À Johannes Antonides Vander Linden, le 18 février 1656, note 2.
Note [2]

V. notes :

  • [16], lettre latine 38, pour les deux éditions des Aurelii Cornelii Celsi, de Arte Medica libri octo… [Huit livres de Celse sur l’Art médical…], publiées par les Alde (Venise, 1528 et 1547) ;

  • [10], lettre 488, pour Nicolas de Nancel ;

  • [2], lettre 72, pour Michel i de La Vigne ;

  • [51], lettre 97, pour Jacques Charpentier ;

  • [4], lettre 2, pour Jean Fernel ;

  • [3], lettre 102, pour Jean Chapelain.

Dans sa lettre du 23 juillet 1655 (v. sa note [16], Guy Patin n’avait parlé que d’un seul Celse vénitien, mais disait clairement ici en posséder deux : le premier était celui de 1547, paru dans un recueil in‑fo, que Nancel avait annoté et dont la suite de la présente note donne une analyse détaillée ; Jean ii Riolan lui avait donné l’autre, de plus petit format (1528, in‑4o), commenté par Charpentier, à partir d’un troisième, annoté par Fernel et Chapelain. Celui-là appartenait encore à Riolan qui disait en posséder un quatrième, annoté par Jules-César Scaliger, mais dont il refusa toujours de se dessaisir (v. note [1], lettre latine 50).

Par l’admirable zèle de ses conservateurs, la BIU Santé conserve et met en ligne le Celse revu par Nancel. Il figure dans un recueil imprimé où il l’a littéralement enseveli sous ses notes manuscrites, dans son dessein de le rééditer après l’avoir entièrement corrigé et commenté :

Medici Antiqui omnes, qui Latinis literis diversorum morborum genera et remedia persecuti sunt, undique conquisiti, et uno volumine comprehensi ; ut eorum, qui se medicinæ studio dediderunt, commodo consulatur. Index in omnes plenissimus.

[Tous les médecins de l’Antiquité qui ont exposé en langue latine les catégories et les remèdes des diverses maladies, dont les écrits ont été recherchés de toutes parts et réunis en un seul volume, afin que ceux qui se consacrent à l’étude de la médecine puissent les consulter commodément. Très riche index de tout le contenu]. {a}


  1. Venise, Alde, 1547, in‑fo de 634 pages.

    L’avis Medicinæ studiosis [à ceux qui étudient la médecine] incite à penser que l’imprimeur en a aussi été l’éditeur : l’érudit Paul Manuce (Paolo Manuzio 1512-1574, fils d’Aldo, v. note [16], lettre latine 38).


L’examen de ce prodigieux exemplaire mérite une exploitation bien plus approfondie que celle que j’ai menée, mais elle permet d’en apprendre suffisamment sur le projet de Nancel qui n’a jamais abouti.

Le frontispice est couvert d’annotations de qualités et de sources diverses.

  • Les unes, de la plume de Nancel, indiquent les additions à apporter au titre.

    Ab infinitis mendarum asperginibus < purgati >, quibus scatebant, vix paucis acutioribus viris perceptibiles, in pristinum prope nitorem, sublatis errorum plus denis millibus, restituti ; ita ut a quovis mediocriter literis Græcis et Latinis instructo, et rei medicæ perito, intelligi queant.
    Ex prima Nancelij recognitione.
    [Sed novus tibi compilandus ; consumata nova et ampliore impressione.] Opera et Herculeo pene labore, vigiliisque Nic. Nancelij Trachyeni, Noviodudensis, apud Turones medici.
    Authorum nomina sequens pagina aperiet.

    Accessit eiusdem Nancelij commentarius amplissimus in Strabum Gallum, poetam et medicum insignem, catalogum medicorum comprehensum.

    [< Purgés > des infinités de fautes qui les aspergeaient, mais que peu de lecteurs fort pointus pouvaient percevoir, ils ont presque été rétablis dans leur ancien éclat, après en avoir ôté plus de dix mille erreurs ; en sorte que n’importe qui est capable de les comprendre s’il connaît un peu le grec et le latin, et a étudié la médecine.
    Dans la première édition de Nancel.
    (Mais vous devrez en compiler un nouveau ; entièrement imprimé en plus grands caractères.) {a}
    Par les soins et le travail presque herculéen, ainsi que les veilles de Nic. de Nancel natif du Noyonnais, médecin à Tours.
    La page suivante donne la liste des auteurs.

