Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre II, note 101.
Note [101]

  1. Le septième des 26 livres (traité ii) d’Albert le Grand de Animalibus [des Animaux] traite de venins et de la fille qui mangeait des araignées dans le dernier paragraphe du chapitre v, De permutatione secundum commixtionem diversorum animalium secundum coitum, et de differentia intoxicationis sive venenesorum secundum loca, et ex hoc quod venenosum comedit alterum [De la permutation selon le mélange des divers animaux et selon l’accouplement, et de la différence de l’empoisonnement et des animaux venimeux selon les lieux et en lien avec le fait qu’un animal venimeux en mange un autre] (Opera omnia [Œuvres complètes], tome vi, page 236, Lyon, 1651, v. note [8], lettre 133) :

    Sed de mirabilibus quæ visa sunt in talibus, est unum quod refert Aristot. in libro de regimine dominorum, quem scripsit ad Alexandrum, quod videlicet puella missa fuit Alexandro, ex cuius morsu moriebantur homines sicut ex morsu serpentum : et humor salivialis in ipsa fuit venenum. Et possibilitas huius probatur ex hoc quod sagitta intincta in salivam hominis ieiuni intoxicatur, quando vulnerat alium. Et quod unicuique saliva propria est medicamen contra venenum, et alij non est salutaris, et forte est sibi venenosa. Narrat autem Avicenna, quod in terra de naffatye fuit homo temporibus suis, qui quoties voluit, paralyticabat corpus suum, et rursum quando voluit, sanabatur : et venenosa pungentia cauda vel lingua, sicut scorpio, vel arenea, fugiebant eum, nisi multum lacessita et provocata ab ipso : et statim ut pupugerunt eum, moriebantur venenosa illa : et ipse homo remansit illæsus : et serpens quidam magnus momordit eum, et statim mortuus fuit serpens : et venenum serpentis non induxit in viro, nisi effimeram duorum dierum. Et cum ad terram illam gratia videndi eum venisset Avicenna, invenit mortuum : sed filium reliquerat, in quo multa videbantur de miralibus patris, quem in præsentia Avicenna momordit serpens, fere fuit mortuus : et hanelitus viri illius horribilis et nocivus fuit valde serpentibus omnibus. Adhuc autem in nostra præsentia in Colonia coram multis de sociis nostris præsentabatur quodam tempore puella forte trium annorum, quæ statim ut dimittebatur de manibus matris, per angulos parietum discurrebat quærendo areneas, et omnes parvas et magnas comedit : et proficiebat ex hoc cibo, et multum præ omnibus cibis desideravit eum.

    [Quant aux merveilles qu’on voit en ces pays, il en est une que relate Aristote dans son liber de regimine dominorum, qu’il a écrit à l’intention d’Alexandre : {a} on avait envoyée à Alexandre une petite fille dont la morsure tuait les hommes comme celle d’un serpent ; sa salive était un venin ; pouvoir que démontre le fait qu’une flèche imprégnée avec la salive d’un homme à jeun en empoisonne un autre quand elle le blesse ; et que la propre salive de tout un chacun est pour lui-même un remède contre le venin, mais n’en est pas un pour autre que lui, pouvant même alors devenir poison pour celui-là. Avicenne raconte aussi que, de son temps, il y eut dans le pays de Naffaty {b} un homme qui se paralysait le corps chaque fois qu’il voulait et se guérissait de même, à son gré ; et que les animaux qui piquent du venin par la queue ou par la langue, comme le scorpion ou l’araignée, le fuyaient sans qu’il les ait attaqués ou provoqués ; et sitôt qu’ils l’avaient piqué, ils mouraient de son venin, tandis que le leur n’avait aucun effet sur cet homme ; un grand serpent périt sur-le-champ après l’avoir mordu, et ne procura pas d’autre mal à cet homme qu’une fièvre éphémère de deux jours. Quand Avicenne vint en ce pays pour le voir, il apprit qu’il était mort, mais il avait laissé un fils, chez qui se retrouvaient nombre des étonnantes capacités de son père : un serpent le mordit sous les yeux d’Avicenne et la bête en mourut presque ; l’haleine de cet homme était effrayante et toxique pour absolument tous les serpents. Voici quelque temps, à Cologne, en ma présence et en celle de nombre de mes compagnons, s’est présentée une fillette d’environ trois ans qui, dès qu’elle lâchait les mains de sa mère, se précipitait dans les recoins de murs pour y chercher des araignées et les mangeait toutes, grandes comme petites ; elle tirait profit de cette nourriture et la préférait à toutes les autres].


