À Claude II Belin, le 27 novembre 1638, note 12.
Note [12]

Mise en chantier des Danielis Sennerti Vratislaviensis. D. et Medicinæ in Academia Wittebergensi Professoris publici, Operum tomus i-iii [Tomes i-iii des Œuvres de Daniel Sennert, natif de Breslau (v. note [6], lettre de Charles Spon, datée du 24 avril 1657), docteur et professeur public de médecine en l’Université de Wittemberg] (Paris, apud Societatem, 1641, 3 volumes in‑fo) :

  • tome i, quo continentur Epitome Physices, Hypo<m>nemata Physica, Institutiones Medicinæ, Tabulæ Institutionum, De consensu < ac dissensu > Chymicorum cum Galenicis [qui contient l’Abrégé d’histoire naturelle, les Notes d’histoire naturelle, les Institutions médicales, les Tables des Institutions, le Traité sur l’accord < et du désaccord > entre les chimistes et les galénistes] ;

  • tome ii, quo habentur Medicinæ practicæ Pars i. ii. et Tractatus de Febribus [qui contient les 1re et 2e parties de la Médecine pratique, et le Traité des fièvres] ;

  • tome iii, quo habentur Medicinæ practicæ Pars iv. v. et vi. [qui contient les 4e, 5e et 6e parties de la Médecine pratique].

Guy Patin avait supervisé lui-même cette volumineuse édition, et obtenu qu’une association (Societas) de cinq libraires parisiens (Michel Soly, Jacques Quesnel, Jean Branchu, Louis Heuqueville et la veuve de Jean Petitpas) en assurent la coûteuse publication. Le privilège royal leur en appartenait et les tentatives de rééditions ultérieures, peu licites, à Rouen et à Lyon, firent en 1649 l’objet de chicanes, dont Patin allait en leurs temps décrire les méandres.

Le livre fut néanmoins réédité à Lyon en 1650, par les soins de Charles Spon (v. note [20], lettre 150). Il fut réimprimé plusieurs fois (1654 et 1656, 1666 et 1676, v. notes [33], lettre 285, [9], lettre latine 35, [3], lettre 819, et [6], lettre 827).

Quant aux affaires de la Faculté de médecine de Paris, le plus intéressant de cet imposant ouvrage est, en tête du tome i, l’épître dédicatoire D.D. Renato Moreau, Doctori medico Parisiensi, et Professori Regio meritissimo [à René Moreau, docteur en médecine de Paris et professeur royal d’un insigne mérite]. Datée de Lutetiæ Parisiorum Kal. Iun. mdcxli [Paris, le 1er juin 1641] et signée par les cinq libraires associés, elle est en fait de la plume de Patin, comme il en est convenu dans ses lettres (v. lettre à Claude ii Belin, datée du 12 août 1643) et devant les juges. Quelques-unes de ses phrases allaient en effet déclencher la fureur de Théophraste Renaudot et mener au procès qui l’opposa à Patin en 1642 (v. note [3], lettre 90).

  • D’abord, pour donner le ton, on y lit une vigoureuse mise en garde contre la complaisance de Sennert à l’égard de la chimie :

    Nonnulla etiam aliquando e Chymia protulit, verum ita, ut eorum abusum exagitaret ; qui malo quodam fato, non sine miserabili tot inde pereuntium pernicie, in vestram medicinam irrepsit, insatiabili scilicet avaritia, crassaque prorsus ignorantia tot fumivendulorum, qui per orbem terrarum cum suis venenis antimonialibus et mercurialibus, horrendam quandam carnificinam exercent, et civium nostrorum periculis experimenta per mortes agunt : nimia sane et parum Christiana magistratuum nostrorum indulgentia, quibus hoc potissimum muneris a Deo incumbit, ut plebem sibi commissam ab omni eiusmodi grassatorum periculo liberent atque tueantur.

