À Madame Anne Christine, le 19 mars 1666, note 2.
Note [2]

Souscription incomplète d’une lettre dont le ton inhabituellement affectueux, presque tendre, et la mystérieuse destinataire laissent planer le doute sur les véritables intentions de Guy Patin : voulait-il exprimer à cette jeune femme, dont il avait aussi connu la mère,

  • la nostalgie d’une relation avec elle, qui était peut-être allée plus loin que la simple amitié ?

  • ou plus probablement, le désir de se remettre, par son intermédiaire, dans les bonnes grâces de l’ambassadeur Hannibal Sehested, qui l’avait honoré de son amitié en 1662-1663 et qui était de nouveau à Paris depuis février 1666 ?

Interrogée sur ce qu’elle en pensait, Marie-France Claerebout, relectrice de notre édition et archiviste fort avisée, m’a fait découvrir un article du Dr H. Gros paru dans Paris médical, la Semaine du clinicien (tome lxl [sic pour xc], no 35, 2 septembre 1933, pages 171‑180), intitulé À propos d’une lettre de Guy Patin à une femme. Hannibal de Séhested, ambassadeur extraordinaire du roi de Danemark auprès de Louis xiv. La lettre à Madame Anne Christine y est reproduite, transcrite et commentée, mais sans résoudre l’énigme de son identité et des intentions de Patin à son endroit. Il s’y ajoute une longue étude sur les vies de Sehested et Paul Courtois, avec cette conclusion :

« Cette unique lettre de Guy Patin écrite à une femme {a} nous permet de nous rendre compte combien Voltaire et La Harpe ont été injustes envers le professeur du Collège de France en déclarant “ que la lecture de ses lettres n’était bonne que pour les oisifs ”. {b} Cette courte étude que nous avons faite de ces onze lignes d’écriture ne nous a-t-elle pas permis d’évoquer des faits négligés à tort du xviiie siècle {c} et ne nous a-t-elle pas ouvert des horizons sur les hommes et les institutions de cette époque ? »


  1. Notre édition en contient une autre, adressée à Madame de Palme (lettre latine 160).

  2. La citation ne vient pas du Siècle de Louis xiv de Voltaire (v. note [a] des Avis critiques sur les Lettres). Elle ne vient pas non plus du passage que M.‑F. Claerebout a trouvé dans le Lycée, ou cours de littérature ancienne et moderne (Paris, Verdière, 1817, in‑8o, tome second, pages 603‑604) de Jean-François de La Harpe (1739-1803), prolifique écrivain, critique et dramaturge français :

  3. « Le genre épistolaire eut dans le dernier siècle une assez grande importance : il avait fait la réputation de Balzac et de Voiture, {i} suivis par cette foule d’imitateurs qui marchent toujours à la limite des succès. Si les modèles ne sont plus guère lus, les copistes sont entièrement oubliés. Les gens plus curieux que difficiles vont encore chercher des anecdotes dans les lettres de Guy Patin, dans celles de Madame Dunoyer, {ii} dans celles de Marana, connues sous le nom d’Espion turc, etc. {iii} Tous ces livres, décriés auprès des gens instruits, ne sont guère que des recueils de satires grossières ou d’historiettes romanesques et de contes populaires, aliments passagers de la malignité d’une génération, rebutés par la suivante. Un seul recueil de lettres a mérité de passer jusqu’à nous et de vivre dans la postérité, et c’est celui dont l’auteur ne songeait à faire ni un roman, ni une satire, ni un ouvrage quelconque. Tout le monde me prévient, et nomme Madame de Sévigné. »

    1. V. notes [7], lettre 25, pour Jean-Louis Guez de Balzac, et [9], lettre 210, pour Vincent ii Voiture.

    2. Anne-Marguerite Petit-Dunoyer (1663-1719) est auteur de Lettres historiques et galantes (Cologne, 1707).

    3. Giovanni Paolo Marana (1642-1693), noble génois, est auteur de L’Espion turc, roman épistolaire paru en France en 1686.

  4. Sic pour xviie.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Madame Anne Christine, le 19 mars 1666, note 2.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1428&cln=2

(Consulté le 16/04/2024)

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