le 12 juillet 1661, note 10.
Note [10]

Il a semblé juste de multiplier par dix la somme de 160 000 livres qui est dans les précédentes éditions.

Gourville (pages 130‑131) :

« M. Fouquet, je pense, songea à vendre sa charge de procureur général dans le dessein de mettre l’argent qu’il en tirerait dans le Bois de Vincennes, à la seule disposition de la volonté du roi, pensant par là lui faire voir combien il prenait de confiance en ses bonnes grâces. Il me dit un jour l’envie qu’il avait d’en traiter, sans pourtant me dire ce qu’il voulait faire de l’argent. Je lui dis que M. de Fieubet pourrait bien l’acheter parce que, ayant eu dessein d’en avoir une de secrétaire d’État ou de président à mortier, dont il avait voulu donner jusqu’à seize cent mille livres, il n’avait pas pu y parvenir, et que, s’il voulait m’en fixer le prix, peut-être pourrais-je bien lui faire son affaire. Il me dit de l’aller trouver et que, s’il en voulait donner treize cent mille livres, je pouvais conclure avec lui, mais que, s’il n’en voulait donner que jusqu’à douze, sans rompre, je vinsse lui en rendre compte. J’allai donc trouver M. de Fieubet qui était à sa maison de campagne. Il était pour lors bien de mes amis, et nous vivions dans une grande confiance l’un et l’autre. Je lui exposai la chose tout comme je viens de la dire. Je lui conseillai en même temps d’en donner plutôt quatorze cent mille livres que de laisser perdre cette occasion qu’il ne trouverait peut-être plus puisque, quand M. Fouquet aurait déclaré la vouloir vendre, il viendrait peut-être des gens à la traverse qui pourraient lui faire de plus grandes offres. Il me dit qu’il goûtait mes raisons et qu’il voulait bien tout ce que je lui proposais. »

L’affaire ne fut pas conclue car Fouquet continua, à l’insu de Gourville, de marchander sa charge en la promettant pour 1 800 000 livres au président de Barentin gendre de Boislève, intendant des finances. Fouquet, redoutant le mécontentement de la reine dont Fieubet était le chancelier, se trouva dans un grand embarras et chercha en vain à obliger son agent, Gourville, de convenir qu’il avait outrepassé ses ordres.

Ibid. (page 132) :

« Enfin, il se tira de là par dire qu’il ne pouvait pas s’empêcher de donner la préférence de sa charge à M. de Harlay, son parent et extrêmement de ses amis. En effet, il traita avec lui pour les quatorze cent mille livres qu’en avait voulu donner M. de Fieubet ; ce qui fit dire à bien des gens que cela m’avait brouillé avec lui. »

Achille de Harlay entra dans les fonctions de procureur général le 20 août 1661 ; Petitfils c (page 354) :

« Sur le prix de la transaction de 1 400 000 livres, 400 000 devaient revenir comme convenu à l’abbé Fouquet. Le reste fut mis à la disposition du monarque. “ Tout va bien, dit Louis xiv à Colbert, il {a} s’enferre de lui-même. Il m’est venu dire qu’il fera porter à l’Épargne tout l’argent de sa charge. ” À sa demande, le million fut enfermé non pas à l’Épargne mais dans une cave de Vincennes. Quelques mois plus tard, cet or servira au rachat de Dunkerque aux Anglais »


  1. Fouquet.

Politiquement et juridiquement, Nicolas Fouquet commettait une erreur fatale en se démettant de sa charge de procureur général du Parlement : uniquement justiciable de ses pairs, un procureur général était à peu près invulnérable ; mais grisé par sa rêverie de devenir premier ministre, Fouquet n’avait pas cru bon de conserver ce procuralat qui l’encombrait, mais qui lui conférait une solide immunité judiciaire. Il sous-estimait la noirceur des nuages qui, soigneusement poussés un à un par Colbert, s’étaient accumulés au-dessus de sa tête : ses comptes troubles de surintendant manipulateur de fortunes ; ses maladresses à l’égard d’Anne d’Autriche, qui le protégeait, comme à l’égard de Mlle de La Vallière (v. note [12], lettre 735), que le roi aimait ; le faste inouï et inconsidéré de son train de vie ; sa mainmise suspecte sur une bonne partie de la Bretagne, avec la fortification de Belle-Île et de l’île d’Yeu, qui faisait de lui un séditieux en puissance, un plausible (sinon vraisemblable) criminel de lèse-majesté (Projet de Saint-Mandé, v. note [5], lettre 730).

La foudre qui allait tomber après la fête de Vaux (v. note [11], lettre 712) fut la conséquence d’un empilement de maladresses, et lancée par l’irritation d’un roi qui peinait encore à affirmer sa toute-puissance. La corde rompit donc.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 12 juillet 1661, note 10.

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(Consulté le 11/12/2024)

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