    1. Apocryphe intitulé Liber moralium de regimine dominorum, qui alio nomine dicitur Secretum secretorum, editus ab Aristotele ad Alexandrum regem et discipulum dicti Aristotelis ; qui liber translatus fuit de lingua arabica in latinam [Livre de préceptes moraux sur le régime des seigneurs, autrement intitulé le Secret des secrets, écrit par Aristote à l’intention d’Alexandre (le Grand), roi et disciple dudit Aristote ; ouvrage (attribué à Philippus Tripolitanus) qui a été traduit d’arabe en latin].

    2. Contrée que je n’ai pas identifiée et narration que je n’ai pas trouvée dans le Canon d’Avicenne.

  2. Il est question d’un roi des Indes nommé Porus dans les histoires d’Alexandre le Grand, mais je n’ai pas trouvé la source première du conte qu’en rapportait Guy Patin. Il l’a emprunté mot pour mot aux Œuvres pharmaceutiques de Jean de Renou (Lyon, 1626, v. note [37], lettre 104), chapitre xv, Des Venins, trois premières lignes de la page 30.

  3. Patin se référait ensuite à deux passages de l’Histoire naturelle de Pline.

    • Livre xxviii, chapitre vi (Littré Pli, volume 2, page 255) :

      Quorundam hominum tota corpora prosunt : ut ex iis familiis quæ sunt terrori serpentibus, tactu ipso levant percussos, suctuve modo. Quorum e genere sunt Psylli, Marsique, et qui Ophiogenes vocantur in insula Cypro : ex qua familia legatus Evagon nomine, a consulibus Romæ in dolium serpentium coniectus experimenti causa, circummulcentibus linguis miraculum præbuit. Signum ejus familiæ est, si modo adhuc durat, vernis temporibus odoris virus. Atque eorum sudor quoque medebatur, non modo saliva.

      « Le corps de certains hommes est tout entier médicinal : par exemple, les hommes de ces familles redoutées des serpents guérissent les personnes mordues, soit par un simple attouchement, soit par une légère succion. À cette catégorie appartiennent les Psylles, les Marses, {a} et ceux qu’on nomme Ophiogènes dans l’île de Chypre. {b} Un certain Évagon, {c} appartenant à cette famille et député à Rome, fut, par forme d’expérience, mis par les consuls dans un tonneau rempli de serpents, qui, à l’admiration universelle, ne firent que le lécher. Le signe commun à cette famille, si elle subsiste encore, est une odeur forte qui se fait sentir au printemps. La sueur même de ces hommes n’était pas moins un remède que leur salive. »


      1. Les Psylles (Psylliens pour Patin) étaient un « peuple de Libye [v. notule {a}, note [28] des Triades du Borboniana manuscrit] qui charmait les serpents et guérissait de leur morsure » (Gaffiot). Les Marses étaient un peuple du Latium qui se targuait des mêmes aptitudes que les Psylles.

      2. Ophiogènes dérive du grec ophis, serpent : « on désignait par ce terme une race d’hommes qui se disaient issus d’un serpent et prétendaient avoir les mêmes vertus qu’on attribuait aux Psylles ; les Ophiogènes de Chypre étaient des espèces de charlatans » (Académie) ; « anciens peuples qui occupaient l’île de Paros ; Moréri dit qu’on donna aussi ce nom à une famille qui habitait anciennement l’île de Chypre ; les Ophiogènes passaient parmi les Anciens, aussi bien que les Marses, célébres peuples de l’ancienne Italie et les Psylles, peuples de l’Afrique, contrée de la Libye, pour avoir la vertu de guérir les piqûres venimeuses des serpents » (Trévoux). La plume de Patin a doublement fourché en écrivant que les Ophiagenes (pour Ophiogenes) se nourrissaient de « poissons ».

