Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 10.
Note [10]

Ce sombre épisode des annales pontificales a fait l’objet de nombreuses relations. Celle qui me semble avoir influencé le Moréri est dans L’Abrégé des Annales ecclésiastiques du cardinal Baronius, fait par Henri de Sponde, {a} L’An de Jésus-Christ, 897. Du pape Étienne vii (tome iii, année 897, pages 440‑441) :

« Boniface usurpa quinze jours le Saint-Siège, et ne doit point être mis au nombre des papes, comme ayant été condamné au concile romain sous Jean ix, comme homme méchant qu’on avait déjà dégradé par deux fois, à savoir du diaconat et du presbytérat. {b} Étienne vii, dit le six, s’éleva contre lui, le chassa du Saint-Siège et l’occupa ; {c} et tout cela étant fait par force, apporta une infamie à la sainte Église romaine. Or la cause pourquoi, de ces pontifes intrus, les uns ont été depuis reçus papes, les autres rejetés tout à fait, c’est qu’encore qu’ils aient usurpé tyranniquement le Saint-Siège, ils ont pourtant depuis été élus légitimement avec les cérémonies accoutumées, du consentement du clergé, qui jugeait plus à propos de les tolérer tels qu’ils étaient que de diviser l’Église par un schisme. Et ce qui nous contraint de parler ainsi, c’est que toute l’Église catholique les a honorés comme papes légitimes, ce qui ne fût jamais arrivé si l’on n’eût été assuré que, depuis, ils avaient été légitimement élus.

Ce fut cette année qu’advinrent les méchancetés exécrables que Liutprand et les autres racontent, et les attribuent pourtant mal à Sergius, {d} vu qu’Étienne en est l’auteur, selon les actes du concile, sous Jean, qui sont plus croyables. Étienne, donc, fit tirer du tombeau le corps du pape Formose, {e} et le fit mettre, revêtu des habits pontificaux, dans le saint siège ; et lui ayant reproché, comme s’il eût été vivant, de ce qu’étant évêque de Port, il avait occupé avec trop d’ambition le siège apostolique, il le condamna, le fit dépouiller de ses vêtements, lui coupa les trois doigts desquels on a accoutumé de faire la bénédiction, le fit jeter dans le Tibre, dégrada et réordonna tous ceux auxquels Formose avait donné les ordres ; {f} cet enragé faisant non ce que le droit, mais ce que la fureur lui suggérait ; et cette action fut violente et tyrannique, mais non pas contre la foi. Luitprand raconte plus au long ce forfait, qui fut abhorré de tous ceux qui étaient présents, dit Sigebert, et la raison pourquoi Liutprand l’attribue à Sergius est, qu’étant lors prêtre, il en fut un des principaux auteurs ; mais le pape Étienne faillit davantage, approuvant ce crime détestable en plein concile des siens, lequel fut depuis justement cassé et brûlé par le pape Jean. Après donc tant de témoignages de ce crime énorme, et d’autres que nous rapporterons ci-après, ceux-là se trompent de penser qu’il soit controuvé et non pas véritable. »


  1. Paris, 1655, v. note [19‑4] du Naudæana 3.

  2. Jean ix a dirigé l’Église de 898 à 900. Au tout début de son règne, le concile de Rome raya de la liste des pontifes Boniface vi, qui n’avait régné que quinze jours en avril 896.

  3. Pape en mai 896, Étienne vii, ou vi, mourut étranglé lors d’une émeute populaire en août 897.

  4. Liutprand de Crémone est un évêque, diplomate et historien du xe s.

    Sergius est le pape Serge iii (904-911), qui inaugura la période que Baronius a appelée la « pornocratie pontificale », soit la domination du Saint-Siège par les prostituées.

  5. Le pape Formose a régné de 891 à 896. cardinal-évêque de Port (Porto-Santa Rufina, diocèse dit suburbicaire de Rome) en 864, il avait de sa propre autorité transféré sa résidence épiscopale à Rome, puis illicitement brigué le pontificat en 872, ce qui lui avait valu d’être excommunié et privé de sa mitre jusqu’en 878. Moréri ne mentionne pas ces détails.

  6. Ce procès posthume de Formose, en 897, est surnommé le « Concile ou Synode cadavérique ».

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 10.

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(Consulté le 29/03/2024)

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