À André Falconet, le 29 décembre 1660, note 16.
Note [16]

Mme de Motteville (Mémoires, page 501) :

« L’avarice du cardinal était telle que la reine {a} n’avait point d’argent : toute la dépense de sa Maison se faisait par l’ordre de Colbert, créature du cardinal, qui épargnait sur toutes choses. Cette jeune princesse n’avait pas de quoi jouer car on ne lui donnait alors que les mille écus par mois destinés de tout temps pour les menus plaisirs des reines et pour leurs aumônes ; mais comme le jeu était à la mode et que la reine aimait quelquefois à jouer, cette somme n’était pas suffisante ; car pouvant beaucoup perdre chaque jour, il arrivait souvent que l’argent était bientôt fini, de sorte qu’elle n’avait pas de quoi faire des aumônes ni de quoi satisfaire à ses plaisirs. Le jour des étrennes, on avait accoutumé de donner à la reine mère, {b} du temps du roi son mari, {c} douze mille écus, mais la reine n’eut que dix mille livres, dont elle fut fâchée à cause que la reine, sa mère, {d} lui avait dit qu’elle avait accoutumé d’avoir douze mille écus. Cette différence lui déplut, elle s’en plaignit à la duchesse de Navailles. Cette dame, croyant faire un service au cardinal, l’en alla avertir, le conseiller de mieux traiter sa maîtresse ; elle lui dit aussi qu’elle était sensible, et qu’elle connaissait le bien et le mal qu’on lui faisait. Il lui répondit que la reine aurait de l’argent quand il lui plairait d’en demander, sans promettre de lui en donner. Il parut en colère contre la reine mère de ce qu’elle voulait qu’on donnât à la reine, sa fille, {e} les douze mille écus dont je viens de parler, et dit avec exagération : “ Hélas ! si elle savait d’où vient cet argent et que c’est le sang du peuple, elle n’en serait pas si libérale. ” Lui qui jouait tous les jours trois ou quatre mille pistoles, qui avait tout l’argent de France dans ses coffres, qui laissait jouer à sa nièce, la comtesse de Soissons, chaque jour des sommes immenses, qui pillait tout et qui laissait faire sur les peuples les plus énormes voleries qui se soient jamais faites ; lui, dis-je, que l’on trouva peu après sa mort avoir rempli de trésors innombrables toutes les places de sa domination et celles de ses amis, il eut la hardiesse de reprocher à sa bienfaitrice, à la mère de son roi, à la mère de la France et des pauvres, douze mille écus qu’elle souhaita qu’il fît donner à la reine selon que le feu roi, son mari, avait accoutumé de les lui donner à elle ; en quoi on peut voir quelle était sa tyrannie, sa dureté et son ingratitude dans les choses où il agissait naturellement. »


  1. Marie-Thérèse.

  2. Anne d’Autriche.

  3. Louis xiii.

  4. Sic pour belle-mère.

  5. Sic pour belle-fille.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 29 décembre 1660, note 16.

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(Consulté le 28/03/2024)

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