À André Falconet, le 27 avril 1660, note 18.
Note [18]

« a des relents de Lipse, tout en lui étant de beaucoup inférieur ».

Ce jugement de Guy Patin a été confirmé par la postérité : seuls les érudits lisent encore Juste Lipse (v. note [8], lettre 36), et presque plus personne ne sait qui a été le P. Théophile Raynaud ; à leur décharge, tous deux ont tout écrit en latin, et faute d’avoir été traduits, leurs ouvrages présentent aujourd’hui fort peu d’attrait. Le déclin du latin a plongé dans un injuste oubli la plus grande partie de la littérature savante des xvie et xviie s.

V. note [15] du Grotiana 1, pour le style de Lipse que les puristes jugeaient trop éloigné des canons cicéroniens. Sans égaler la limpidité d’Érasme, son latin est tout de même, à mon humble avis, beaucoup plus facile à comprendre et à traduire que celui du P. Raynaud.

Dans son article sur Théophile Raynaud, Bayle (note H) a commenté ce passage de Guy Patin :

« J’avoue que je ne saurais comprendre sur quel fondement on accuse ce jésuite d’affecter un style coupé, obscur, pointilleux, rempli de ce que l’on nomme archaïsmes. J’ai lu plusieurs de ses livres et j’y ai trouvé partout un autre langage, un style qui approche beaucoup plus du prolixe que du court, un style qui prend ses aises et qui ne se gêne point dans les coupures, par des suspensions et par de semblables défauts des singes de Lipse. Il n’est point poli à la vérité ; mais s’il est rude et barbare, ce n’est point par l’affectation de la vieille latinité, de cette latinité farcie de phrases de Plaute ou de grécismes qui fait les délices de quelques savants ; c’est plutôt par le mélange de plusieurs termes empruntés des scolastiques. Je remarque même qu’il censura dans l’un de ses adversaires l’emploi de quelques mots grecs : on lui répondit que ce n’était pas à lui à parler de grec, vu qu’il ignorait cette langue. »

Les notes [7], lettre 205, et [5], lettre 308, donnent deux longs échantillons du latin du P. Raynaud, sur lequel je partage plutôt l’avis de Bayle que celui de Patin. Les 20 tomes in‑fo de ses Opera (v. supra note [16], notule {c}) fournissent une ample matière aux linguistes intéressés par la question.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 27 avril 1660, note 18.

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(Consulté le 14/12/2024)

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