« ou plutôt, la cour elle-même est un mystère ; tous les courtisans sont gens mystiques, et les initiés ou les adeptes de la dive Fortune qui, dans les affaires des humains, tant pour le calcul du crédit que du débit, écrit l’une et l’autre page. »
Allusion au passage de Pline sur la déesse Fortune (Histoire naturelle, livre ii, chapitre v, § 7 ; Littré Pli, volume 1, page 102) :
Invenit tamen inter has utrasque sententias medium sibi ipsa mortalitas numen, quo minus etiam plana de deo coniectatio esset. Toto quippe mundo et omnibus locis omnibusque horis omnium vocibus Fortuna sola invocatur ac nominatur, una accusatur, res una agitur, una cogitatur, sola laudatur, sola arguitur et cum conviciis colitur, volubilisque, a plerisque vero et cæca existimata, vaga, inconstans, incerta, varia indignorumque fautrix. Huic omnia expensa, huic feruntur accepta, et in toto ratione mortalium sola utramque paginam facit, adeoque obnoxiæ sumus sortis, ut prorsus ipsa pro deo sit qua deus probatur incertus.
« Entre ces deux opinions opposées, l’humanité s’est créé une divinité intermédiaire, comme pour embarrasser encore les conjectures sur la divinité. Dans le monde entier, en tous lieux, à toute heure, une voix éternelle n’implore que la Fortune ; on ne nomme qu’elle, on n’accuse qu’elle, ce n’est qu’elle qu’on rend responsable ; seul objet des pensées, des louanges, des reproches, on l’adore en l’injuriant ; inconstante, regardée même comme aveugle par la plupart, vagabonde, fugitive, incertaine, changeante, protectrice de ceux qui ne méritent pas ses faveurs, on lui impute la perte et le gain. Dans le compte des humains, elle seule fait l’actif et le passif ; {a} et tel est sur nous l’empire du sort qu’il n’y a plus d’autre divinité que ce même Sort, qui rend incertaine l’existence de Dieu. ».
- Utramque paginam facit [Elle décide de tout] est un adage qu’Érasme a commenté (no 1315) :
Itaque in rebus humanis fortuna utramque facit paginam, id est sive quid obtigit boni, ea laudatur, quasi dederit, sive mali quid accidit, eadem incessitur ceu malorum auctor.
[C’est pourquoi, dans les affaires humaines, la fortune remplit l’une et l’autre page, c’est-à-dire qu’on la loue pour ce qu’on obtient de bon, comme si elle nous l’avait donné, et on l’accuse du mal qui arrive, comme si elle était l’auteur de nos malheurs].
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