    On y a ajouté un très riche commentaire du dit Nancel sur Strabus Gallus, insigne médecin et poète, qui a établi un catalogue de remèdes]. {b}


    1. Note à l’intention de l’imprimeur concernant l’index.

    2. Strabus Gallus est l’un des auteurs latins qui figurent dans le recueil des Alde : Strabi Galli Poetæ et Theologi doctissimi, ad Grimaldum Cœnobii S. Galli Abbatem, Hortulus [Jardinet de Strabus Gallus, poète et très docte philosophe, dédié à Grimaldus, abbé du monastère de Saint-Gall] (page 247 ro‑248 vo) ; Grimald, moine bénédictin, abbé de Wissembourg (Alsace) et de Saint-Gall (Suisse) ; le commentaire manuscrit de Nancel dépasse en longueur ce court catalogue de plantes médicinales écrit en vers.

  • Les autres annotations de la première page touchent à l’édition de l’ouvrage et à la conservation de l’exemplaire.

    • Sous l’emblème des Alde, Nancel a écrit un nom d’imprimeur, Le Gay (que je ne suis pas parvenu à identifier plus précisément), associé à celui de Nic. Nancelij ; avec (à droite et d’une autre écriture) la date 1600, {a} précédée d’une courte annotation que je n’ai pas su entièrement déchiffrer : Hæc omnia sunt transcripta correctius et aucta in alio […] Nacelium [Tout cela a été plus correctement transcrit et augmenté dans un autre (…) Nancel].

    • Outre les tampons de la BIU Santé (à gauche) et de la « Biblioth. Chirur. Paris » (à droite), se lit (en haut à droite) un ex-libris manuscrit du Collegij Parisiensis Soc. Jesu [Collège parisien de la Compagnie de Jésus], {c} sous un nom barré et mutilé par le massicotage de reliure, qui me semble être celui de René « Moreau, médecin de Paris » [Moreau Med. Paris.]. {d}


      1. Nancel est mort en 1610.

      2. On retrouve cette même note manuscrite sur la dernière page du livre où est imprimé l’emblème des Alde.

      3. Le Collège de Clermont, v. note [2], lettre 381.

      4. Je suis absolument sûr de Moreau Med. Paris. {i} Patin a signalé qu’après la mort de René Moreau (17 octobre 1656), Nicolas Fouquet avait racheté les ouvrages médicaux de sa bibliothèque. {ii} Celle de Fouquet fut dispersée et vendue en 1666, {iii} après sa condamnation à la prison perpétuelle ; les jésuites ont pu en acheter certaines pièces.

        Néanmoins, Patin disait ici envoyer ses deux Celse {iv} à Johannes Antonides Vander Linden, qui a confirmé en tous points ce prêt dans la bibliographie de sa propre édition, {v} sans mentionner Moreau. Patin décrivait le premier comme majorem, propria manu emendatum Nic. Nancelij [très grand, corrigé par la propre main de Nic. de Nancel] : ce devait donc être l’exemplaire de la BIU Santé. Toutefois, sa griffe n’y figure pas et ce qu’on y voit identifie son propriétaire comme étant Moreau. On peut difficilement imaginer que Nancel ait transcrit ses forêts d’annotations sur deux exemplaires distincts de l’édition aldine parue à Venise en 1547. Sans que je puisse en donner une raison autre que la gloriole bibliomaniaque personnelle, force est donc de croire que Patin n’avait curieusement pas dit à Linden que le trésor qu’il lui confiait ne lui appartenait pas, mais sortait de la bibliothèque de leur ami Moreau, préférant raconter que Michel i de La Vigne (mort en 1648) le lui avait offert.

        Dans une affaire aussi délicate, chaque détail compte : je pense que Linden n’a pas été la dupe de Patin car, dès leur parution, il a pris soin d’envoyer à Moreau un exemplaire de ses Selecta medica, {vi} mais la mort du destinataire l’empêcha d’en bénéficier. {vii}

        1. Jean-François Vincent, le précieux rédacteur en chef de notre édition, a confirmé cette transcription en m’en procurant un agrandissement de très bonne qualité, accompagné de trois ex-libris de René Moreau qui figurent sur des exemplaires conservés par la BIU Santé.

