Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-1, note 10.
Note [10]

Histoire des grands chemins de l’Empire romain, contenant l’origine, progrès et étendue quasi incroyable des chemins militaires, pavés depuis la ville de Rome jusqu’aux extrémités de son Empire. Où se voit la grandeur et la puissance incomparable des Romains ; ensemble, l’éclaircissement de l’Itinéraire d’Antonin et de la Carte de Peutinger. Par Nicolas Bergier, {a} avocat au siège présidial de Reims, {a} livre i, chapitre xxiii, De la troisième nature de deniers employés aux ouvrages des grands chemins par les particuliers (§ 5, page 87) :

« La seconde manière de deniers gratuits consistait en dons et libéralités de certaines sommes que quelques-uns mettaient aux mains des commissaires ou des questeurs qui avaient charge de fournir aux frais des ouvrages des grands chemins. Nous en avons un exemple en une inscription antique, que Rosinus dit être en la ville de Rome, et Gruterus, en la ville d’Assise en Ombrie, {c} par laquelle on voit qu’un médecin nommé P. Decimius. L. Heros. Merula, autrefois de servile condition, et un chirurgien oculiste, nommé Clinicus, font de grands dons au public, savoir : le médecin, de cinquante mille sesterces, d’une part, qui sont trois mille cinq cents livres de notre monnaie, et de trois cent mille sesterces, d’autre, qui valent xxj. mille livres, pour faire poser des statues au temple d’Hercule ; et le chirurgien donne au public deux mille sesterces d’une part, valant soixante et dix mille livres, en reconnaissance de la dignité de sévirat {d} dont il avait été honoré, et trois cent sept mille sesterces d’autre, pour être employés au pavement des grands chemins. C’est le vrai sens de la présente inscription :

p. decimius. p.l. eros
merula. medicus
clinicus chirurgus
ocularius vi. vir
hic pro libertate dedit h..s
Iↄↄↄ
hic pro seviratu in remp.
dedit h..s
o-o o-o
hic in statuas ponendas in
aedem herculis dedit h..s

hic in vias sternendas in
publicum dedit h..s
 Iↄↄ o-o
hic pridie quam mortuus est
reliquit patrimonii
h..s
o-o . » {e}


  1. Nicolas Bergier (1567-1623).

  2. Paris, C. Morel, 1622, in‑4o de 856 pages, avec joli frontispice.

  3. V. notes [8], lettre d’Adolf Vorst, datée du 4 septembre 1661, pour Joannes Rosinus, et [9], lettre 117, pour Janus Gruterus.

  4. Le sévirat, seviratus ou sexviratus, était chez les anciens Romains la dignité de sévir (sevir augustalis ou sex vir, vi. vir), attribuée chaque année à six affranchis de haut mérite.

  5. « P. Decimius P.L. Eros Merula, médecin clinique, chirurgien oculiste, sévir, a donné : 700 sesterces pour sa liberté ; 2 000 sesterces à la république pour son sévirat ; 30 000 sesterces pour mettre des statues dans le temple d’Hercule ; 30 850 sesterces au public pour paver les routes. La veille de sa mort, il a laissé un patrimoine de 700 000 sesterces. »

    h..s désigne le grand sesterce qui en valait mille petits et était estimé équivalent à environ 95 livres tournois. Les sommes varient selon l’interprétation des symboles romains : j’ai choisi celle qui m’a paru la plus plausible, soit 350 pour o-o, et 10 000 pour  (avec mes excuses aux lecteurs dont le navigateur internet n’affiche pas correctement les caractères que j’ai utilisés).

    Quoi qu’il en soit, Guy Patin (ou le rédacteur de son Esprit) avait raison de fustiger Bergier, car cette inscription n’attribue pas les donations à deux personnes distinctes, mais à une seule, le dénommé P. Decimius P.L. Eros Merula, qui se targuait de quatre titres :

    1. affranchi {i} qui conservait son double nom, celui de son ancien maître, P. Decimius, et celui qu’il portait étant esclave, Eros Merula ;

    2. médecin clinique, {ii} aujourd’hui qualifié de clinicien, c’est-à-dire exerçant au chevet {iii} du patient ; clinicus désignait également le malade alité et le croque-mort ; l’histoire ecclésiastique a aussi appelé cliniques « ceux qui reçoivent le baptême au lit de la mort » (Trévoux) ;

    3. chirurgien oculiste, {iv} c’est-à-dire opérant les yeux ; {v} mais Bergier, qui était juriste, s’est grossièrement mépris en parlant d’un « chirurgien oculiste, dénommé Clinicus » ;

    4. et sévir. {vi}

      1. P.L., P. liberatus, « affranchi de ou par P. [Decimius] ».

      2. Medicus clinicus.

      3. Ou au lit, klinê en grec.

      4. Chirurgus ocularius.

      5. V. note [8], lettre 387, pour l’exemple de François Thévenin.

      6. Sex vir, v. supra notule {b}.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-1, note 10.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8214&cln=10

(Consulté le 20/04/2024)

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