Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 2.
Note [2]

Bessarion (Trébizonde, Anatolie 1403-Ravenne 1472) est le nom religieux d’un moine orthodoxe de l’Ordre de saint Basile, dont le patronyme et le prénom sont incertains. Métropolite de Nicée en 1437 et favorable à la réunion des Églises chrétiennes, il se convertit au catholicisme en 1438 et fut élu cardinal l’année suivante, puis archevêque de Thèbes (Béotie), en conservant le surnom de cardinal de Nicée. Il a accompli de nombreuses missions diplomatiques au service du Saint-Siège, dont la dernière, auprès du roi Louis xi, le mena à Saumur ; il y il tomba malade et mourut lors de son voyage de retour à Rome. Bessarion fut l’un des érudits qui ont fait connaître les philosophes grecs dans le monde latin, et ainsi contribué à fonder la Renaissance européenne (autrement nommée « le rétablissement », v. notule {e}, note [49] du Naudæana 3).

Le conclave évoqué dans cet article est celui de 1471. Paul Jove en a ainsi parlé dans son éloge de Bessarion : {a}

[…] usque adeo extra invidiam gloriosa sui fama fruebatur, ut Eugenius, Nicolaus et Pius eum sibi successorem, si fas esset, adoptare percuperent : neque optime de Republica merito, Senatorum studia deerant ; sed Paulo morte sublato, in comitiis fatalis casus tantæ spei Fortunam avertit. Ferunt enim tres summæ authoritatis cardinales, quum eo decreto, ut cum pontificem salutarent, abditum in cella conclavis adissent, nec admitterentur a Nicolao Perotto ianitore, quod tum vir ineptus lucubranti parcendum diceret, usque adeo stomachatos, ut sese indignanter avertentes, responderent. Ergo nec prensanti, nec roganti quidem, summa dignitas erit inculcanda, ut quum e cælo suffragia expectet, superbis demum ac stolidis ianitoribus pareamus ? statimque suffragia Xysto detulisse, quo repente renuntiato ador<n>atoque, Bessarion dixisse fertur : Hæc tua Nicolæ, intempestiva sedulitas, et tiaram mihi et tibi gallerum eripuit.

[(…) il jouissait d’un si glorieux renom, exempt de jalousie, que, si Dieu voulait, Eugène, Nicolas et Pie {b} désirèrent avidement l’avoir pour successeur, et le zèle des cardinaux ne manquait pas d’adhérer à ce vœu, en raison de son insigne mérite politique ; mais quand ils se réunirent après le décès de Paul, {c} un fatal incident en empêcha l’heureux accomplissement. Trois cardinaux d’éminente autorité ont en effet relaté que quand ils se présentèrent pour saluer le nouveau pontife, qui s’était enfermé dans son cabinet, Niccolo Perotti, son secrétaire, {d} leur refusa l’entrée : comme ce stupide personnage leur disait qu’il ne fallait pas déranger son maître au travail, ils en furent si estomaqués qu’ils lui répondirent avec indignation qu’ils retournaient là d’où ils étaient venus. Quand nous devons accéder à la dignité suprême, même sans la rechercher ni la solliciter, puisqu’elle dépend des suffrages célestes, sommes-nous seulement à l’abri des sots et orgueilleux secrétaires ? Les votes se sont immédiatement reportés sur Sixte, {e} qui fut promptement proclamé et intronisé, et l’on raconte que Bessarion dit alors : « Ton zèle inopportun, cher Niccolo, m’a arraché la tiare et t’a coûté le bonnet. »] {f}


  1. Page 44 des Elogia, édition de Bâle, 1577, v. note [27], lettre 925.

  2. Les papes Eugène iv (1431-1447, v. note [49] du Naudæana 2), Nicolas v (1447-1455, v. note [5], lettre 969) et Pie ii (1458-1464, v. note [45] du Naudæana 3). Callixte iii (Alonso Borgia, 1455-1458) manque à la série, probablement pour sa réputation de faiblesse politique et de népotisme outrancier.

  3. Le pape Sixte iv (1471-1484, v. note [39] du Naudæana 2).

  4. Le pape Paul ii (1464-1471, v. note [15] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii).

  5. Niccolo Perotti (Nicolaus Perottus, ici Nicolas Perrot, 1429-1480), prélat italien et éminent latiniste, s’est acquis une grande réputation pour ses travaux sur la grammaire et le vocabulaire latin, et pour ses études sur Martial et sur Phèdre. Jove a donné son éloge pages 22‑23, avec cette remarque :

    Exinde Romæ Græcas literas pertinaci studio consectatus, fretusque Bessarione generoso Mecænate, adeo exacte, feliciterque profecit, ut ab eo Polybius gravissimus historiarum scriptor, latinitati donaretur.

    [Ensuite, à Rome, il se consacra avec un zèle acharné à l’étude du grec. Sous l’égide de Bessarion, son généreux mécène, il y progressa avec tant d’application et de bonheur qu’il donna une traduction latine du très important historien Polybe].

  6. Archevêque de Manfredonia-Vieste-San Giovanni Rotondo (dans les Pouilles), Perotti ne fut jamais nommé cardinal.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 2.

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(Consulté le 08/10/2024)

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