        2. Avant-dernier paragraphe de la lettre latine 75.

        3. V. note [1], lettre 869.

        4. V. supra le 2e paragraphe de la présente note.

        5. Leyde, 1657 (v. notule {e}, note [20], lettre de Charles Spon datée du 28 août 1657), en citant Nancel, mais non Moreau, dans sa bibliographie.

        6. « Morceaux médicaux choisis » (Leyde, 1656, v. note [29], lettre 338).

        7. V. note [1], lettre latine du 26 janvier 1657.

Entre bien d’autres, on trouve dans ce recueil :

  • les riches annotations de Nancel sur le Celse complet (pages 1 ro‑65 ro), dont le premier chapitre est intitulé Aurelii Cornelii Celsi Artium Liber Sextus, idem Medicinæ Liber primus [Sixième livre des Métiers d’Aurelius Cornelius Celsus, qui est le même que le premier livre de la Médecine] ; {a}

  • les cinq livres de Cælius Aurelianus sur les maladies chroniques (pages 249 ro‑290 vo). {b}


    1. Nancel a ajouté le sous-titre Præfatio [préface], avec cette précision dans la marge :

      Συν Θεω
      Nancelius inchoavit
      Turoni, 6 Cal. De-
      cembr. 1572.
      absolvit 6. Cal. Decembr.
      1578
      .

      [Avec l’aide de Dieu, Nancel a commencé à Tours le 26 novembre 1572. Il a terminé le 26 novembre 1578].

    2. Cette partie de l’ouvrage comporte quelques annotations manuscrites, mais elles sont d’une autre plume que celle de Nancel, qui s’est limité à écrire sur sa première page (249 ro), ce double avertissement (Admonitio) manuscrit à l’imprimeur :

      • Cape e parvo exemplari Lugudnensi a me correct[um] et auctum altera parte De acutis mor[bis].

        [Prenez cela du petit exemplaire de Lyon, que j’ai moi-même corrigé et auquel j’ai ajouté l’autre partie, sur les maladies aiguës].

      • Aurelianum hunc, altera parte sui auctum, à me multis locis, reperies in minori volumine excusum Lugdunii. Huc ergo transfert.

        [Vous trouverez cet Aurelianus, augmenté de l’autre partie de son œuvre, que j’ai corrigée en maints endroits, dans un plus petit volume, impression de Lyon. Qu’on s’y reporte donc].

        Cælii Aureliani Siccensis, medici vetusti, et in tractanda morborum curatione diligentissimi, secta methodici, De Acutis morbis lib. iii, De Diuturnis lib. v. Ad fidem exemplaris manus scripti castigati, et annotationibus illustrati. Cum indice copiosissimo, ac locupletissimo [Trois livres sur les Maladies aiguës et cinq livres sur les maladies chroniques, de Cælius Aurelianus, natif de Sicca, médecin de l’Antiquité, de la secte des méthodiques, très attentif au traitement des maladies. Avec un index très copieux et très riche] (Lyon, Guliel. Rovillius, 1567, in‑12).

        Sur des arguments que je ne connais pas, Éloy (1778, tome 2, page 2) et la BnF attribuent leur édition à Jacques Daléchamps. {i} Ce passage du Lectori S. [Salut au lecteur] (qui n’est ni signé ni daté) établit que leur éditeur a publié le travail de Nancel, sans le nommer :

        His ergo rationibus sum adductus ut credam Empiricorum, Methodicorumque scripta non omnino indigna esse quæ Medicorum manibus terantur, hæcque inprimis quibus Cælius Aurelianus Methodicus de morbis acutis et diuturnis accurate pertractauit. Quorum cum fere obliterata esset memoria, tum quod iampridem excusorum magna admodum penuria esset, tum quod ea exemplaria vitio turpissimis maculis deformata, fracta, multisque vulneribus confecta contemnerentur, ope vetusti codicis manuscripti, aliorumque cum eo collatorum excellentissimus et literatissimus Medicus totius operis maculas deleuit, fracta restituit, vulnera curauit, doctissimis annotatiunculis in margine ascritis illustrauit. Quæ cum ego nactus essem, eaque Medicis et lectu iucunda, et scitu utilia esse iudicarem, author omnino fui Guilielmo Rouillio Typographo, ut ea typis elegantioribus excuderet : id quod facile ab eo impetraui, qui et publicæ vtilitatis sit studiosissimus, et nullis parcat sumptibus, ut boni authores emendati, et charateribus elegantissime conformati veninant in manus hominum.

