À Charles Spon, le 24 décembre 1655, note 14.
Note [14]

« la vérité finit par gagner, et la bonne cause par triompher. »

Les Comment. F.M.P. (tome xiv, fos 181‑189, traduits du latin, sauf les passages en italique qui sont en français dans le texte) donnent tous les détails de ce nouvel épisode de la guerre antimoniale.

« Le mardi 14e de décembre 1655, les docteurs de médecine ont été convoqués par article spécial dans les hautes salles des Écoles à deux heures après midi pour entendre la plainte du censeur, Me Pierre Le Conte, {a} sur la thèse proposée par Me François Landrieu avec cette conclusion : “ Une purgation plus légère est donc à pratiquer au début d’une pleurésie inférieure ”. {b} Il affirmait qu’elle était assurément contraire à la doctrine d’Hippocrate et de Galien qui ont partout interdit de pratiquer la purgation au commencement des maladies aiguës quand la matière morbifique est encore en état de crudité ; raison pour laquelle il refusait fermement qu’elle fût disputée devant les Écoles. »


  1. Pierre ii Le Conte.

  2. Ergo pleuritidis inferæ initio levior purgatio. Le titre de la thèse imprimée ne contient pas l’adjectif levior ; elle est datée du 16 décembre 1655 et sa conclusion est bien affirmative (v. supra note [8]).

Après le vote des docteurs présents (dont Guy Patin a donné ici le résultat, 45 contre et 14 pour), le doyen dut prononcer un décret défavorable à Landrieu, lui intimant d’inverser la conclusion de la thèse, et le lui fit porter à son domicile par M. Louis de La Roche, grand bedeau de la Faculté (v. note [1] des Actes de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris), le 20e de décembre.

« À laquelle signification M. François Landrieu a répondu qu’il était pressé de présider à sa thèse qui a été signée de nous, le doyen des Écoles, et publiée ensuite, et qu’il croit que la Compagnie ne l’a pas pu condamner instamment à présider à la négative sans avoir été ouï ; et pour cet effet, supplie M. le doyen de lui vouloir accorder un jour d’assemblée afin de déduire ses raisons et moyens à la Compagnie ; laquelle réponse il a signée F. Landrieu. »

Ses opposants en appelèrent aussitôt au lieutenant civil :

« Supplient humblement Pierre Le Conte, docteur régent de la Faculté de médecine à Paris, censeur d’icelle, et Jacques Perreau, Jean Merlet, René Moreau, Guy Patin, ancien doyen de ladite Faculté, et plusieurs autres docteurs faisant la meilleure et plus saine partie d’icelle, disant que ce jourd’hui, mercredi 22e de décembre, ayant été assemblée aux Écoles de médecine par billet signé de Bourges doyen pour entendre la réponse de M. François Landrieu, docteur, à la signification à lui faite d’un décret donné le mardi 14e dudit présent mois, touchant une thèse qu’il avait proposée, très préjudiciable au public, comme contraire à la pratique de la médecine et à la doctrine d’Hippocrate et Galien, conclue en ces termes Ergo pleuritidis initio purgatio ; laquelle fut rejetée et censurée comme telle, et avait été arrêté qu’il réformerait sa thèse et que la conclusion serait négative au lieu de l’affirmative condamnée ; auquel décret ledit Landrieu, présent à la délibération et conclusion, ne se serait opposé, ni aucun autre pour lui ; lequel par conséquent devait être exécuté selon sa forme et teneur. Mais ledit Sr de Bourges, doyen, ayant contre justice et contre son devoir voulu favoriser ledit Landrieu et l’entendre en ses excuses, lesquelles venaient hors temps pour ruiner un décret très authentique et donné selon les formes, ledit Sr Le Conte, censeur faisant sa charge, s’y serait opposé et empêché qu’on délibérât sur ce décret pour le rompre. À laquelle opposition verbale des suppliants, ledit de Bourges doyen n’aurait voulu déférer, quoiqu’à lui signifiée à l’instant par un huissier, à dessein de faire soutenir cette thèse contre ce que portait ledit décret du 14e de ce mois. Ce considéré, Monsieur, il vous plaise ayant égard à ladite opposition ordonner que ledit décret sera exécuté selon sa forme et teneur ; faire en outre très expresses inhibitions et défenses auxdits de Bourges, Landrieu et tous autres d’y contrevenir en quelque manière que ce soit jusqu’à ce qu’autrement en ait été ordonné, et vous ferez justice. Signé Merlet pour les suppliants, et à côté Ameline. {a} Et au-dessous est écrit ce qui ensuit : Avoir donné assignation et répondant défense de passer outre à l’acte jusqu’à ce qu’autrement par nous en ait été ordonné. Le 22e de décembre 1655. Signé Daubray. » {b}


