Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 13.
Note [13]

Robertus Titius (Roberto Titi, Sansepolcro, Toscane 1551-Pise 1609), philologue et professeur de droit à Bologne puis à Pise, a écrit des commentaires érudits sur plusieurs auteurs latins.

L’index de ses Locorum controversorum libri decem. In quibus plurimi veterum scriptorum loci conferuntur, explicantur, et emendantur multo aliter, quam hactenus a quoquam factum sit… [Dix livres de passages controversés, où sont réunies, expliquées et corrigées plusieurs citations des anciens auteurs, de manière fort différente de ce que quiconque en a écrit jusqu’ici…] (Florence, Bartolomæus Sermartellius, 1583, in‑4o) signale une douzaine d’endroits où il critique les interprétations de Joseph Scaliger. La plus rude attaque de Titi se lit au début du chapitre xvi du livre vii (pages 186‑187) :

Augyæ fimetum egerere velim, si tres illos poetas […] ab omni labe, quam ipsis nuper aspersit Iosephus Scaliger, vindicare coner, esset enim id labor vere Herculeus, adeo multa sunt, quæ homo ille nescio quo sinistro numine afflatus, in illis temere, atque audacter, cælum terra miscens demutavit : verum quoniam bono publico fieri video, ut sinceræ lectiones in optimis auctoribus conserventur, unum, atque alterum insigniorem locum, prout ii sese offerent, de tam multis excerpam, ipsosque a prava Scaligeri vel emendatione, vel explicatione, quantum potero, vindicabo.

[Je voudrais vider le fumier d’Augias {a} en entreprenant de venger ces trois poètes {b} (…) de toute la souillure que Joseph Scaliger a dernièrement répandue sur eux ; mais cette tâche serait vraiment herculéenne, tant cet homme, inspiré par je ne sais quelle volonté, mêlant le ciel à la terre, a altéré, à l’aveuglette et hardiment, quantité de leurs vers. Puisque je trouve opportun pour le bien public d’agir pour conserver intacte la lecture des meilleurs auteurs, j’extrairai néanmoins, entre bien d’autres, tel ou tel passage de Scaliger, selon qu’il s’offrira à moi, pour délivrer ces poètes des corrections ou des interprétations erronées dont il les a affligés].


  1. V. note [22], lettre 318, pour le neuvième des douze travaux d’Hercule qui consista à nettoyer les écuries d’Augias.

  2. Catulle, Tibulle et Properce.

Du château d’Abain (v. note [8], lettre 266), le 18 décembre 1585 (Ép. fr. lxvi, pages 207‑208), Scaliger écrivait à Claude Dupuy (v. note [5], lettre 181) :

« La présente sera encore pour vous remercier bien humblement une autre fois du livre de Robertus Titius, lequel j’ai lu non sans grande admiration, non seulement qu’un homme si ignorant et si présomptueux se soit trouvé en Italie, qui ait voulu mettre en lumière un livre plein de tel fatras, mais encore qu’il soit si dépourvu d’amis que nul ne l’ait averti de son erreur et détourné de publier sa honte par son œuvre. Il y peut avoir demi-douzaine de chapitres tolérables en ce livre, comme il n’y a personne de si déplorée ignorance auquel vérité ne lui échappe quelquefois ; mais quant au reste, ce n’est qu’ignorance, vanité, vanterie, calomnie. Je vous l’aurais tôt déchiffré si j’étais auprès de vous. Ce n’est qu’un âne. Il en veut à moi plus qu’à autre, qui est signe qu’il a trouvé en moi naturel dissemblable au sien. Je suis marri que je ne vous puis tracer maintenant, en peu de papier, de ses folies, pour les montrer à ceux de sa nation qui peut-être l’admirent, comme c’est une nation qui admire plus tôt une mouche de delà les monts, qu’un bœuf de deçà. {a} Mais peut-être que ceux qui ont intérêt en ceci ne le laisseront pas ainsi sans lui mettre la puce à l’oreille. Quant à moi, il y a longtemps que j’ai dit adieu à Titius, Carrio, {b} et tels babouins et souillons de cuisine, lesquels je mets tout en un sac avec Frégeville et le procureur de Lisle. » {c}


  1. Possible allusion à la moquerie de Jules-César Scaliger (« le bœuf de deçà ») sur la mouche que Virgile aurait fait clouer sur une porte de Naples (« de delà les monts ») : v. note [4] du Borboniana 7 manuscrit, notule {c‑2‑i}.

  2. Ludovicus Carrio (Louis Carrion, Bruges 1547-Louvain 1595), humaniste flamand, s’est notamment illustré par ses travaux sur Salluste.

  3. Jean de Frégeville, mathématicien d’origine albigeoise, n’est plus connu que pour deux traités de chronologie qu’il a publiés dans les années 1580.

    V. notes [10][11] du Borboniana 8 manuscrit pour François de l’Isle (Franciscus Insulanus) et sa querelle astronomique avec Scaliger.


Scaliger n’en répondit pas moins avec furie au livre de Titi par son :

Yvonis Villiomari Aremorici in Locos contreversos Roberti Titii Animadversionum Liber. Ad Nobilissimum Virum Andream Oessentum Quinpentonii et Burentelli dominum, Mœcenatem suum. Cum duplici Indice, altero auctorum utriusque linguæ, qui in hoc libro aut emendantur, aut illustrantur, aut a Titii censura prava, vel calumnia vindicantur : altero rerum, et vocum memorabilium in utraque lingua.

[Livre des blâmes du Breton Yves Villiomarus {a} sur les Passages controversés de Robertus Titius. Dédié à son mécène, le très noble M. Andreas Oessentus, {b} seigneur de Quinpentonius {c} et de Burentellus. {d} Avec deux index : l’un des auteurs des deux langues {e} que ce livre corrige, explique ou venge de la censure erronée et des calomnies de Titius ; l’autre des mots et des sujets mémorables en l’une et l’autre langue]. {f}


  1. Yves Guiomar, pseudonyme de Scaliger.

  2. André Ouessant, autre pseudonyme de Scaliger.

  3. Quimper.

  4. Lieu de fantaisie dont je n’ai pas trouvé le sens caché, sauf allusion masquée à la noble famille des Burden (v. infra).

  5. Latin et grec.

  6. Mamertus Patissonius, 1586, in‑4o de 196 pages ; réédité à Leyde en 1597. D’autres pamphlets littéraires suivirent ce virulent échange.

V. notes [10], lettre 104, pour un copieux commentaire sur le « Scaliger faussaire » de Caspar Scioppius (Mayence, 1607), et [31] de L’ultime procès de Théophraste Renaudot contre la Faculté de médecine de Paris, pour les antiques et nobles familles Burden et La Scala dont les Scaliger, père et fils, prétendaient être issus (et non des modestes Burdonius de Vérone). La note [57] du Faux Patiniana II‑3 ajoute aussi au débat.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 2, note 13.

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(Consulté le 18/04/2024)

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