Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : xi, note 12.
Note [12]

Le traité de Galien « sur l’Utilité des parties [du corps humain] » (v. note [2], lettre 297) est composé de 17 livres. Le plus clair témoignage de son admiration pour les œuvres divines s’y lit dans le livre iii, à propos de « ceux qui blâment la nature de n’avoir pas fait des pieds la voie par où s’échappent les excréments, […] car il est bien pénible de se lever de son lit pour aller à la selle » (Daremberg, volume 1, pages 261‑262) :

« Quels doivent être, pensez-vous, les dérèglements infâmes qu’un tel homme se permet dans son intérieur, son insolence contre tous les conduits excréteurs du corps, la dépravation, la corruption des plus belles facultés de son esprit, puisqu’il appauvrit et obscurcit cette puissance divine qui seule permet à l’homme de contempler la vérité, et < puis>qu’il accroît, fortifie et rend insatiable ce désir de volupté contre nature, puissance abrutissante et détestable qui exerce sur lui sa tyrannie farouche ?

Si je m’arrêtais plus longtemps à parler de telles brutes, j’encourrais peut-être les justes reproches des hommes sensés ; ils m’accuseraient de profaner le discours sacré que je consacre comme un hymne sincère au créateur des hommes. Je pense que la piété véritable consiste non à immoler des hécatombes {a} sans nombre, non à brûler mille encens, mille parfums ; {b} mais à connaître d’abord et ensuite à apprendre à mes semblables combien grande est la sagesse, la puissance et la bonté du créateur. S’il a donné, autant que possible, à chaque être sa parure appropriée, si rien n’échappe à ses bienfaits, je déclare que c’est la marque d’une bonté achevée : qu’il soit donc par nous célébré comme bon ! S’il a su trouver en tout les dispositions les plus parfaites, c’est le comble de la sagesse ! S’il a fait tout comme il l’a voulu, c’est la preuve d’une puissance invincible !

Si donc vous admirez le bel ordre qui règne dans le soleil, dans la Lune et dans le cortège des astres ; si vous contemplez avec étonnement leur grandeur, leur beauté, leur mouvement éternel, leur retour périodique, n’allez pas, en comparant les choses de ce monde, les trouver mesquines ou mal ordonnées. Ici même vous rencontrerez une sagesse, une puissance, une prévoyance égales. Examinez bien la matière, principe de chaque chose, et ne vous imaginez pas que du sang menstruel ou du sperme puisse donner naissance à un être immortel, {c} impassible, agité d’un mouvement perpétuel, aussi brillant, aussi beau que le soleil ; mais comme vous jugez l’habileté d’un Phidias, {d} sa statue, fût-elle de bois vil, de pierre commune, de cire ou de boue. Ce qui frappe l’ignorant, c’est la beauté de la matière ; la beauté admire la beauté de l’œuvre.

Eh bien, instruisez-vous dans les merveilles de la nature, afin que nous vous traitions, non plus d’ignorant, mais d’homme instruit dans les choses de la nature. Faites abstraction de la différence des matières, considérez l’art nu ; quand vous examinez la structure de l’œil, songez que c’est l’organe de la vision ; quand vous examinez le pied, que c’est l’organe de la marche. Si vous voulez avoir des yeux faits de la substance du soleil, et des pieds d’or pur, non de chair et d’os, vous oubliez quelle matière les constitue. Considérez si cette substance est une lumière céleste ou un terrestre limon, car vous me permettrez de donner ce nom au sang de la mère qui pénètre dans l’utérus. Si vous avez donné de l’argile à Phidias, vous ne lui réclamerez pas une statue d’ivoire. De même, avec du sang vous n’obtiendrez jamais un soleil, une Lune ou ce corps brillant et beau dont ils sont faits. Ce sont des corps divins et célestes, nous ne sommes, nous, que des statues de limon. L’art du créateur est égal de part et d’autre »


  1. Étymologiquement, une hécatombe (du grec hékatombê) est un sacrifice de cent (hékaton) bœufs (bous).

  2. Traduction de casia (mot bilingue, grec et latin) par « parfum » : distincte de la casse purgative (cassa en latin), la casse odorante (casia) est l’écorce précieuse d’un arbre d’Inde qui ressemble à l’arbre à cannelle.

  3. Bien avant la découverte des spermatozoïdes et des ovules, les Anciens considéraient la conception comme l’union du sperme (jugé immortel car transmis du père à l’enfant) avec le sang menstruel, tenu pour être la semence féminine (v. note [17] de L’homme n’est que maladie).

  4. Sculpteur grec du ve s. av. J.‑C.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Observations de Guy Patin et Charles Guillemeau sur les us et abus des apothicaires (1648) : xi, note 12.

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(Consulté le 20/04/2024)

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