Autres écrits : Commentaires de la Faculté rédigés par le doyen Guy Patin (1650-1652) : 1D. Novembre 1650-novembre 1651, Affaires de l’Université, note 11.
Note [11]

Le Catéchisme de la grâce est un petit in‑fo anonyme de 45 pages, sans nom ni lieu ni date. Il est composé de 7 chapitres totalisant 65 paragraphes numérotés, qui se concluent sur cette profession de foi janséniste (pages 44‑45) :

« 65. Dieu ne veut-il sauver que ses Élus ?

Non, il ne veut sauver que ceux qu’il a prédestinés, et il n’a prédestiné que ses élus. S’il voulait sauver tous les hommes en particulier, puisqu’il fait tout ce qu’il veut au ciel et en la terre, et que personne ne peut résister à sa volonté, il les sauverait tous effectivement ; et c’est pourquoi cette proposition de l’Apôtre, Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, {a} ne se doit point entendre de tous les hommes en particulier, sans en excepter un seul, mais de tous les élus et prédestinés, qui sont de tous états, âge, sexe, pays et condition. »


  1. Saint Paul, Première épître à Timothée (2:1‑4) :

    « Je recommande donc, avant tout, qu’on fasse des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâces pour tous les hommes, pour les rois et tous les dépositaires de l’autorité, afin que nous puissions mener une vie calme et paisible, en toute piété et dignité. Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés. »


Mathieu Feydeau (Paris 1617-Annonay 1694), auteur de ce livre, bénéficie d’une longue notice biographique dans le Dictionnaire de Port-Royal (pages 405‑408). Issu d’une famille de robe originaire du Bourbonnais, il avait été reçu licencié en théologie et ordonné prêtre en 1644. Docteur de Sorbonne l’année suivante, curé puis vicaire de Saint-Merri (1645-1648), il se consacra ensuite à promulgation du jansénisme en donnant des conférences, prêchant, confessant, enseignant le catéchisme et publiant de nombreux ouvrages théologiques. Défenseur d’Antoine ii Arnauld, il fut chassé de la Sorbonne, avec une soixantaine de ses confrères en 1656 (v. note [1], lettre 433). En 1682, après une vie de rudes combats, Feydeau fut exilé à Annonay dans le Vivarais (Ardèche) ; il y a terminé ses jours en rédigeant ses Mémoires (publiés par E. Jovy à Vitry-le-François en 1906), où il parle en ces termes de son Catéchisme (pages 47‑49) :

« M. de Caumartin, évêque d’Amiens, {a} notre voisin et notre paroissien, avait de la bonté pour M. Duhamel {b} et pour moi. Je trouvai en lui un grand zèle pour les vérités de la grâce ; après quelques visites, il me dit qu’il croyait fort utile de faire un catéchisme sur ce sujet, qui expliquât les vérités en peu de mots. Je lui dis que cela serait fort aisé, pourvu qu’il voulût autoriser cet ouvrage et le faire recevoir dans son diocèse par une lettre pastorale qui obligeât les curés à le lire. “ Il faudrait, me dit-il, que je fusse dans mon diocèse pour faire une telle ordonnance, et je ne sais quand j’y serai. ” Quelque temps après, comme je prêchais à Saint-Thomas-du-Louvre l’octave du Saint-Sacrement, il me parla encore de ce même catéchisme, et je lui demandai s’il connaissait quelqu’un qui le pût bien faire. Il me dit que je le pouvais et qu’il me priait d’y travailler. Je m’y engageai et lui portai ce petit ouvrage huit jours après. Il le fit imprimer et me pria de trouver bon qu’il n’y mît point son nom, ne désirant pas même qu’il portât aucune marque qu’il fût fait pour < son > diocèse, ni qu’il y eût aucune part. Ainsi il parut sans aucune approbation. Je l’abandonnai à la volonté de ce prélat, ne désirant rien sinon qu’il pût contribuer à faire connaître la vérité.

Nous apprîmes peu de temps après que les jésuites le voulaient faire censurer au conseil de M. l’archevêque. L’official qui y présidait leur demanda ce qu’ils trouvaient de si mauvais de ce petit livre. Ils ne purent rien marquer en particulier, mais ils étaient fort choqués de ce titre : Le Catéchisme de la grâce. Comme leur brigue augmentait et qu’on nous assurait qu’on le pourrait bien flétrir, M. l’abbé de Lalane, M. de Meindre et moi, {c} nous allâmes dire à M. l’official qu’il lui plût avoir égard à ce que nous présentions et demandions d’être écoutés pour la défense de ce catéchisme si on l’attaquait, nous faisant forts que, quand on nous aurait entendus, on le trouverait très orthodoxe. La chose n’alla pas plus loin à Paris ; mais elle fut portée à Rome.

Les adversaires y obtinrent un décret de l’Inquisition qui défendait de lire deux catéchismes sur la grâce, le mien et un de Douai qu’on avait fait pour le réfuter, et dans lequel on disait que le mien renouvelait des propositions condamnées. […] Mais les jésuites, qui ne cherchaient qu’à triompher devant les hommes, firent publier ce décret dans Paris avec beaucoup d’éclat. Les colporteurs couraient comme des fous par toutes les rues et criaient à gorge déployée : “ Voilà l’excommunication de tous les jansénistes ! ”, et s’arrêtaient devant nos fenêtres afin d’exciter la paroisse contre nous, y étant envoyés exprès. J’en fus parler à M. Molé, premier président, {d} n’étant pas permis en France de publier des décrets de l’Inquisition : “ Que voulez-vous que je fasse, dit M. Molé, l’insolence publique est telle aujourd’hui que, si on avait entrepris de publier dans la rue la mort du premier président, il n’oserait pas dire qu’il est vivant ! ” Je fus voir M. Fouquet, procureur général, {e} et depuis on n’entendit plus publier ce décret. Il y eut quelques petits livres mal faits qui parurent contre mon catéchisme. M. Arnauld les pulvérisa par un écrit digne de sa profonde érudition. {f} »


  1. François Le Fèvre de Caumartin, v. note [8], lettre 298.

  2. Henri Duhamel, curé de Saint-Merri, v. note [27], lettre 368.

  3. V. note [114] des Déboires de Carolus, pour le janséniste Noël de Lalane. M. de Meindre ne figure ni dans le Dictionnaire de Port-Royal, ni dans l’index du Port-Royal de Sainte-Beuve.

  4. Mathieu i Molé (v. note [52], lettre 101) était le parrain de Feydeau.

  5. V. note [7], lettre 252, pour Nicolas Fouquet, alors procureur général du Parlement depuis novembre 1650, qui jouissait d’un certain ascendant sur les jésuites.

  6. Antoine ii Arnauld (v. note [46], lettre 101), sous le pseudonyme du sieur de La Motte : Apologie pour les Saints Pères de l’Église défenseurs de la grâce de Jésus-Christ. Contre les erreurs qui leur sont imposées… (Paris, sans nom, 1651, in‑4o).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Commentaires de la Faculté rédigés par le doyen Guy Patin (1650-1652) : 1D. Novembre 1650-novembre 1651, Affaires de l’Université, note 11.

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(Consulté le 06/12/2024)

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