À Charles Spon, le 18 avril 1664, note 2.
Note [2]

Thomæ Fieni, Philosophi ac Medici præstantissimi Simiotice, sive de Signis medicis tractatus. Opus accuratissimum, omnibus medicinæ studia amplexantibus summe necessarium. In duas partes dividuum, cum indicibus nova methodo paratis.

[Sémiotique, ou traité des signes médicaux de Thomas Fienus, très éminent philosophe et médecin. Ouvrage fort soigné, tout à fait nécessaire à tous ceux qui embrassent les études de médecine. Divisé en deux parties, avec des index arrangés suivant une nouvelle méthode]. {a}


  1. Lyon, Jean-Antoine ii Huguetan et Marc-Antoine Ravaud, 1663, in‑4o de 414 pages.

Thomas Fienus (Fyens ou Feyens, Anvers 1567-Louvain 1631) avait étudié à Leyde puis à Bologne, avant d’être reçu, en 1593, à la fois docteur et professeur de médecine à Louvain, où il enseigna jusqu’à sa mort, avec une éclipse d’un an pour servir Maximilien de Bavière, à Munich. Il a publié plusieurs traités de médecine, de chirurgie et d’embryologie. Sa Simiotice a paru plus de trente ans après sa mort, sur l’instigation de Vopiscus Fortunatus Plempius, à qui les imprimeurs lyonnais ont adressé leur épître dédicatoire. Cet ouvrage et le Semiotice, sive de Signis medicis Enchiridion… [Manuel sémiologique, ou des Signes médicaux…] (Venise, Turrinus, 1654, in‑24) celui de Johann Prevost (v. note [11], lettre 81) ont été, à ma connaissance, les premiers à traiter uniquement de sémiologie médicale et à arborer ce mot dans leur titre.

La sémiologie (séméiologie ou sémiotique) est en médecine la science des signes (sêméia en grec) en tant qu’expressions des maladies : il n’y a pas de maladies sans signes et leur étude est aussi ancienne que la médecine. Le livre de Fienus commence par cette exacte définition :

Signum est, quicquid manifestius existens potest nos ducere in cognitionem illius, quod est occultius : De ratione signi est, quod sit manifestum ; de ratione signati seu illius quod significatur est quod sit occultum : saltem signum debet esse manifestius signat ; et contra signatum debet esse occultius signo : etenim non est necesse, ut signum sit perfecte manifestum, sed satis est, quod sit saltem manifestius signato.

[Le signe est tout ce qui, en s’exprimant, peut nous mener à connaître ce qui est caché. Par essence, le signe est manifeste ; par essence, le signifié, ou ce que le signe exprime, est caché. Du moins, le signe doit-il être plus manifeste que le signifié et à l’inverse, le signifié doit-il être plus caché que le signe. De plus, il n’est pas nécessaire que le signe soit parfaitement manifeste ; il lui suffit d’être plus manifeste que le signifié].

Dans le même ton, scolastique et fastidieux, la suite est une interminable compilation de tout ce que les auteurs antiques, principalement Aristote, Hippocrate et Galien, ont écrit sur cet inépuisable sujet : les maladies sont dues à l’intempérie ou déséquilibre des quatre humeurs corporelles (v. note [4], lettre de Jean de Nully, datée du 21 janvier 1656), en résonance avec les qualités du corps, mêlant le chaud, le froid, l’humide et le sec, et avec l’environnement (climat, hygiène de vie), qui les mélange lui aussi. Tout cette théorie était sommaire et menait à d’inextricables paradoxes, que Fienus s’est pathétiquement évertué à dénouer, sans jamais oser mettre en doute les rêveries des Anciens.

Le médecin limitait alors ordinairement son examen à :

  • parler avec le malade pour connaître son passé, ses habitudes de vie, ses symptômes présents ;

  • le regarder (sans le déshabiller) pour voir son teint, sa corpulence, sa pilosité, sa façon de respirer, l’aspect de sa langue, de ses yeux, de ses ongles, etc. ;

  • lui tâter le pouls, le visage et les membres pour sentir sa « température », chaude ou froide, et son état de sécheresse ou d’humidité ;

  • chercher dans ses excréments (crachats, sueurs, urines, fèces) des signes marquant l’évolution de la maladie – crudité, coction, crise prochaine, issue probable.

Tout cela n’a plus aujourd’hui qu’un intérêt historique, voire archéologique, aidant à comprendre les errances de la vieille médecine. Malgré le titre alléchant de son livre, il serait inexact de voir en Fienus un précurseur de la sémiologie moderne : il s’agissait d’un excellent logicien qui, sans innover le moins du monde, raisonnait juste sur des bases devenues entièrement fausses.

Ayant moi-même été praticien et enseignant assidu de la sémiologie clinique, et croyant avoir déniché une pépite, je me suis lancé avec enthousiasme, en février 2019, dans la traduction fort ardue du livre de Fienus ; mais j’ai abandonné ce projet une fois parvenu à la 21e page, tant ses analyses me semblaient absconses et passées de mode.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 18 avril 1664, note 2.

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(Consulté le 20/04/2024)

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