À Werner Rolfinck, le 16 août 1666, note 10.
Note [10]

Guerneri Rolfincii, Phil. et Med. Doctoris, Professoris publici, Ordo et methodus medicinæ specialis Commentatoriæ, ως εν γενει, ad normam veterum et novorum dogmatum proposita.

[Organisation et méthode de la médecine spéciale, globalement spéculative, de Werner Rolfinck, docteur en philosophie et médecine, professeur public, présentée suivant la règle des anciens et des nouveaux dogmes]. {a}


  1. Iéna et Francfort, Thomas Matthias Götze, 1665, in‑4o.

Il s’agit d’un épais ouvrage (1 069 pages) composé de 14 livres, incluant la matière de thèses disputées à Iéna par 34 candidats (dont la liste des noms figure dans les pièces liminaires, mais qui n’apparaissent plus dans la suite du texte). Rolfinck explique son titre dans le Benevolo lectori S. [Salut au bienveillant lecteur] :

Methodi officium, quod est δεικνυειν demonstrare, hic etiam observatur, και τα ζητουμενα apte disposita non solum examinantur, verum etiam η δια συλλογισμου η, εξ επαγωγης per syllogisticam inferendi vim, aut inductionem confirmantur.

Medicinæ specialis ordo et methodus indigitatur, ad differentiam medicinæ generalis, quæ sunt institutiones. Res desumuntur ex institutionibus. Tractandi ordo diversus est.

Commentatoria specialis medicina dicitur, ad differentiam consultatoriæ, et renunciatoriæ.

το ως εν γενει limitat considerandi modum. Non proponuntur specialia certis affectibus destinata, sed in genere his vel illis quæ accommodari queunt.
Non promittit titulus vana ostentatione res novas, sed aliam veterum rerum ad ordinem et methodum commentatoriam
ως εν γενει applicandi rationem.

[La fonction d’une méthode, qui est de démontrer, est ici respectée ; j’y ajoute non seulement l’examen de son but, clairement exposé, mais aussi sa confirmation grâce aux ressources de l’inférence syllogistique, ou induction. {a}

J’invoque l’organisation et la méthode de la médecine spéciale, qui en sont les préceptes, à la différence de la médecine générale. Les faits sont tirés des préceptes. L’ordre du raisonnement est inversé.

La médecine spéciale est dite spéculative {b} pour la distinguer de celle qui est consultative et déclarative.

Globalement détermine la manière de raisonner : il ne s’agit pas d’examiner les expressions caractéristiques de certaines maladies, mais de rechercher, de manière générale, celles qui correspondent à telle ou telle maladie. {c}

Sans vaine ostentation, mon titre ne promet pas d’innovations, mais un raisonnement à appliquer globalement pour établir une autre organisation des connaissances anciennes et une méthode spéculative].


  1. V. notes [8], lettre 196, pour le syllogisme (nom dont dérive l’adjectif syllogistique), qui était la base de la logique scolastique (aristotélicienne, v. note [3], lettre 433), et [19], lettre 376, pour l’application de ce modèle à la construction des thèses universitaires.

    L’induction est une « sorte d’analyse où l’on va des effets à la cause, des conséquences au principe, du particulier au général ; ou autrement, l’opération qui découvre et prouve les propositions générales, procédé par lequel nous concluons que ce qui est vrai de certains individus d’une classe est vrai de toute la classe, ou que ce qui est vrai en certain temps sera vrai en tout temps, les circonstances étant pareilles. Une induction est essentiellement la perception qui nous montre qu’un cas particulier appartient à une certaine classe de cas préalablement généralisés » (ibid.).

  2. L’adjectif commentatorius appartient au néolatin et n’a pas de traduction formelle en français moderne ; « interprétatif », qui dérive du sens classique de commentator, celui qui remet en mémoire, le commentateur, l’interprète (Gaffiot), aurait pu convenir, mais « spéculatif » m’a semblé plus conforme aux explications de Rolfinck.

  3. Cette approche, alors novatrice, est celle qui guide le raisonnement diagnostique moderne : partir globalement, c’est-à-dire sans idée préconçue, des signes isolés ou groupés en syndromes, pour identifier une maladie, et non l’inverse ; soit passer du syllogisme « Telle maladie provoque tel symptôme, tel patient est atteint de cette maladie, il présente donc ce symptôme », au syllogisme contraire, « Tel symptôme s’observe dans telles maladies, tel patient présente ce symptôme, il est donc atteint d’une de ces maladies ».

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Werner Rolfinck, le 16 août 1666, note 10.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1438&cln=10

(Consulté le 25/04/2024)

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