À André Falconet, le 31 mars 1667, note 2.
Note [2]

Jean-Baptiste Colbert, alors au sommet de sa faveur, avait été élu pour occuper le 14e fauteuil de l’Académie française, libéré par la mort de Jean de Silhon (v. note [6], lettre 692).

Depuis la réception d’Olivier Patru en 1640 (v. note [5], lettre 597), il était d’usage que chaque élu fît une harangue de réception (Paul Pellisson-Fontanier, Histoire de l’Académie française, Paris, 1743, tome second, pages 175‑176) :

« D’abord ces discours ne furent que des compliments peu étendus : ils se prononçaient à huis clos et devant les académiciens seuls, tant que l’Académie s’assembla chez M. le Chancelier Séguier ; mais depuis qu’elle s’assemble au Louvre et qu’elle ouvre ses portes les jours de réception, ce ne sont plus de simples remerciements, ce sont des discours d’apparat. Et quoique la matière de ces discours soit toujours la même, l’art oratoire est tellement un Protée {a} que, par leurs formes différentes, ils paraissent toujours nouveaux. Personne, depuis 1640, n’a été dispensé de cet usage que M. Colbert et M. d’Argenson, {b} lesquels ont été reçus l’un et l’autre en des circonstances où l’extrême vivacité des affaires publiques, dont le fardeau tombait sur eux, les mettait hors d’état de se prêter pour quelques instants à leur propre gloire. Les motifs particuliers et passagers qui leur ont fait obtenir cette dispense sont la confirmation de la règle générale. Mais il est triste pour l’honneur des Lettres qu’on n’ait pas usé de la même indulgence envers le feu duc de La Rochefoucauld, auteur de ces Maximes si connues. Car l’obligation de haranguer publiquement le jour qu’il aurait été reçu fut le seul obstacle qui l’éloigna de l’Académie ; et cela parce que tout le courage qu’il avait montré dans plusieurs occasions des plus vives, et avec toute la supériorité que sa naissance et son esprit lui donnaient sur des hommes ordinaires, il ne se croyait pas capable de soutenir la vue d’un auditoire et de prononcer seulement quatre lignes en public sans tomber en pâmoison. »


  1. V. note [8], lettre de Jean de Nully, datée du 21 janvier 1656.

  2. Marc-René de Voyer de Paulmy d’Argenson (1652-1721, garde des sceaux et président du Conseil des Finances sous la Régence), reçu en 1718.

Du passage de l’industrieux Colbert à l’Académie, l’abbé Régnier a noté dans ses Mémoires (ibid. pages 202‑203) :

« Il trouvait que le travail du Dictionnaire n’avançait pas assez à son gré, et ce qu’on lui alléguait là-dessus en faveur de la Compagnie lui semblait suspect d’exagération. Il voulut en juger par ses propres yeux et indépendamment du témoignage d’autrui. Il vint pour cet effet à une des assemblées ordinaires de l’Académie, lorsqu’on ne l’y attendait pas. Il assista deux heures durant à l’examen du mot < Ami > dont on faisait alors la révision. Il vit proposer, agiter et résoudre les différentes questions qui se présentèrent là-dessus ; et enfin, le ministre le plus laborieux qui eût jamais été et le meilleur ménager du temps, sortit pleinement convaincu que la lenteur qu’il avait reprochée lui-même à l’Académie ne venait point de sa faute et qu’il était impossible qu’une Compagnie allât plus vite dans un travail de cette nature. »

À sa mort, en 1684, Colbert eut pour successeur Jean de La Fontaine.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 31 mars 1667, note 2.

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(Consulté le 19/04/2024)

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