      3. Nom que Patin a écorché en Exagon.

    • Livre vii, chapitre ii (Littré Pli, volume 1, page 281) :

      Crates Permagenus in Hellesponto circa Parium, genus hominum fuisse tradit, quos Ophiogenes vocat, serpentium ictus contactu levare solitos, et manu imposita venena extrahere corpori. Varro etiamnum esse paucos ibi, quorum salivæ contra ictus serpentium medeantur. Similis et in Africa gens Psyllorum fuit, ut Agatharchides scribit, a Psyllo rege dicta, cujus sepulcrum in parte Syrtium majorum est. Horum corpori ingenitum fuit virus exitiale serpentibus, et cujus odore sopirent eas. Mos vero liberos genitos protinus objiciendi sævissimis earum, eoque genere pudicitiam conjugum experiendi, non profugientibus adulterino sanguine natos serpentibus. Hæc gens ipsa quidem prope internecione sublata est a Nasamonibus, qui nunc eas tenet sedes : genus tamen hominum ex iis qui profugerant, aut, quum pugnatum est, abfuerant, hodieque remanet in paucis. Simile et in Italia Marsorum genus durat, quos a Circæ filio ortos ferunt, et ideo inesse iis vim glem eam. Et tamen omnibus hominibus contra serpentes inest venenum : feruntque ictas saliva, ut ferventis aquæ contactum fugere. Quod si in fauces penetraverit, etiam mori ; idque maxime humani jejuni oris.

      « On lit dans Cratès de Pergame que sur l’Hellespont, auprès de Parium, fut une espèce d’hommes qu’il appelle Ophiogènes, {a} habitués à guérir par des attouchements les morsures des serpents et à extraire du corps les venins par l’imposition des mains. Varron {b} prétend même qu’il y en a encore dans le même lieu un petit nombre et que leur salive est un remède contre ces morsures. Telle était aussi en Afrique, au rapport d’Agatharchide, {c} la nation des Psylles, ainsi nommés d’après le roi Psylle, dont le tombeau est situé dans les grandes Syrtes. Leur corps possédait naturellement un venin funeste aux serpents, et dont l’odeur assoupissait ces animaux. Leur coutume était d’exposer leurs enfants, aussitôt après la naissance, aux plus redoutables de ces reptiles et d’éprouver ainsi la chasteté de leurs femmes, les serpents ne s’éloignant pas des enfants nés d’un commerce adultère. Cette nation a été presque exterminée par les Nasamons qui maintenant occupent ce pays. Cependant la race de ces hommes fut perpétuée par ceux qui échappèrent au combat, ou qui étaient absents au moment où il se livra ; et il en reste quelques-uns aujourd’hui. Telle est encore en Italie la race des Marses, que l’on dit issus du fils de Circé, {d} et chez qui on explique par là cette propriété naturelle. Au reste, tous les hommes possèdent un venin redouté des serpents : on prétend que ces reptiles, touchés par la salive, fuient comme si c’était de l’eau bouillante, et que si elle pénètre dans la gueule, ils meurent, surtout quand l’homme qui crache est à jeun. »


      1. Cratès, natif de Mallos en Cilicie, est un philosophe et grammairien grec du iiie s. av. J.‑C. qui enseigna à Pergame.

        Pline se contredisait en écrivant ici que les Ophiogènes vivaient dans l’Hellespont (détroit des Dardanelles, v. note [51], lettre 413), contrée bien distincte de l’île de Chypre mentionnée dans le précédent extrait.

      2. V. note [1], lettre 14.

      3. Grammairien et géographe grec du iie s. av. J.‑C., natif de Cnide.

      4. V. note [7] du Traité de la Conservation de santé, chapitre viii, pour la magicienne Circé et les enfants qu’elle donna à Ulysse.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre II, note 101.

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(Consulté le 19/03/2024)

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