Le « séjanisme » (seianismus) est un néologisme que Georg Horn a formé sur le nom de Séjan (Ælius Seianus), ministre et favori de Tibère (v. note [3], lettre 17), qui abusa outrageusement de son pouvoir. La Dissertatio xxx d’Hornius contient deux parties, dont la première est intitulée De Seianismo (pages 279‑287) :
1. Seianismus est secta aulicorum, qui Principe suo ad opprimendam Rempublicam abutuntur. […]
3. Talis fuit famosus ille Seianus, conditor damnosissimæ aulicorum sectæ, quæ continua serie ad nostra usque tempora propagata, infinita mala generi humano intulit. Præcipue post Seianum in ea excelluerunt, sub Francisco ii. Carolo ix. et Henrico iii. Regibus Galliæ Guisani, sub Ludovico xiii. Ancræus, sub Jacobo et Carolo Regg. Angliæ, Buckinghamius. His tribus palmam in Seianismo tribuere non veremur. Quibus addenda est ex sequiori sexu Philippa Catanensis, Seianismi ad miraculum perita ; quæ Johannam i. Reg. Neapolitanam ad omne flagitium impulit. Ab his proximi fuerunt Laco, Icelus, Vinius, sub Galba : Messalina Narcissus, et Pallas, sub Claudio : Eusebius sub Constantio : Petrus Gavestonus, et duo Spenseri sub Eduardo ii. Reg. Ang. Granvellani sub Carlo v et Philippo ii. Dux Lermæ sub Philippo iii. ut cæteros omittamus. Nec nostra ætas illustribus Seianis caret, qui per tot gentium strages innotuerunt, ut eos nominare necesse non sit. […]
5. Hic vero inquirere operæ pretium est, quibus artibus ad tantam potestatem Seiani emergant. Profecto variis, semper tamen malis, inhonestis, ludicris et voluptariis. De Ancræo tradunt quod arte magica Ludovicum fascinaverit. Buckinghamius arte saltatoria, et voluptatum magisterio, Iacobum sibi obnoxium reddidit.
[1. Le séjanisme est la brigue des courtisans qui abusent de leur prince pour opprimer la république. (…)
3. Le fameux Séjan a fondé ce comportement fort odieux des courtisans, qui s’est propagé sans discontinuer jusqu’à notre siècle ; il a acquis tant de renom qu’il a affligé le genre humain de malheurs infinis. Y ont principalement excellé les Guise, sous François ii, Charles ix et Henri iii, {a} rois de France ; Ancre, sous Louis xiii ; {b} et Buckingham, sous les rois Jacques et Charles d’Angleterre. {c} Nous attribuons sans crainte la palme du séjanisme à ces trois-là. Il faut y ajouter, pour le sexe faible, Philippa de Catane, merveilleusement rompue à l’art du séjanisme, qui a poussé Jeanne, reine de Naples, à la plus totale infamie. {d} Les premiers de ces Séjan furent Lacon, Icelus et Vinius, sous Galba ; Messaline, Narcisse et Pallas, sous Claude ; {e} Eusebius, sous Constance ; {f} Pierre Gaveston et les deux Despenser, sous Edward ii, roi d’Angleterre ; {g} Granvelle, sous Charles Quint et Philippe ii ; {h} le duc de Lerma, sous Philippe iii ; {i} sans parler de tous les autres. Et notre siècle ne manque pas d’illustres favoris, ils se sont fait connaître en massacrant tant de gens qu’il est inutile de donner leurs noms. (…)
5. Il vaut pourtant la peine de chercher par quels artifices les Séjan s’élèvent à un si grand pouvoir. Ils sont assurément variés, mais pourtant toujours vicieux, malhonnêtes, badins et voluptueux. Pour Ancre, on raconte qu’il a envoûté Louis par magie. {b} Buckingham a mis Jacques sous sa coupe par son art de la danse et sa maîtrise des plaisirs]. {c}
- V. note [11], lettre latine 75, pour une allusion au double assassinat du Balafré, le duc Henri ier de Lorraine, et de son frère Louis, cardinal de Lorraine, à Blois en1588, sur ordre du roi Henri iii.
- V. note [8], lettre 89, pour Concino Concini, maréchal d’Ancre.
- V. note [21], lettre 403, pour George i Villiers, duc de Buckingham.
- Jeanne ire (1328-1382), reine de Naples (de 1343 à sa mort), avait eu pour nourrice la modeste fille d’un pêcheur de Catane (Sicile), prénommée Philippa. Cette ancienne blanchisseuse sut prendre un fort ascendant sur la princesse et sur le duc son père. Philippa avait épousé un esclave maure affranchi de la cour et l’avait associé à elle dans son influence sur le pouvoir.
Boccace (v. note [11] du Naudæana 3) a raconté cette funeste histoire dans les chapitres xxv et xxvi, livre ix, de ses De casibus virorum illustrium [Des infortunes des hommes illustres] (1373). La version française qu’on pouvait alors en lire, sous le titre De Philippe de Cathine, se trouve aux pages 686‑693 du Traité des mésaventures de personnages signalés. Traduit du latin de Jean Boccace et réduit en neuf livres par Cl. Witart, écuyer, sieur de Rosoy, Gasteblé, Belval et de Beralles, conseiller au siège présidial de Château-Thierry (Paris, Nicolas Ève, 1578, in‑8o).
- V. Suétone (Vie des douze Césars) : chapitre xiv de la Vie de Galba, pour Cornelius Laco, T. Vinius et l’afranchi Icelus ; chapitre xxviii de la Vie de Claude, pour Narcisse et Pallas, et maints passages pour Messaline, épouse de Claude.
- Favori et chambellan de la chambre sacrée (præpositus sacri cubiculli), Eusebius profita de son ascendant sur l’empereur Constance ii (qui régna de 337 à 361) pour s’enrichir et promouvoir l’arianisme (v. note [15], lettre 300) à Rome.
- le chevalier gascon Pierre Gaveston, premier duc de Cornouailles et favori d’Édouard ii, eut une profonde influence sur son règne (1307-1327). Après l’exécution de Gaveston (1312), les Despenser, père et fils, tous deux prénommés Hugh, abusèrent à leur tour des faiblesse du roi.
- Antoine Perrenot de Granvelle, cardinal en 1561 (v. notes [19]‑[24] du Borboniana 5 manuscrit).
Les notes [19]‑[22] du Borboniana 5 manuscrit procurent un copieux complément d’information sur ce cardinal.
- Favori de Philippe iii d’Espagne, le duc de Lerma, Francisco Goméz de Sandoval y Rojas, tint les rênes du royaume de 1598 à 1618.
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