Annexe : Autobiographie de Charles Patin
(Lyceum Patavinum, 1682), note 19.
Note [19]

Cette édifiante observation emploie le mot grec anathymiasis, αναθυμιασις, qui signifie « exhalaison, évaporation », mais qui est très peu courant dans les textes médicaux et n’appartient pas au vocabulaire hippocratique. On le lit cependant deux fois dans notre édition : lettre 172 (en relation avec une épilepsie, v. notule {a} de sa note [1]), et Consultation 20 (en relation avec une fièvre accompagnée de paralysie, v. sa note [9]).

Je ne l’ai vu clairement mis en relation avec le sommeil que dans le commentaire de Louis Duret sur les Hippocratis magni Coacæ Prænotiones [Prénotions coaques du grand Hippocrate] (Paris, 1588, v. note [10], lettre 11), au chapitre De melancholia et mania [Sur la mélancolie et la manie] du livre ii (fin du § 2, page 377), à propos de « ceux qui ne sont pas agités » (non turbulenti) :

i. somni silentium et placide dormientium exactam ad noctem, qui faciunt breves tenebras : quia nihil serpunt gratissimi, curasque leniunt et corda oblita laborum. Ex quibus significatio sit redintegrati cerebri, et sanæ mentis nec amplius perturbatæ. Nam turbulentos facit η ταραχη et acris tetraque anathymiasis.

[c’est-à-dire qui ont le sommeil calme et dorment leur nuit entière, sans veiller longtemps dans l’obscurité, car ils trouvent très agréable de se mettre au lit pour adoucir leurs soucis et oublier leurs peines ; ce qui se traduit (au réveil) par un cerveau rafraîchi et un esprit dispos, où tout désordre s’est dissipé. Ce sont en effet le trouble des pensées, et l’exhalaison funeste et violente qui provoquent l’agitation].

Dans la langue littéraire latine, Pétrone (v. note [14], lettre 41) semble être le seul à avoir employé ce mot (Satyricon, chapitre xxxvii), dans le contexte plus trivial du soulagement que procure l’évacuation des flatulences (ou gaz, peut-être la meilleure traduction moderne d’anathymiasis) et des excréments intestinaux :

Nec tamen in triclinio ullum vetuo facere quod se iuvet, et medici vetant continere. Vel si quid plus venit, omnia foras parata sunt : aqua, lasani et cetera minutalia. Credite mihi, anathymiasis si in cerebrum it, et in toto corpore fluctum facit. Multos scio periisse, dum nolunt sibi verum dicere.

[Même à table, je n’ai jamais empêché personne de péter, et les médecins défendent de s’en retenir. Quand vient une plus grosse envie, j’ai tout mis dehors à leur disposition : eau, pot de chambre et autres menues commodités. Crois-moi, si l’exhalaison remonte au cerveau, tout le corps s’en ressent. J’en connais plusieurs qui sont morts de ne pas avouer leur besoin].

Ces quatre contextes donnent à anathymiasis le sens général d’« évaporation ou exhalaison », et le sens particulier de « flatulence intestinale », notamment liée à la constipation (dont souffrait le patient de Charles, et qui le rendait rebelle à la purgation), pour éviter l’emploi d’un mot plus trivial (que je me suis permis de laisser échapper dans ma traduction de Pétrone).

Guy Patin a souvent mis en garde contre les opiacés, prévention qu’il a longuement exposée dans sa leçon latine du Collège de France De Laudano et Opio [Sur le Laudanum et l’opium]. V. note [7], lettre 767, pour le double sens latin du mot experimentum, « expérience » et « péril ».

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Annexe : Autobiographie de Charles Patin
(Lyceum Patavinum, 1682), note 19.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8226&cln=19

(Consulté le 09/10/2024)

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