        [Toutes ces raisons m’ont donc mené à croire que les écrits des empiriques et des méthodiques n’étaient pas tout à fait indignes d’être feuilletés par les médecins ; et en tout premier, parmi eux, les traités complets de Cælius Aurelianus le Méthodique sur les maladies aiguës et chroniques. Leur souvenir s’était presque effacé parce que leur édition déjà ancienne était devenue rare, {ii} et qu’elle avait été méprisée pour son imperfection, avec les fort hideuses fautes qui la déformaient, ses lacunes, et les multiples plaies dont elle était couverte. Grâce à un vieux manuscrit, qu’il a comparé à d’autres sources, un très éminent médecin, parfaitement lettré, a ôté les taches de tout l’ouvrage, restitué ses lacunes, guéri ses plaies, et l’a enrichi des très savantes annotations qu’il a écrites dans les marges. {iii} Les ayant trouvées, et jugées plaisantes à lire et utiles à connaître des médecins, je pris entièrement sur moi de convaincre le libraire Guillaume Roville {iv} d’employer des très élégantes presses à les imprimer ; ce que j’ai aisément obtenu de lui, car il est tout à fait soucieux de servir le public et n’épargne aucune dépense pour que les auteurs bien corrigés et présentés dans une meilleure typographie parviennent entre les mains des lecteurs].

        1. Docteur en médecine de l’Université de Montpellier en 1547, établi à Lyon en 1552 et mort dans cette ville en 1588 (v. note [2], lettre 71).

          V. note [3], lettre latine 132, pour ce que Linden a dit, dans ses deux livres de Scriptis medicis [sur les Écrits médicaux] (Amsterdam, 1662), sur la participation de Daléchamps à l’édition de Cælius Aurelianus.

        2. L’édition princeps des Alde (Venise, 1547), restée la seule disponible pendant 20 ans, ne contenait que les maladies chroniques de Cælius Aurelianus (v. supra).

          V. note [3], lettre latine 71 pour l’autre partie, sur les maladies aiguës, éditée par Jean Gonthier d’Andernacht et publiée à Paris en 1533 ; l’exemplaire conservé par la BIU Santé est vierge de toute annotation.

        3. Nancel me semble le seul à pouvoir être cet annotateur de Cælius Aurelianus

        4. Autrement orthographié Rouillé.

    La double Admonitio manuscrite de Nancel et cette épître au lecteur de 1567 se conjuguent idéalement pour affirmer qu’il a été l’excellentissimus et literatissimus Medicus [très éminent médecin, parfaitement instruit] qui a anonymement édité les deux traités de Cælius Aurelianus en 1567.

Le naufrage de la réédition par Nancel du recueil publié par les Alde en 1547, en lien possible avec des obstacles de financement ou de privilège, a empêché que le mérite du travail qu’il avait accompli sur le Cælius Aurelianus publié à Lyon en 1567 lui soit justement attribué (comme il le souhaitait clairement), mais les notes qu’il a laissées sur l’exemplaire de l’Alde conservé par la BIU Santé et les lettres de Patin m’ont permis de réparer cette injustice, en conclusion d’une minutieuse analyse des faits. Le gigantesque labeur de Nancel sur le Celse n’est quant à lui pas perdu : il a aidé Linden à préparer sa propre édition (Leyde, 1657, v. note [20], lettre de Charles Spon datée du 28 août 1657), qui ne comporte aucun commentaire sur le texte ; mais il demeure autrement en jachère, tout comme le reste de ses scolies sur les autres auteurs médicaux latins anciens qui figurent dans l’exemplaire de la BIU Santé.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 18 février 1656, note 2.

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(Consulté le 06/12/2024)

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