    [Ici et là, il a tiré quelques enseignements de la chimie, mais en vérité, surtout pour en critiquer l’abus. Par quelque mauvais sort et non sans la déplorable perte de tant de gens qui en sont morts, cet excès s’est insinué dans votre médecine, par l’avidité insatiable et l’ignorance absolument crasse de tant de petits vendeurs de fumée {a} qui, avec leurs poisons antimoniaux et mercuriaux, exercent partout sur terre l’horrifiant office du bourreau et font de mortelles expériences au péril de nos concitoyens ; et ce, grâce à l’indulgence véritablement outrancière mais bien peu chrétienne de nos magistrats, à qui, de par Dieu, incombe par-dessus tout le devoir de délivrer et mettre le peuple qu’il leur a confié à l’abri de tout le danger de tels brigands].


    1. fumi vendulorum ; Fumos vendere [Vendre des fumées] est un adage qu’Érasme a commenté (no 341), tiré de Martial : vendere nec vanos circa palatia fumos [ni vendre de vaines fumées autour du palais] (Épigrammes, livre iv, 5, vers 7).

  • Plus loin, vers la fin, se trouve l’assaut, au terme d’une énumération louangeuse des œuvres de Moreau :

    ac præ cæteris omnibus præclara illa, quam non ita pridem in vestræ facultatis Medicæ decus et honorem edidisti in lucem Apologia, adversus quendam nebulonem, qui fictæ pietatis et charitatis non sinceræ larvam prætendens, in hanc Urbem novitates nescio quas inducere, et maleferiatæ mentis somnia passim obtrudere moliebatur. Neque vero dum de istius hydræ grassante jam iminanitate insignem victoriam retulisti ; tum facundiæ tuæ vi, tum rationum et argumentorum pondere, facultatis solum Medicæ honori consuluisti, quem ita sartum tectumque servasti adversus impudentissimas istius blateronis calumnias, verumetiam singulari beneficio totam ipsam Galliam Tibi devinxisti, dum elatos nimium tam perditæ frontis animos confregisti, illiusque tela plane retudisti, qui contra jus fasque omne technis suis pessime iis insidiabatur quorum innocentiam, probitatem et pietatem tam egregie defendisti.

    [et devant tout le reste, cette brillante Défense, que vous avez publiée il y a peu de temps, {a} pour la gloire et l’honneur de votre Faculté de médecine, contre un certain vaurien qui, sous un masque de feinte piété et de fourbe charité, {b} entreprenait d’introduire en cette ville je ne sais quelles nouveautés et d’imposer partout les rêveries d’un esprit tourmenté. Et si vous n’avez pas encore remporté une absolue victoire contre la férocité de cette hydre {c} à brigander, tant par la force de votre éloquence que par le poids de vos raisonnements et de vos arguments, vous vous êtes uniquement préoccupé de l’honneur de la Faculté de médecine, que vous avez conservée saine et sauve contre les calomnies fort effrontées de ce babillard ; mais par cet exceptionnel bienfait, vous vous êtes aussi attaché toute la France car vous avez brisé l’orgueil d’une outrecuidance sans fond, vous avez entièrement émoussé les traits de celui qui, par ses fourberies, et contre toute loi humaine et divine, avait tendu le pire piège à ceux dont vous avez si remarquablement défendu l’innocence, la probité et l’honneur].


    1. Défense de la Faculté… contre Théophraste Renaudot (v. note [8], lettre 57).

    2. Les consultations charitables du Bureau d’adresse et de rencontre établi en 1630.

    3. Monstre légendaire à plusieurs têtes, symbole de la chicane et des procès (v. note [5], lettre 607).

    Ces deux mots, nebulo [vaurien] et blatero [babillard], furent ceux qui fondèrent la plainte de Renaudot, mais qui, par ricochet, allaient faire glorieusement connaître Patin dans tout Paris en août 1642 (v. note [3], lettre 90).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 27 novembre 1638, note 12.

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(Consulté le 19/03/2024)

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