  1. Daniel Ameline, procureur au Châtelet.

  2. Simon Dreux D’Aubray, lieutenant civil du Châtelet.

Le 23 décembre Le Roy, huissier, portait au domicile du doyen de Bourges une assignation à « comparaître au premier jour dix heures du matin en la Chambre et par devant M. le lieutenant civil audit Châtelet » pour répondre de procéder à l’exécution de ladite requête. Le doyen en appela le 29 décembre à « Messeigneurs de Parlement » :

« Supplient humblement le doyen et docteurs régents de la Faculté de médecine disant que, suivant l’usage observé de tous temps dans les Écoles de la Faculté de médecine, les thèses qui doivent être proposées et défendues auxdites Écoles sont signées du doyen de ladite Faculté, et est sans exemple que l’on ait empêché de soutenir des thèses après qu’elles ont été approuvées et signées dudit doyen. Et néanmoins, M. François Landrieu ayant fait et dressé des thèses sur la question An pleuritidis inferæ initio lenior purgatio ? et conclu pour l’affirmative, qui est conforme à la doctrine d’Hippocrate, Galien et autres auteurs classiques, quelques particuliers docteurs de ladite Faculté, portés de haine et animosité particulière, se sont pourvus par devant le lieutenant civil ; et sur une simple requête, sans ouïr le suppliant ni les autres parties intéressées par son ordonnance du 23e du présent mois, < il > a ordonné que les parties seraient assignées et répondant défense de passer outre à l’acte. Ce considéré, Messeigneurs, et attendu que l’Université et les facultés d’icelle ont leurs causes commises même en première instance lorsque bon leur semble en la Cour, il leur plaise recevoir les suppliants appelant de ladite ordonnance, ordonner que sur ledit appel les parties auront audience au premier jour, et cependant qu’il sera passé outre à l’acte sur la thèse signée du doyen de ladite Faculté de médecine en la forme ordinaire. Et ferez bien. »

Un arrêt du Parlement daté du 8 janvier 1656 intima à la Faculté de se réunir de nouveau pour délibérer. Réunie le 13 janvier suivant, la Compagnie vota en faveur de la soutenance de la thèse fixée au 20 janvier ; elle fut disputée à cette date, en conservant sa réponse affirmative. Patin est revenu sur cette affaire dans sa lettre à Claude ii Belin, datée du 23 février 1657.

Jean iii Des Gorris {a} a publié une énergique défense de cette thèse :

Dissertatio medica, de pleuritide infera, descendente vel hypochondriaca. Quæritur num inferæ pleuritidis initio sit conveniens purgatio. Contra Doctorem Anonymum, Authorem Apologetici et Indignationis Scholæ Medicæ Parisiensis

[Dissertation médicale sur la pleurésie basse, déclive ou hypocondriaque : {b} la question est de savoir si la purgation convient au début de la pleurésie inférieure. Contre un docteur anonyme, {c} auteur d’une apologie qui a provoqué l’indignation de l’École de médecine de Paris]. {d}


  1. Des Gorris (v. note [3], lettre 255) était en deuxième position sur la liste des 61 docteurs régents qui avaient signé pour l’antimoine en 1652.

  2. L’épanchement de la pleurésie se collecte le plus souvent entre le poumon et le diaphragme ou hypocondre (partie dite déclive de la cavité thoracique).

  3. Probablement François Blondel, farouche ennemi de l’antimoine, mais son texte sur la pleurésie, écrit en 1656, est resté à l’état de manuscrit : v. note [32], lettre 442.

  4. Paris, Jacobus Le Gentil, 1656, in‑fo de 28 pages. Un caprice de la reliure des pièces conservées par la BIU Santé (Medica) l’a insérée à la suite de la thèse de Charles Guillemeau publiée en 1648 (v. note [2], lettre 158).

Elle se conclut par ces deux paragraphes :

Ergo in pleuritidis Inferæ initio est conveniens levior purgatio.

Ita censente atque æstimante Ioanne de Gorris Doctore Parisiensi et Medico Regio.

[Une purgation fort légère convient donc au début de la pleurésie déclive.

Ainsi Jean Des Gorris, docteur de Paris et médecin du roi, en juge-t-il et l’estime-t-il].

Suit un Catalogus classicorum qui in controversiam vocavere quæstionem præsentetem, quique affirmant purgationem deberi initio pleuritidis inferæ [Catalogue des auteurs classiques qui se sont interrogés sur la présente question, et tous affirment que la purgation est requise au début de la pleurésie déclive] (pages 27‑28).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 décembre 1655, note 14.

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(Consulté le 16/04/2024)

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